Un fidèle de Tebboune à la communication Deux mois et demi après le limogeage expéditif en plein milieu de la nuit du 20 juin dernier, de Mohamed Bouslimani, le ministère de la communication a, enfin, un nouveau titulaire. Mohamed Laagab. Un affidé du président Tebboune qui se trouve en possession du portefeuille où l'on est beaucoup plus un exécutant des ordres des hommes forts du pouvoir qu'un ministre décideur dans son secteur. Mais souvent, ce sont les services du renseignement qui sont les véritables manipulateurs du ministre. En sera-t-il de même avec Mohamed Laagab ? Nommé, le dimanche 3 septembre, ministre de la Communication, ce professeur universitaire qui a fait le tour de plusieurs partis politiques en quête d'un poste qui répond à ses ambitions, se dit mobilisé pour assurer un 2ème mandat présidentiel pour son mentor. Dès sa prise de fonction il a multiplié les réunions avec les responsables des différents médias nationaux. Responsables des sites d'information, directeurs de chaînes de télévision privées et directeurs de la presse écrite. Un seul mot d'ordre : se mobiliser pour la réélection de l'actuel locataire du palais d'El-Mouradia. Il ne peut pas en être autrement pour un homme qui doit son ascension à Abdelmadjid Tebboune qui l'avait nommé, dès son investiture, chargé de mission à la présidence de la république. Un poste qu'il ne gardera pas longtemps pour excès de flagornerie à l'adresse de l'ex-chef d'état-major de l'armée le général Ahmed Gaïd Salah, décédé une semaine après l'investiture de Tebboune. Croyant bien faire, le nouveau conseiller du chef de l'Etat, à peine 2 mois après sa nomination, au cours d'une cérémonie organisée à l'université d'Alger 3 où il avait enseigné, précisément le 1er février, il était intervenu pour inviter les étudiants à consacrer leurs thèses de mémoire à la personne du défunt chef de l'état-major de l'armée. Le lendemain, au moment où il s'apprêtait à franchir la portée d'entrée réservée au personnel exerçant au palais présidentiel, il s'est vu retirer son badge par un sous-officier de la garde républicaine et invité à rentrer chez lui. Il lui avait fallu du temps pour comprendre que la raison de son renvoi de la présidence était son intervention à l'université. Il laisse passer l'orage et reprend contact avec le président qui ne pouvait oublier combien ce Mohamed Laagab s'était dépensé pour lui, au cours de sa campagne électorale, alors que tout le monde l'avait lâché sur instigation du général Wacini Bouazza, alors Directeur Générale de la sécurité Intérieure (DGSI), qui mettait tout en œuvre pour faire gagner son poulain. On connaît le résultat. Gaïd Salah décide de désigner Tebboune président de la République et le patron de la sécurité intérieure croupit aujourd'hui à la prison militaire où il est condamné à 16 ans de prison avec dégradation au rang d'homme de troupe (soldat sans grade). Après s'être fait oublier pour quelques temps, Mohamed Laagab est repêché par son ami président de la République. Il le nomme le 22 avril 2022 au tiers présidentiel du conseil de la nation (le Sénat algérien). Un poste grassement rémunéré et générateur de pas mal d'avantages acquis à vie. C'était la salle d'attente d'un poste tant convoité depuis longtemps et qu'il a fini par conquérir après tant d'années de patience. Ministre de la communication. Alors qu'il était encore étudiant, le pays vivait une montée spectaculaire de l'islamisme. Le Front Islamique du Salut avait le vent en poupe et frappait à la porte du pouvoir. Comme beaucoup de ses congénères de formation arabophone, Mohamed Laagab était bien sous l'influence islamiste. Il adhère au Mouvement des Frères Musulmans représenté par le HAMAS (aujourd'hui MSP) du cheikh Mahfoud Nahnah. Etudiant à l'Institut de l'Information et de la Communication, il pratique le journalisme