Contrebande, contrefaçon et fausses déclarations à la douane... nombreuses sont les doléances des acteurs de la moto et des pièces de rechange au Maroc depuis quelques années. Ils sont à bout de souffle et leur manque de coordination avec les autorités douanières et concurrentielles ne cesse d'exacerber leurs problèmes. A Derb Omar, un des quartiers où le commerce des pièces de motos/vélos était florissant, plusieurs commerçants manifestent leur frustration et tirent la sonnette d'alarmes : « Les prix affichés par certains acteurs de la contrebande de notre marché sont deux fois plus faibles que les nôtres (soit 50 à 70% en moins !), et pourtant on importe tout de la Chine ! ». Comment cela s'explique-t-il ?
Les importations des pièces de rechange pour les cyclomoteurs et les vélos demeurent la principale source d'approvisionnement des acteurs marocains de ce secteur. Elles sont normalement assujetties aux droits de douane (40%) et à la TVA (20%). Pourtant, selon certains commerçants, une partie des revendeurs de ce secteur arrive à faire circuler la marchandise sur le marché national en empruntant des voies illégales comme le recours à la contrebande ou à la fausse déclaration des produits importés pour profiter de taux extrêmement bas. Ces tours de passe-passe font que deux revendeurs peuvent importer une marchandise du même fournisseur mais avoir un coût de revient différent. L'un devra afficher les droits de douane payés aux autorités en plus de la TVA et de sa marge, alors que celui qui pratique la contrebande ou la fausse déclaration ne s'acquittera pas ou de très peu de taxes. La différence sur le prix final est donc très importante, causant à la fois des dégâts aux commerçants mais surtout à l'Etat qui voit certaines recettes fiscales s'envoler.
L'ampleur du phénomène A en croire les professionnels du secteur, il est difficile de déterminer le volume exact de ces pratiques frauduleuses ou d'avoir des preuves concrètes sur leur existence du fait de la démultiplication des acteurs du réseau de distribution. Néanmoins, selon leurs estimations, il y aurait entre 1.5 et 2 millions de motos en circulation au Maroc et une partie non négligeable pourrait rouler avec des batteries, des chambres à air, des plaquettes de freins ou encore des pneus issus de la contrebande, de la contrefaçon ou de la fausse déclaration douanière. Ces pratiques avantagent le consommateur final car le prix dont il devra s'acquitter pour s'octroyer son produit lui revient moins cher, mais c'est sans compter sur les grands risques liés à la piètre qualité du produit acheté.
Qu'en pensent les industriels ? Le secteur des pièces de rechange des motos connaît une vraie transformation depuis quelques années avec le lancement de nombreuses unités industrielles propulsées notamment par la stratégie industrielle long-termiste et clairvoyante du Royaume du Maroc. Cependant, face à de telles pratiques frauduleuses, les industriels ont du mal à pérenniser leurs activités et trouver un modèle économique soutenable à long terme. Leurs processus de recrutement sont bloqués, leurs stratégies d'investissement sont menacées et leurs ambitions à l'export sont remises en question tant que la situation au niveau national ne leur permet pas de protéger les produits. Les pertes sont importantes et les baisses de chiffre d'affaires s'estiment entre 30 et 40%. Qu'il s'agisse des batteries, des chambres à air, des plaquettes de freins ou encore des casques, le constat est sans appel, selon un témoignage d'un professionnel qui a voulu garder l'anonymat : « Il nous est très dur de rentabiliser notre activité quand nous avons devant nous des gens qui importent sans payer de taxe car ils faussent leurs déclarations ou font des magouilles pour pratiquer la contrebande et la contrefaçon ».
Et les consommateurs dans tout ça ? Si les consommateurs trouvent leurs comptes avec ces pratiques car elles constituent un gain de pouvoir d'achat pour eux, il n'en demeure pas moins qu'à long terme l'impact pourrait être regrettable. L'utilisation de produits ne répondant pas aux normes marocaines peut représenter de sérieux problèmes pour la sécurité routière des voyageurs. Les professionnels du secteur insistent sur la nécessité de sensibiliser les utilisateurs quant aux risques liés à ces produits. Ils saluent également la mise en place de normes sécuritaires par les services douaniers et la multiplication des contrôles pour s'assurer de la qualité des produits importés.
In fine, à l'heure où le Maroc emprunte le chemin de l'industrialisation, il est assez regrettable de voir des pratiques déloyales, anticoncurrentielles et illégales emboîter le pas des acteurs industriels de ce secteur. Il faut protéger l'industrie nationale et l'aider à se développer encore plus pour réaliser la dimension industrielle prônée par le Nouveau Modèle de Développement et exploser le potentiel de ce secteur en termes d'investissements et de créations d'emplois.