La médiation des chefs religieux a-t-elle porté ses fruits ? En tout cas, le chef d'une délégation de religieux nigérians rapporte que le régime militaire est prêt à « explorer la voie de la diplomatie et de la paix ». Le régime militaire au Niger s'est dit ouvert à une résolution de la crise par la voie diplomatique, a rapporté dimanche le chef d'une délégation de religieux nigérians, au lendemain de sa visite à Niamey. Le général Abdourahamane Tiani « a déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre » la crise, a affirmé dans un communiqué le Sheikh Bala Lau à la tête de cette mission de médiation menée avec l'accord du président du Nigeria Bola Tinubu, également président en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, qui avait rencontré ces chefs religieux plus tôt dans la semaine. Toujours selon ce communiqué, le général Tiani, lors de leur entretien, « s'est également excusé de ne pas avoir accordé l'attention nécessaire à l'équipe envoyée par le président Tinubu et dirigée par l'ancien chef d'Etat, le général Abdulsalami Abubakar ». Le 3 août, une délégation de la Cedeao menée par le général Abubakar avait atterri à Niamey, mais en était repartie au bout de quelques heures seulement sans avoir pu rencontrer le nouvel homme fort du pays, le général Tiani.
« Douloureux » de ne pas avoir été entendus
Mardi dernier, une autre délégation, cette fois composée d'envoyés de la Cedeao, de l'Union Africaine (UA) et de l'ONU n'avait pu se rendre à Niamey, le régime invoquant des raisons de sécurité. Selon le communiqué de la médiation religieuse, le général Tiani a affirmé qu'il était « douloureux » pour les auteurs du putsch que les dirigeants de la Cedeao « n'aient pas entendue leur version des faits avant de leur adresser un ultimatum ». En outre, le régime militaire a dénoncé "les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cedeao", prises lors d'un sommet de l'organisation le 30 juillet, au cours duquel avait aussi été fixé un ultimatum de 7 jours pour rétablir l'ordre constitutionnel, sous peine d'un recours à la force, qui n'a pas appliqué. Le 30 juillet dernier, soit quatre jours après le coup, les dirigeants de la Cedeao ont décidé de sanctionner financièrement le Niger et ont fixé un ultimatum de sept jours aux militaires pour rétablir l'ordre constitutionnel, menaçant d'un possible recours à la force en dernier ressort. Jeudi dernier, lors d'un nouveau sommet, les dirigeants ont réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions, tout en ordonnant une mobilisation et un déploiement de la « force en attente » de la Cedeao. Selon le général Tiani, cité dans le communiqué de la médiation religieuse, les militaires ont renversé le président Bazoum « en raison d'une menace imminente qui aurait affecté non seulement la République du Niger, mais aussi le Nigeria ».
Deux jours après le coup d'Etat le général Tiani avait justifié l'action de l'armée par « la dégradation sécuritaire » dans le pays miné par la violence de groupes jihadistes. Selon le communiqué de la médiation religieuse, cette dernière doit rencontrer le président Bola Tinubu pour lui rapporter la teneur de leur discussion. Déchu, Bazoum risque des poursuites pour "haute trahison" Les auteurs du coup d'Etat au Niger ont annoncé dimanche leur intention de "poursuivre" le président renversé Mohamed Bazoum pour "haute trahison" et "atteinte à la sûreté" du pays, quand plane une menace d'intervention militaire des Etats ouest-africains pour rétablir l'ordre constitutionnel. "Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour" les "preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger", a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, un des membres du régime, dans un communiqué lu à la télévision nationale. Le gouvernement appuie ses accusations sur des "échanges" de Bazoum avec des "nationaux", des "chefs d'Etat étrangers", et des "responsables d'organisations internationales". A propos du président déchu, le régime a appelé à "s'interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu'il est séquestré, alors même que les militaires n'ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu'il dispose encore de tous les moyens de communication". Bazoum s'est entretenu plusieurs fois avec des représentants de pays alliés au Niger avant le coup d'Etat, comme les Etats-Unis, et des membres de son entourage politique. Les militaires assurent également que le président déchu "reçoit régulièrement la visite de son médecin". Selon un conseiller du président renversé, une consultation a eu lieu samedi. Bazoum, retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet - jour du coup d'Etat - avec son fils et sa femme, avait déclaré dans plusieurs médias être un "otage", puis privé d'électricité et contraint de ne manger que du riz et des pâtes.