Sous l'égide du ministère de tutelle, les écoles privées et les parents d'élèves se dirigent vers un cadre légal qui régit leurs relations. Un accord qui met fin aux conflits perpétuels sur les frais de scolarité et les services pédagogiques. Voici l'essentiel du nouveau contrat. 2020, nous sommes en pleine pandémie qui a contraint tout le système éducatif à basculer vers l'enseignement à distance. Un mode inédit auquel ni les écoles ni les parents d'élèves n'étaient habitués. Alors que les écoles publiques tentaient de s'accommoder à la nouvelle méthode, les écoles privées ont dû faire face à la colère des parents d'élèves qui revendiquaient une baisse des frais de scolarité vu le passage au distanciel. D'aucuns revendiquaient des échelonnements de paiement vu les difficultés financières qu'ils rencontraient à l'époque, mais en vain. Une situation qui a suscité une grande polémique entre les deux parties, dont les séquelles sont toujours d'actualité. Le ministre de tutelle de l'époque, Saïd Amzazi, avait été interpellé sur la question, mais il s'était défendu en avançant l'argument de l'incompétence puisque la loi ne lui donnait pas le droit d'intervenir. Aujourd'hui, son successeur, Chakib Benmoussa, a trouvé une formule pour éviter de tels incidents dans le futur au moment où les voix s'élèvent de plus en plus pour mieux encadrer légalement les rapports entre les parents d'élèves et les établissements privés, surtout après le rapport critique du Conseil de la Concurrence qui a épinglé la gouvernance lacunaire du secteur. Le ministère de l'Education nationale semble plus que jamais proche de réussir sa médiation entre les associations des parents d'élèves et les représentants des écoles en finalisant un contrat qui encadrera désormais leur relation. « Jusqu'à présent, les discussions avancent, et chaque partie manifeste la volonté d'aboutir à un compromis qui respecte les intérêts de tout le monde », nous indique une source ministérielle qui n'exclut pas la possibilité de la signature imminente d'un accord formel. Une information confirmée par les représentants des associations des deux parties que nous avons interrogées. « Nous avons pu avoir une idée claire sur le cadre général, il reste peut-être des ajustements à faire, nous sommes convaincus qu'on peut aboutir à un accord final au cours de la semaine prochaine », précise, pour sa part, Noureddine Akouri, Président de la Fédération des associations des parents d'élèves du secteur privé.
Dixième mois, enseignement à distance : fin de la confusion Le contrat qui a été élaboré encadre la relation entre les écoles et les parents d'élèves de sorte à éviter les malentendus et les conflits comme ceux auxquels nous avons assisté durant la pandémie. Un contrat équitable qui garantit à la fois les droits des établissements privés et les familles. Le contrat a fixé d'abord les obligations de chaque partie avec une définition minutieuse des services et des prestations offerts par les établissements privés. Selon les informations recueillies par « L'Opinion », plusieurs questions devraient être tranchées, dont celle de la durée de l'année scolaire. Il a été convenu qu'elle soit fixée à 10 mois, sachant qu'il y avait eu des revendications pour la réduire à 9 mois sans payer le dixième. « C'est important que cela soit clarifié et acté. Nous avons des charges à préserver étant que les écoles continuent de payer les enseignants pendant l'été », nous explique Mohamed Hansali, président de l'Alliance de l'enseignement privé au Maroc. En plus de cela, les parties se sont également mises d'accord sur le fait que l'enseignement à distance est payant au même titre que le présentiel. Ainsi, on met un terme au débat qui a eu lieu pendant la pandémie et qui a donné lieu à des conflits entre les parents et les administrations des écoles.
Nouveau règlement des différends au bénéfice des élèves Concernant la gestion des conflits qui peuvent avoir lieu, ils devraient dorénavant être tranchés en concertation avec les Académies régionales qui seront considérées comme médiatrices. Pour leur part, les parents d'élèves insistent sur la question de l'encadrement des contentieux qui peuvent surgir dans le paiement des frais de scolarité. Raison pour laquelle les associations qui ont été associées dans les discussions sont satisfaites des solutions proposées par le contrat. Désormais, en cas de conflit, les deux parties devraient trancher au niveau de l'Académie régionale sans que les intérêts supérieurs de l'élève ne soient mis en équation. L'autorité éducative régionale se voit, dans ce cas, dans la posture du médiateur qui facilitera aux parties au litige de parvenir à un accord à l'amiable. Ceci devrait prévenir les situations saugrenues où l'élève devient un instrument de chantage dans un règlement de comptes. Force est de rappeler que durant la pandémie, le retard de paiement des frais de scolarité, lié aux difficultés financières des parents à l'époque, a fait l'objet de conflits acharnés. Certaines écoles avaient refusé de livrer les dossiers des élèves et d'autres ont suspendu l'enseignement à distance pour ceux dont les familles ne se sont pas acquittées de leurs factures. D'autres avaient bloqué la livraison des dossiers aux familles qui souhaitaient transférer leurs enfants au secteur public. Rappelons ici qu'on parle de cas isolés, mais qui furent ultra médiatisés. « Dans ce genre de cas, il a été convenu de régler ces questions financières sans impacter la scolarité des enfants. Le contrat va mettre un terme à cela », nous explique Noureddine Akouri. Dans ce sillage, les procédures de départ des élèves seront mieux encadrées dans la durée, selon notre interlocuteur. Il sera désormais possible pour les parents d'obtenir les certificats de départ de leurs enfants en 48 heures pour éviter la longueur des procédures qui, parfois, pénalisait les familles. « L'essentiel c'est de préserver l'intérêt suprême de l'élève », insiste M. Akouri. Un souci partagé également par les représentants des écoles privées, tels que Mohamed Hansali. « Malgré les difficultés financières des parents et les contraintes des écoles, le droit de l'élève à la scolarité doit rester intact », indique le président de l'Alliance qui approuve le fait que les conflits soient tranchés au niveau des Académies.
