En attendant la phase finale des discussions, lors de la rentrée parlementaire en octobre, le PLF 2024 bénéficie d'analyses pertinentes et de riches contributions pour permettre au Maroc de faire face aux chocs endogènes et juguler les différents défis à l'interne. Grille de lecture. De prime abord, comme le souligne le chef du gouvernement, l'élaboration du PLF 2024 intervient dans un contexte international marqué par la succession des crises et l'ascension des tensions géopolitiques qui ont impacté la croissance économique et le pouvoir d'achat dans le monde entier, suite à la hausse des pressions inflationnistes. Celles-ci, faut-il le rappeler, se sont aggravées au cours des trois dernières années, en particulier en 2022 avec un taux de 8,2% à l'échelle mondiale, 8,4% dans la zone Euro et 8% aux Etats-Unis. Sur le plan national, le gouvernement, sous la conduite éclairée de SM le Roi Mohammed VI, a réussi à faire face à ces pressions, à gérer ces crises et à atténuer leurs répercussions économiques et sociales, à travers une politique efficace axée sur deux dimensions complémentaires. La première, proactive, vise à faire face aux enjeux de la conjoncture et à réduire leurs effets directs sur l'économie nationale et le niveau de vie des citoyens. Quant à la seconde, d'ordre structurel, elle s'assigne comme objectif de poursuivre la mise en œuvre des réformes nécessaires pour améliorer les conditions de vie des citoyens, réaliser des taux de croissance élevés et créer davantage d'emplois, tout en récupérant les marges financières à même de garantir le financement de ces réformes. Soucieuse de contribuer à l'atténuation des chocs exogènes et pour une meilleure accélération du développement national, à travers une économie résiliente, l'Alliance des Economistes Istiqlaliens (AEI) vient d'adresser dix recommandations au gouvernement (lire « L'Opinion » du mercredi 23 août ou aller sur le site lopinion.ma). Car ces propositions donnent des pistes et aident à la mise en œuvre des grandes priorités que s'est fixées le gouvernement pour l'année 2024. Maîtriser l'inflation Il s'agit des instruments d'applicabilité de ces objectifs généraux dont le renforcement des mesures de lutte contre les effets conjoncturels. A cet effet, et malgré les mesures mises en place par le gouvernement pour lutter contre les effets de l'inflation, l'Exécutif juge nécessaire de poursuivre les efforts de veille et de suivi pour baisser le taux d'inflation à 3,4% en 2024 et 2% en 2025. Pour ce faire, l'AEI suggère de maintenir le cap d'une politique économique expansionniste. Considérant que la maîtrise de l'inflation et l'accélération de la croissance ne sont pas incompatibles et que la reprise de la demande intérieure reste fragile, l'AEI estime « que le taux directeur a atteint le plafond soutenable, et que toute augmentation supplémentaire de ce taux risque de freiner l'investissement privé et le développement de l'offre et de la demande qui en résultent ». Concernant la poursuite des efforts pour l'instauration des bases de l'Etat social, l'Exécutif œuvrera pour le lancement du programme des allocations familiales avant la fin de l'année 2023. Il s'agit également de l'accélération de la mise en place du système de ciblage dans les programmes de protection sociale via la mobilisation des ressources financières et logistiques pour l'enregistrement des citoyens dans le Registre national de la population et le Registre social unifié. Dans sa contribution, l'Alliance propose de relancer la demande intérieure à travers le déploiement des allocations familiales et des aides directes dès la prochaine rentrée, mais sans décompenser immédiatement. Aussi, il sera question d'un rattrapage ciblé du pouvoir d'achat de la classe moyenne. Pour l'AEI, la compétitivité de la production marocaine est bien établie dans plusieurs écosystèmes. Ces deniers présentent des marges d'augmentation du coût du travail, sans impact concurrentiel. Il serait donc pertinent d'instaurer, en concertation avec le secteur privé, des mécanismes d'augmentation des salaires de la classe moyenne, déconnectés du SMIG. Réforme ambitieuse Tout ceci ne sera possible qu'avec moins de dette et de déficit. D'ailleurs, fait remarquer cet analyste, il est impératif pour le gouvernement de veiller à la réduction du déficit budgétaire en vue de réduire le volume de la dette, tout en renforçant l'équilibre financier en vue de récupérer des marges budgétaires essentielles pour poursuivre les réformes. Dans ce sens, il est prévu, dans le PLF 2024, que le déficit budgétaire atteigne 4% en 2024, contre 4,5% cette année et que le taux de croissance économique atteindra 3,7% en 2024 contre 3,4% cette année. Concernant les reformes, il s'agit de renforcer les mesures prises pour faire face aux répercussions conjoncturelles, de poursuivre l'implémentation des piliers de l'Etat social, de continuer la mise en œuvre des réformes structurelles et de renforcer la soutenabilité des finances publiques. Telles sont les ambitions affichées par le gouvernement dans son PLF 2024. Afin de mener à bien ce chantier, l'AEI propose d'entamer une réforme des prélèvements sociaux, à travers la mise en place d'un barème progressif et déplafonné des cotisations sociales. Ce barème, souligne-t-elle, doit permettre de renforcer les ressources du système de couverture sociale, tout en améliorant les faibles et moyens revenus. A cet effet, et dans le cadre du déploiement de l'Etat social, il y a lieu d'envisager la mise en place d'une loi annuelle spécifique au financement de la protection sociale, parallèlement à la Loi de Finances, incluant l'assurance maladie, la retraite, les aides directes et l'indemnité pour perte d'emploi. Pour l'Alliance, cet instrument permettrait plus de transparence et de responsabilité, dans le cadre d'une stabilité financière de la sécurité sociale. Elle ferait l'objet d'un vote spécifique par la représentation parlementaire et serait le prélude à la réforme complexe tant attendue de la retraite. Toujours est-il que cette contribution s'inscrit d'ores et déjà comme un repère pour le PLF qui se veut volontariste en tenant compte des réalités économiques. Car, avant tout, c'est de cela qu'il s'agit. Wolondouka SIDIBE