loin des salles de rédaction. En plus, il n'est pas doué pour le journalisme de terrain. Les couvertures de presse, reportages, interviews ou enquêtes ce n'est pas sa tasse de thé. Il fait connaissance du monde de la presse à distance. Il publie quelques blagues et, dictons et proverbes dans la page ludique de l'hebdomadaire « El-Aqida » dont le siège se trouvait à Constantine à 500 kms à l'Est d'Alger. Il fera de même quelques années plus tard dans « Kawaliss », une publication peu connue du lectorat algérien. En 1995, pour sa thèse de magister, il choisit comme sujet « L'Islam contemporain dans les médias en Algérie : exemples de la presse écrite (El-Mounqidh, El-Aqida et Ennahdha)». Une fois ses études terminées, comme tous les Algériens il était appelé à effectuer son service militaire d'une durée de 2 années. Un devoir auquel le futur ministre de la Communication de Tebboune a essayé de s'extraire en offrant la mirobolante somme de 300.000 Dinars algériens, à un officier de l'armée, le capitaine Mahfoufi Mahfoud, promu général depuis le 5 juillet 2022. Le jeune capitaine s'est fait flouer par un officier véreux et Mohamed Laagab, considéré comme insoumis par les autorités est arrêté et envoyé à Sétif où il effectuera son service militaire comme simple soldat sans grade alors que tous les universitaires effectuent cette période à l'Ecole de Formation des Officiers de Réserve (EFOR) de Blida ou dans d'autres écoles de marine (Tamentfoust) ou de blindés de Batna. Au terme de 6 mois d'instruction militaire, ils sont affectés dans différentes zones militaires avec le grade d'officier. Le grade de Sous-Lieutenant pour les meilleurs et Aspirant pour le reste. Cependant, les insoumis qui tentent d'éviter le passage par la case caserne, comme c'est le cas de notre ministre, sont envoyés dans des casernes pour Hommes de Troupe (HDT) pour être affectés au bout de six mois dans les Bataillon de Corvée et Service (BCS). Pour une période 18 mois. Cette période digérée, Mohamed Laagab retourne à Alger où il se marie et se met à la recherche d'un poste qui répond à ses ambitions. Il fait le tour des partis politiques et notamment ceux proche du pouvoir. Il atterrit au parti TAJ fondé par le dissident du MSP, Mohamed Ghoul, l'ex-ministre des Travaux publics, aujourd'hui, en prison. Auparavant, en 2004, il était à deux doigts de passer derrière les barreaux lorsque son mail fut trouvé chez Allalou H'mida, bras droit de Hassan Hattab, chef des Groupes Islamiques Armés (GIA). Allalou est une vieille connaissance de l'actuel ministre de la Communication. Il s'adressait à lui par l'habituelle expression « cher camarade d'enfance ». Mohamed Laagab ne dut son salut que grâce à l'intervention d'un officier du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) qui préparait sa thèse de magister sous sa conduite à l'université d'Alger. Parallèlement à ses pérégrinations entre les différentes formations politiques, il se lance dans les affaires scabreuses. C'est ce qui lui permet d'acquérir en un temps record une somptueuse villa à Douéra, dans la banlieue chic d'Alger, et un appartement sur les hauteurs de la capitale, à Dely-Brahim en plus de la maison paternelle restaurée complètement à Dellys, sa ville natale. Brassant large dans les milieux politiques et militaires, il se lie d'amitié avec de nombreux officiers de l'armée et d'hommes politiques dont Tebboune qu'il avait connu durant sa courte traversée du désert quand il passait de longues heures dans la régie de la chaîne de télévision Echourouk. L'accueil que lui réservaient certains journalistes du groupe Echourouk a permis à certains d'entre eux d'obtenir des postes de directeurs d'organes de la presse publique et de conseillers à la présidence de la république. Parmi eux, le nouveau ministre de la Communication Mohamed Laagab.