A l'approche de la date d'adjudication du marché de la station de dessalement de Casablanca, la question de la technologie à adopter doit être tranchée. Le 20 juin dernier s'est tenue à la Wilaya une réunion de travail consacrée à la situation hydrique de la région Casablanca-Settat. Présidée par le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, cette réunion est revenue sur l'état d'avancement des principaux chantiers concernant l'approvisionnement en eau potable pour la région. Le principal projet est la prochaine station de dessalement de l'eau de mer.
Depuis quelques années, le Maroc a adopté le dessalement de l'eau de mer comme une des solutions principales visant à faire face au stress hydrique. Afin de dessaler l'eau de mer et la rendre consommable, il existe aujourd'hui de nombreuses technologies. Les deux procédés les plus couramment utilisés sont la distillation et l'osmose inverse.
Besoin conséquent en énergie La distillation consiste à évaporer l'eau de mer, soit en utilisant la chaleur des rayons solaires, soit en la chauffant dans une chaudière. Seules les molécules d'eau s'échappent, laissant en dépôt les sels dissous et toutes les autres substances contenues dans l'eau de mer. Il suffit alors de condenser la vapeur d'eau ainsi obtenue pour avoir une eau douce consommable. Quant à l'osmose inverse, elle nécessite de traiter au préalable l'eau de mer en la filtrant et en la désinfectant afin de la débarrasser des éléments en suspension et des micro-organismes qu'elle contient. Le procédé consiste ensuite à appliquer à cette eau salée une pression suffisante pour la faire passer à travers une membrane semi-perméable. Seules les molécules d'eau traversent la membrane, fournissant ainsi une eau douce potable.
Auparavant, la technique de la distillation était la plus utilisée de par le monde. Cependant, cette technique est fortement consommatrice d'énergie fossile. C'est pourquoi la technique de l'osmose inverse qui consiste à filtrer l'eau sous pression à travers une membrane, réputée plus économe, a conquis le marché ces dernières décennies. Aujourd'hui, 84% du dessalement d'eau de mer dans le monde est basé sur l'osmose inverse.
Grâce à cela, le coût du dessalement a été divisé par dix en quinze ans. S'il s'agit d'électricité verte, l'empreinte carbone de l'installation est fortement réduite.
Hausse des factures
Les travaux de l'usine de dessalement de l'eau de mer de Casablanca devront démarrer cette année. L'adjudicataire du marché sera choisi parmi trois consortiums présélectionnés, courant août, a annoncé le ministre Nizar Baraka, en mai à l'hémicycle. A l'approche de cette adjudication, le choix de l'osmose inverse reste privilégié. «Je ne pense pas qu'avec l'eau de mer on puisse faire autre chose que l'osmose inverse», affirme Amin Bennouna, expert en énergie.
Quant à l'alimentation en énergie de la station, le Maroc compte sur les énergies renouvelables afin de maîtriser le coût du dessalement. Cette énergie renouvelable peut-elle venir d'éoliennes flottantes, une source d'énergie que les autorités étudient sérieusement ? "L'idée de l'éolien offshore est écartée. Le coût du kWh est trop élevé. En résumé, je ne vois pas l'ONEE choisir ni la distillation, ni l'ultrafiltration, ni l'éolien en mer", résume notre expert.
Selon Amin Bennouna, l'alimentation en électricité de la station de dessalement de Casablanca ne fera pas exception à ce qui se pratique dans les autres stations du Royaume. «Comme ailleurs, on produit en éolien (ou solaire éventuellement) la quantité d'électricité dont la station a besoin, on l'injecte dans le réseau et l'on y prend l'électricité dont on a effectivement besoin pour ladite station», détaille-t-il.
En ce qui concerne les prix de l'eau pour les habitants, Amin Bennouna indique que dorénavant les citoyens doivent s'attendre à une hausse de prix dans les prochaines années. « Il ne faut plus rêver. L'eau devra être plus chère dans le futur», ajoute-t-il.
Le coût de l'énergie nécessaire au dessalement provoquera certainement une hausse dans les factures des habitants de la Région. «Le coût le plus lourd dans l'osmose inverse est celui de l'électricité nécessaire qui est entre 4 et 5 kWh par mètre cube. Avec de l'éolien ou du solaire made in Morocco, cela fait entre 1,50 et 2,00 Dh par mètre cube. Entre 2,5 et 4 Dh en investissement et coûts de financement amèneraient le mètre cube entre 4,00 et 6,00 Dh», calcule Amin Bennouna.
Trois questions à Christophe Mechouk "L'osmose inverse peut avoir un impact sur les écosystèmes marins" Quelle est la consommation moyenne d'électricité dans le processus de l'osmose inverse ?
