Commençons par raconter une histoire, et une histoire vraie, en plus. C'est un gars qui a besoin d'argent, il a besoin de 20.000 balles pour être « dépanné ». Il va chez un copain, celui-ci le reçoit bien et lui dit : « On se voit jeudi au bistrot habituel et je te passe l'argent sans problèmes. » Le gars est soulagé, 2 millions de centimes que va lui prêter son copain, ça va le sauver et il attend le jeudi tout content. Entre temps, l'autre, celui qui allait lui donner l'argent, apprend mercredi qu'il a gagné au Loto, près d'un milliard de centimes, alors le jeudi, il va au bistrot, justement là où il avait acheté son ticket et où il avait rendez-vous avec son pote, il paye à boire à tout le monde pour « arroser » son gros lot et puis après, il prend son copain à part et lui dit : « Tu es venu me voir pour que je te prête 2 millions, et bien là, maintenant, je vais te donner 10 millions, c'est à toi, tu les prends et tu ne me rends rien ». Que croyez-vous qu'il se passa ? Le gars, solliciteur, qui était venu dans ses petits souliers pour avoir un prêt, et bien, il s'est fâché tout rouge, a refusé l'offre de son copain, le traitant de « sale milliardaire radin… », ajoutant qu'il ne fallait pas qu'il le prenne pour un mendiant. Cette histoire est garantie vraie, c'est le milliardaire qui l'a racontée, il y a quelques années sur France 3 (France) lors d'une émission consacrée aux gagnants au Loto. On la raconte aujourd'hui parce qu'elle nous semble adaptée à ce qui se passe dans notre football, avec la fronde menée par le Wydad contre les droits de retransmission télévisée. Ce week-end, le Wydad a avancé à visage découvert (voir notre édition d'hier) et précisé à ceux qui croyaient qu'ils dénonçaient la programmation, que sa guerre, il veut la livrer contre les contrats signés entre les partenaires du foot (SNRT et maintenant Maroc Télécom) et la FRMF. Et le Wydad, si on a bien compris le message, veut un traitement de faveur eu égard à son statut, à son public et à ce qu'il apporte au football marocain. On aura même entendu des dirigeants plus excités que les autres dirent : « on ne veut pas être sur le même pied d'égalité que Khémisset », oubliant que l'IZK, club de Khémisset a souvent réussi face aux clubs casablancais et que ses joueurs ont toujours posé problème aux équipes casablancaises, et ce, en plein complexe sportif Mohammed V. Mais Casablanca, c'est Casablanca, gigantesque mégapole, qui entend exercer son influence sur tout et sur tous. Mais pour en revenir à notre histoire de Loto, rappelons qu'il y a 20 ans, les fédérations et les clubs payaient pour passer à la télé. Les clubs de foot, les tournois de tennis, les meetings d'athlétisme, n'importe quelle manifestation sportive si elle voulait être programmée sur « la » (il n'y en avait qu'une) télé, et bien, elle passait à la caisse. L'heure et demie ou les deux heures de retransmission étaient payées en espace publicitaire et les clubs et fédérations y trouvaient leur compte, car un passage à la télévision leur garantissait des panneaux de sponsoring autour du champ de jeu et de la « pub » sur les maillots. C'était dans les années 80, autant dire l'âge de la pierre taillée, mais à cette époque, personne ne contestait l'autorité de la télévision, même quand celle-ci déprogrammait à la dernière minute un événement pour un cas de force majeure, comme ce fut le cas pour le meeting de Aouita organisé à Casablanca en 1987, avec Kamal Lahlou, et où Aouita dut mettre de sa poche pour dédommager les sponsors. C'est pour dire que même Kamal Lahlou, pourtant pionnier du sponsoring sportif et homme averti des arcanes de la retransmission télévisée ne trouvait pas grâce auprès du médium-roi et de sa position dominante sur le PAM (paysage audiovisuel marocain). Voilà où on en était il y a 20 ans, et aujourd'hui que les choses ont changé et se sont mises à niveau, ce sont les clubs qui rejettent les caméras, car celles-ci ne payeraient pas assez. Alors, ça ne vous rappelle pas l'histoire du gagnant au Loto et de son copain ? Dans leur contestation du système de la retransmission télévisée, le Wydad qui s'est exposé aux foudres fédérales paraît d'une naïveté désarmante, d'abord