Trois questions à Mohammed Hansali Mohamed Hansali, président de l'Alliance de l'Enseignement Privé au Maroc a répondu à nos questions. S'agissant des frais de scolarité, comment encadrer l'épineuse question des hausses qui provoque souvent des conflits ? En fait, j'estime que le rapport du Conseil de la Concurrence a été clair lorsqu'il a insisté sur le principe de la liberté du marché. C'est le seul gage du libre choix des familles qui peuvent avoir un choix plus diversifié si le marché est concurrentiel avec des prix compétitifs. Ceci permet à chaque famille de trouver un établissement en fonction de son pouvoir d'achat. Ceci dit, la question des hausses est normale, vu que les écoles ont, elles aussi, des charges, dont la masse salariale, qui sont susceptibles d'augmenter au fil du temps. N'oublions pas que les écoles doivent, en contrepartie, veiller à bien rétribuer les enseignants comme c'est le cas dans le secteur public où on tâche d'améliorer la rémunération du corps professoral. Le contrat prévoit de régler les conflits liés au paiement par l'intermédiaire des Académies. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de conflits dans le futur. Y a-t-il des solutions plus structurelles ? Comme vous savez, le secteur privé contribue à l'effort national d'éducation et c'est un véritable appui à l'école publique. Pour cela, nous revendiquons que l'Etat soutienne le pouvoir d'achat des ménages afin qu'ils puissent payer la scolarité de leurs enfants s'ils préfèrent le secteur privé. Le fait que les familles fassent le choix du privé ne signifie pas qu'elles n'ont pas besoin de soutien. Elles le font par sacrifice afin de garantir une éducation de qualité pour leur progéniture. D'où la nécessité que l'Etat soutienne la scolarisation des enfants, même dans le privé, en renforçant le pouvoir d'achat des ménages dans un contexte difficile. Il y a eu des revendications qui vont dans le sens d'exonérations fiscales au profit des écoles afin de faire baisser les frais de scolarité. Qu'en pensez-vous ? En ce qui nous concerne, nous ne revendiquons pas une telle mesure. Nous avons réclamé une baisse de l'IR pour les familles dont les enfants sont inscrits dans le secteur privé afin de les soulager. Cette mesure a été proposée lors des assises de la fiscalité de 2013. Concernant les écoles, nous n'avons revendiqué aucune exonération. frais de scolarité Ce que dit le Conseil de la Concurrence Dans son avis publié en novembre 2021, le Conseil de la Concurrence avait conclu que « le marché de l'enseignement scolaire privé reste un marché ouvert à la concurrence, régi par les lois de l'offre et de la demande, où les frais de scolarité sont fixés librement par les opérateurs en fonction de la demande et sa solvabilité, d'une part, et de l'offre et de la qualité des prestations y afférentes, d'autre part ». Concernant la fixation des prix, le Conseil a jugé nécessaire d'encourager le régime de liberté des prix. Par ailleurs, le Conseil, présidé par Ahmed Rahhou, a apporté plusieurs éclaircissements sur le régime des prix dans ce marché très lucratif. Selon le document, les frais varient entre 4000 et 40.000 DH dans les établissements privés, en fonction de la qualité de l'apprentissage et des services rendus. Pourtant, même si la fixation des prix obéit à la logique de l'offre et la demande, le Conseil juge qu'il n'existe pas de critères assurant un équilibre entre le contenu et la qualité des services rendus et les frais imposés. Frais d'assurance : Vers une meilleure clarté Concernant l'épineuse question des frais d'assurance, le futur contrat devrait clarifier les choses aussi bien pour les familles que pour les écoles. Désormais, nous explique Noureddine Akouri, les familles recevront le contrat d'assurance avec un reçu de paiement clair. Ce fut l'une des revendications principales des associations des parents, dont plusieurs se plaignaient de ne pas être au courant de ce à quoi servent les frais d'assurance et ce qu'ils couvrent précisément. En gros, le contrat définit clairement les services que l'école privé est tenue de fournir, mais établit des nuances pour éviter les zones d'ombre. Selon M. Akouri, il y aura une distinction entre les prestations obligatoires et les prestations facultatives. « Certaines prestations secondaires comme le transport et la cantine devraient rester au choix et non pas imposées aux familles », insiste-t-il. Le contrat prévoit également d'encadrer l'organisation interne les écoles. Selon les informations que « L'Opinion » a pu recueillir auprès des acteurs concernés, il sera obligatoire d'établir un règlement intérieur dans chaque école en concertation avec les parents. Ce document fera partie des pièces composant le dossier des élèves.