La consommation énergétique de l'osmose inverse pour produire de l'eau potable à partir d'eau de mer varie en fonction de plusieurs facteurs, tels que la qualité de l'eau de mer, la pression appliquée dans le processus et l'efficacité du système d'osmose inverse lui-même. La consommation énergétique typique de l'osmose inverse pour la production d'eau potable à partir d'eau de mer est d'environ 3 à 5 kilowattheures (kWh) par mètre cube (m3) d'eau produite.
Quels sont les coûts de production à prévoir ?
Les coûts de production d'eau potable avec l'osmose inverse à partir d'eau de mer dépendent de plusieurs facteurs, tels que la localisation géographique, la taille de l'installation, les coûts énergétiques, les coûts de maintenance et d'exploitation, ainsi que les investissements initiaux. Le coût de production d'eau potable par osmose inverse est généralement estimé entre 0,5 et 3 dollars américains par mètre cube (m3) d'eau produite. Ces coûts de production d'eau potable par osmose inverse ont tendance à diminuer avec l'avancée des technologies et l'optimisation des systèmes, ainsi qu'avec l'augmentation de l'échelle de production.
Quels sont les inconvénients de cette technologie ?
Les inconvénients potentiels sont une consommation énergétique élevée ; des coûts de fonctionnements élevés ; la mise en place de prétraitement ; une sensibilité des membranes aux substances chimiques ; l'impact environnemental des sous-produits salins. Il faut également retenir le fait que le processus de l'osmose génère une quantité importante d'eau salée concentrée, appelée saumure, en tant que sous-produit. L'élimination de cette saumure peut avoir un impact sur les écosystèmes marins locaux si elle est rejetée directement dans l'océan sans dilution ou si elle n'est pas correctement traitée. Energie : Des éoliennes pour Casablanca Abderrahim El Hafidi, directeur général de l'ONEE, a indiqué récemment que l'usine de dessalement d'eau de mer de Casablanca fonctionnera avec de l'énergie éolienne. Les travaux de construction commenceront en 2024 pour être achevés en 2026. Elle sera réalisée en un temps record de 30 mois.
Selon lui, le cahier des charges exige de la société qui remportera ce marché d'utiliser l'énergie électrique à partir d'une source renouvelable, notamment éolienne. La station de dessalement d'eau de mer sera d'une capacité de 548.000 m3 (soit 200 millions de m3 par an) extensible à 822.000 m3 (soit 300 millions de m3 par an).
L'usine sera construite sur une superficie de 50 hectares sur un site situé à 40 kilomètres de Casablanca (près de Bir Jdid), à 50 kilomètres d'El Jadida et à 65 kilomètres de Settat. Ce projetconcerne 6,7 millions d'habitants répartis sur trois zones situées dans le Grand Casablanca (Casablanca -Mohammedia, les centres urbains et ruraux avoisinants, les zones industrielles et touristiques, Berrechid, Settat, El Jadida et Azemmour).
L'info...Graphie Eau salée ou saumâtre : Comment obtenir du H2O Dans le monde, le dessalement de l'eau de mer est en croissance annuelle moyenne de 7,5% depuis 2010. On dessale principalement des eaux de mer ou des eaux souterraines proches des côtes mélangées aux eaux de mer et dites eaux saumâtres.
Une eau de mer contient surtout des sels (majoritairement NaCl, le sel de table), à une concentration qui peut varier selon la mer ou l'océan et le lieu de prélèvement. On considère en moyenne 35 grammes de sel par litre d'eau de mer. Elle contient également des particules fines, des matières organiques, des algues et des micro-organismes. Parmi les particules, on observe la présence croissante de micro et nanoparticules de plastiques due à l'activité humaine.
Pour transformer une eau de mer ou saumâtre en eau douce, il faut séparer les sels et les molécules d'eau. Quand un mètre cube d'eau de mer est dessalé, on récupère environ 500 litres d'eau dessalée, et 500 litres d'un concentré ou saumure enrichie en sels. Avant cette séparation, qui constitue l'opération de dessalement à proprement parler, il faut prétraiter l'eau de mer pour la débarrasser d'une grande partie des particules, matières organiques, algues et micro-organismes, afin d'assurer la productivité de la séparation sel/eau.
Au global, une installation de dessalement comporte un pompage de l'eau saline pour approvisionner l'usine de dessalement, des prétraitements, une opération de dessalement, et une dispersion des saumures en mer, en utilisant des techniques appropriées pour ne pas perturber le milieu naturel. Si l'eau dessalée est destinée à la consommation humaine, une opération de reminéralisation est nécessaire.
En 2020, près de 100 millions de mètres cubes (soit 100 milliards de litres) d'eau dessalée sont produits chaque jour dans le monde.