À l'approche de la date butoir de l'expiration de l'accord de pêche entre l'Union Européenne et le Maroc, les responsables espagnols, notamment le ministre de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, Luis Planas, expriment leur préoccupation quant aux répercussions de cette échéance. Dans un contexte géopolitique sensible et face aux défis que pose l'approvisionnement alimentaire en lien avec le changement climatique, l'Espagne cherche des solutions en s'attachant notamment à développer une coopération fructueuse avec le Royaume. Le ministre espagnol de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, Luis Planas, a ainsi tenu une réunion bilatérale, samedi à Rome, avec son homologue marocain, Mohamed Sadiki, et ce, à deux semaines de l'expiration, le 17 juillet, de l'accord de pêche entre l'Union Européenne (UE) et le Maroc. Dans une déclaration accordée à l'agence de presse espagnole EFE, Planas a expliqué que la fin du protocole avec le Maroc de la part de l'Union Européenne est l'une des questions sur lesquelles son ministère insistera pendant la présidence espagnole du Conseil de l'UE, qui a débuté ce samedi. La réunion bilatérale a été organisée à Rome, où se déroule la conférence de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), doublée d'une conférence parallèle entre les ministres de l'UE et de l'Union Africaine, sur la sécurité alimentaire. « C'est une question qui intéresse beaucoup l'Espagne, car elle est géographiquement le pays de l'Union Européenne le plus proche du continent africain, et c'est là que se produisent des phénomènes tels que les mouvements migratoires, qui sont une conséquence de tous les problèmes liés à l'alimentation et au changement climatique », a souligné Planas. Selon le ministre, la présidence espagnole débute dans un « contexte très compliqué », car la guerre en Ukraine a fait grimper les prix de l'énergie, des céréales, des oléagineux et des engrais. « Heureusement, ces prix se sont stabilisés, mais nous restons très dépendants, par exemple, de la continuité de l'opération d'exportation de la mer Noire », a-t-il expliqué.
Graves conséquences à prévoir La non-reconduction de l'accord de pêche Maroc-UE représenterait un lourd fardeau pour les pays européens bénéficiaires de ce partenariat, notamment l'Espagne. L'Andalousie sera particulièrement touchée, avec l'immobilisation de près de cinquante navires, dont la majorité sont basés à Cadix. En conséquence, environ 500 familles ne pourront plus exercer leur activité de pêche le long de ces côtes, entraînant des pertes estimées à environ 4 millions d'euros. Soulignons qu'avec près de 8.000 kilomètres de côtes, le secteur de la pêche espagnol génère 20 % de la production totale de l'Union Européenne et est le premier Etat membre dans ce domaine. Lors d'une récente intervention au parlement espagnol sur ce même sujet, Purificación Fernández, députée du groupe parlementaire Vox de Malaga, a exprimé sa colère face à ce qu'elle qualifie de "nouvelle étape dans l'application des politiques de l'Agenda 2030 imposées par Bruxelles". Dans sa forme actuelle, l'accord permet à 128 navires provenant de 11 pays membres de l'UE de pêcher dans les eaux marocaines. L'Espagne est le principal bénéficiaire avec 93 navires. En contrepartie, le Maroc reçoit une aide financière de l'UE, comprenant une "compensation pour l'accès à la zone de pêche, un soutien au secteur de la pêche marocaine et le paiement de redevances par les armateurs". Le montant total de cette "aide" pour les quatre années s'élève à 208 millions d'euros.
Un verdict tant attendu et contesté
Au regard des nombreux obstacles entravant le maintien du partenariat de pêche entre l'Union Européenne et le Maroc, notamment l'avis rendu par le Tribunal de l'UE en septembre 2021, qui n'a pas fait l'unanimité parmi les Etats membres, la situation reste complexe. Le Tribunal avait soulevé des préoccupations et objections touchant à l'intégrité territoriale du Maroc dans le cadre de l'accord de pêche. Cependant, un appel interjeté par le Conseil de l'UE, et approuvé par les juridictions compétentes de l'Union Européenne, permet de maintenir les effets de l'accord en vigueur jusqu'à nouvel ordre. Il ne reste plus qu'à attendre la décision finale de la Cour de Justice de l'UE, dont la date reste à déterminer cette année. Une affaire de même type avait été soulevée en Grande Bretagne, par des sympathisants polisariens, pour contester la souveraineté du Maroc sur les eaux territoriales des provinces sahariennes. La Cour britannique avait rejeté de manière irrévocable, le 25 mai dernier, la requête d'un organisation pro-Polisario cherchant à remettre en question l'accord d'association entre le Maroc et le Royaume-Uni. La justice britannique s'est appuyée sur des éléments de droit pour arriver à des conclusions diamétralement opposées à celles de la Cour Européenne. Selon plusieurs experts diplomatiques, il est indiqué que le Maroc n'a été intéressé par cet accord de pêche que dans un premier temps en raison de la territorialité des zones qu'il couvrait. En effet, l'accord de pêche englobait environ 80% des eaux du Sahara. À l'époque, le bénéfice principal pour le Royaume était donc d'ordre diplomatique. Cependant, avec la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara, ce gain diplomatique n'est plus aussi prioritaire ni déterminant dans l'approche des négociations. Le non-renouvellement, une bonne nouvelle !
La sortie de l'accord de pêche est relativement aisée pour le Maroc, étant donné qu'il s'agit d'un droit de pêche pouvant être maintenu, suspendu ou supprimé. Si l'on prend du recul, il est évident que le Maroc a tout à gagner en mettant fin à cet accord, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cela lui permettrait d'éviter les nombreux litiges entourant cet accord, tels que les ratifications, les annulations avant reconduction et les procédures d'appel, qui mêlent inextricablement intérêts économiques et considérations politiques. En se libérant de cet accord, le Maroc pourrait se concentrer sur d'autres priorités et opportunités, sans être constamment pris dans une toile complexe de négociations et de différends. De plus, cela permettrait au Maroc d'affirmer sa souveraineté sur ses eaux, y compris celles du Sahara, sans être lié par les contraintes d'un accord de pêche.
Ce qu'il faut savoir sur les clauses de l'accord de pêche L'accord actuel, en vigueur depuis le 18 juillet 2019, autorise les pêcheurs européens à exploiter les ressources halieutiques, soit près de 128 navires de 11 pays membres de l'UE. L'Espagne représente le plus grand bénéficiaire avec 93 navires et tire près de 20% de sa production totale du poisson des eaux marocaines. En contrepartie, le Maroc reçoit une aide financière de la part de l'UE qui comprend une «compensation pour l'accès à la zone de pêche, un appui au secteur marocain de la pêche et le paiement de redevances par les armateurs». Le montant total est estimé à 208 millions d'euros pour les quatre années de validité de l'accord.