disons que pour bien dédouaner Akram, ce n'est pas ce dernier qui commande ou qui a pris la décision. Au Wydad, le pouvoir est entre les mains de certains qui ont toujours été plus forts que les présidents et qui sont convaincus qu'ils agissent pour le bien du Wydad et qu'ils en défendent les intérêts. Et ces hommes ont gagné la bataille de la rue, donc du public, qui est avec eux et les soutient car ils ont au sein des supporters des relais efficaces. C'est cette machine de guerre qui fait plier les comités et avec qui l'ancienne FRMF, par le biais d'Aouzal, avait toujours composée. Il se dit aujourd'hui que depuis l'ère de Claude Darmon qui en 96, appelé au chevet de la FRMF, amena son savoir-faire au service du foot marocain et principalement de l'équipe nationale, la fédé de foot a toujours essayé de ménager la chèvre et le chou. Feu le Roi Hassan II avait donné pour seule consigne à Darmon et Benslimane (c'était l'époque de la commission provisoire) de « ménager la RTM » qui comme la plus belle femme au monde ne peut donner que ce qu'elle a. Cela marcha comme cela durant plusieurs années, couronnées par une participation en Coupe du Monde 98, et des contrats d'équipements signés avec de grosses boîtes. La commission provisoire devenue après l'an 2000, Bureau fédéral élu après assemblée générale, les clubs devinrent plus regardants sur les différents contrats et commencèrent à grogner. Fayçal Lahrichi demanda de la patience, en ce qui concerne la RTM, parce qu'il était arrivé avec un programme ambitieux et précis, programme étalonné par S.M. le Roi Mohammed VI en personne, pour faire de l'antique RTM une société moderne tournée vers l'avenir. Aujourd'hui, le pari de Fayçal Laârichi est réussi puisque l'on est passé sans heurts, de l'analogique au numérique, que les chaînes télé se sont multipliées que la T.N.T (Télévision Numérique Terrestre) est installée, et que la SNRT peut répondre aujourd'hui à l'attente du public marocain. Son partenaire pour le foot, la FRMF de Ali Fassi Fihri, a joué cartes sur tables en médiatisant la programmation d'Al Botola et en mettant tous les clubs sur le même pied d'égalité. Ça avait l'air de marcher jusqu'à dimanche dernier et là, la FRMF, prise de court met du temps à réagir. Et le Wydad occupe le champ de la communication, c'est-à-dire tout simplement de la contestation. 2M chaîne sympathique et méritante qui en 89 avait insufflé un vent nouveau sur nos antennes encore hertziennes, aujourd'hui ramenée dans le giron de la SNRT s'en est pris plein la figure dimanche au Complexe Sportif Mohammed V. Journalistes et caméras renvoyés, banderoles ironiques étalées dans les gradins, 2M a payé pour les autres. Elle est en droit d'attendre réparation de la part des excités du Wydad, et on attend, quant à nous depuis dimanche soir la réponse fédérale au défi wydadi. Maintenant, ceci dit, et pour rester sur cette fameuse spécificité casablancaise qui demande à être traitée « mieux » que les autres, rappelons qu'il y a quelques années, c'est 2M qui avait allumé le feu. A l'époque, (ce devait être 2002 ou 2003) Nourreddine Sail alors patron de 2M, proposa quatre millions de dhs par an pour retransmettre les matches du WAC et du Raja joués au Complexe Mohammed V et il expliqua qu'il allait signer le contrat directement avec les 2 clubs casablancais, laissant la RTM se débrouiller avec tous les autres matches du championnat. Ne faites pas de grands yeux, cela a existé, et à l'époque une grosse partie de la presse (casablancaise bien sûr) avait applaudi. La bataille que l'on mena ici, dans ces colonnes pour dénoncer cette décision trouva échos auprès du FUS avec le président Lakhdar, qui déclara fort justement, « oui mais quand le Wydad et le Raja jouent à Casa dans leur complexe, avec qui ou contre qui jouent-ils, ils ne sont pas seuls sur le champ de jeu, les autres existent aussi ». 2M recula et tout en gardant ses faveurs pour le Wydad et le Raja, accorda quelques miettes aux autres. Et voilà qu'aujourd'hui, elle se fait bouffer par le monstre qu'elle a, elle aussi, contribué à créer. Allez, ça suffit pour aujourd'hui, demain inchaâ Allah, on vous reprécisera d'autres choses tout aussi édifiantes.