«Quiconque dit qu'il est possible de trouver un accord mettant fin au conflit [israélo-palestinien] d'ici quelques années n'arrive simplement pas à comprendre la situation et répand des illusions», a déclaré, la semaine dernière, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. C'est pourtant ce qu'affirme Barack Obama. D'ailleurs, on lui a décerné le prix Nobel de la paix pour avoir dit cela, n'est-ce pas? Dans une interview radio, Liberman a ajouté: «Il y a des conflits qui n'ont pas été complètement réglés et les gens ont appris à vivre avec, comme à Chypre (…) Nous devons être réalistes. Nous ne pourrons pas conclure d'accord sur des questions fondamentales et qui touchent l'émotion, comme Jérusalem ou le droit au retour des réfugiés palestiniens». Il a tenu ces propos alors même que l'émissaire d'Obama pour le Proche-Orient, George Mitchell, chargé de mener à bien ce qu'on appelait le «processus de paix» arrivait en Israël. Nullement ébranlé par les commentaires d'Avigdor Lieberman, George Mitchell a ressassé les absurdités qu'on connaît bien: «nous allons poursuivre nos efforts pour réengager rapidement les négociations (…), car nous pensons que c'est une étape indispensable pour obtenir une paix totale». Ne se rend-il pas compte que le «processus de paix» est mort il y a plusieurs années? Il n'est plus. Il a expiré. Il est enterré. Oh, bien sûr que George Mitchell le sait. Mais c'est le ministre israélien qui s'est écarté du script, pas lui. Depuis l'an 2000, tous les gouvernements israéliens croient à ce que dit Lieberman et agissent en conséquence. Mais, en même temps, ils se sont associés aux États-Unis et aux divers Européens bien intentionnés pour prétendre le contraire. L'autorité palestinienne (AP), dirigée par Mahmoud Abbas, prétend également que le processus de paix est toujours vivant. En effet, c'est ce qu'elle a prétendu même durant les dernières années de vie de Yasser Arafat. Et l'AP doit continuer à prétendre cela, car si elle reconnaît que le processus de paix est mort, il deviendrait un simple instrument israélien pour contrôler indirectement les Palestiniens –c'est souvent le cas dans la pratique. Nous en avons récemment eu un exemple éloquent. Le juge Richard Goldstone a remis au Conseil des droits de l'homme des Nations unie son rapport sur la guerre de trois semaines qui a eu lieu l'an dernier dans la bande de Gaza. Le document de 575 pages révèle que les forces israéliennes (ainsi que des militants palestiniens) ont commis des crimes de guerre et, éventuellement, des crimes contre l'humanité. Une résolution y est proposée, laquelle aurait pu déboucher sur des poursuites devant le Tribunal international de La Haye. L'État hébreu a mené une vaste campagne de propagande pour discréditer le rapport Goldstone. Et, de concert avec les Etats-Unis, Israël a bâti une campagne diplomatique pour reporter tout examen formel du rapport à mars 2010. D'ici là, ce sera de l'histoire ancienne. C'est une stratégie connue, mais voici un point bien étrange: l'Autorité palestinienne a également été favorable à ce qu'on repousse de six mois le vote. Qu'est-ce qui a bien pu inciter l'AP à adopter cette position? Bien plus d'un millier de Palestiniens ont été tués dans la guerre de Gaza. Il n'y a eu que 13 victimes côté israélien. Les seuls Palestiniens accusés de crimes de guerre sont des militants du Hamas, le mouvement qui dirige la bande de Gaza. Ce sont les ennemis jurés de Mahmoud Abbas, de son mouvement, le Fatah, et de l'Autorité palestinienne. Ces circonstances auraient dû appeler une réaction évidente. Or l'AP a suivi les Américains et les Israéliens sur la décision de report du vote de la résolution. Évidemment, cette preuve publique de la subjugation de l'AP vis-à-vis de la politique américaine et israélienne a provoqué un tollé général au sein de la population palestinienne, même en Cisjordanie. Mahmoud Abbas a donc demandé une «enquête» pour savoir qui a pris une décision scandaleuse. (Une piste: ses initiales sont M.A.). La vérité, c'est que l'Autorité palestinienne est aussi complice que les gouvernements israélien et américain en ce qui concerne la poursuite du processus de paix. Elle ne peut pas se permettre de l'abandonner. Seuls les islamistes radicaux, depuis leur enclave assiégée de la bande de Gaza, reconnaissent ouvertement la réalité décrite par Avigdor Lieberman (même si leur point de vue est très différent). Il n'y a pas de processus de paix, et la «solution à deux États» sur laquelle il reposait est pratiquement morte. Par conséquent, ce qu'ils proposent à Israël est, au mieux, une trêve à long terme –mais seulement si les Palestiniens récupèrent leurs frontières d'avant 1967 dès à présent. Une trêve à long terme («comme à Chypre»), c'est aussi tout ce que peut offrir Lieberman. Et de toute façon, cela n'arrivera pas, parce qu'il n'a pas l'intention de revenir aux frontières israéliennes d'avant 1967. Son chef non plus, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, n'en a pas l'intention bien qu'il enveloppe ce refus dans un langage plus diplomatique. Malgré tous ses appels, Obama n'a pas réussi à arracher à Netanyahou ne serait-ce que la promesse de geler l'expansion des colonies juives dans les territoires occupés. (Ne parlons pas d'une négociation de retrait de ces territoires.) Le président américain n'est pas passé des appels aux véritables pressions, car les Israéliens contrôlent le Congrès américain sur ce dossier. Or Barack Obama ne risquera pas de s'aliéner le Congrès à propos d'Israël alors qu'il essaie de faire passer les lois sur la réforme de la santé, le changement climatique et d'autres problèmes urgents. Il ne peut même pas intimer au gouvernement Israélien l'ordre de ne pas attaquer l'Iran. Israël le fera s'il le veut, même si l'essentiel des représailles iraniennes retomberaient sur les bases et les forces américaines qui se trouvent dans le Golfe, en Irak et en Afghanistan. À part cela, il ne fait pas de doute que les intentions d'Obama sont bonnes. Les miennes aussi. Pourquoi ne me donne-t-on pas de prix ?