3.800 personnes ont trouvé la mort en mer en 2002, dans leur tentative de migration vers ce qu'elles considèrent « l'Eldorado », synonyme de « lendemains meilleurs ». C'est ce qui ressort du dernier rapport publié par l'Organisation des Nation Unies pour la Migration (OIM) sur le nombre de décès sur les routes migratoires de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). La liste macabre de la migration clandestine ne cesse de s'allonger laissant des séquelles irrémédiables. A la recherche de nouveaux horizons et portés par l'espoir, le plus souvent chimérique et trompeur, de pouvoir se construire une vie meilleure loin de la mère-patrie, des centaines de jeunes et moins jeunes ont tenté des traversées périlleuses de la mer vers d'autres pays, généralement européens, pour voir leur rêve englouti dans les flots marins. Ainsi, loin de pouvoir arriver à destination voulue ou, à tout le moins, préserver leur vie dans leur propre pays, ces candidats malheureux à l'immigration voient leur aventure se terminer en drame pour eux-mêmes autant que pour leurs familles. Ce phénomène tragique qui préoccupe, depuis longtemps, les Etats soucieux de la sécurité de leurs citoyens, a pris une ampleur exponentielle depuis 5 ans. Le dernier rapport de l'Organisation des Nation Unies pour la Migration (OIM), au titre de l'année de 2022, en est l'illustration parfaite. Rendu public le 14 juin, le rapport de l'ONG, qui fait le bilan macabre des décès sur les routes migratoires de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA), révèle qu'un total de 3.800 personnes a retrouvé la mort dans leur tentative de joindre l'autre bout du monde en 2022. Selon l'institution, il s'agit du chiffre le plus élevé de ces cinq dernières années, soit 11% de plus par rapport à 2021. La région MENA a représenté plus de la moitié du total des 6.877 décès enregistrés dans le monde, selon le nouveau rapport. Mais les routes terrestres de l'Afrique du Nord ne sont pas moins meurtrières parmi les trajets migratoires de la région. Chiffres à l'appui, 203 migrants y ont perdu la vie en 2022, dont plus de la moitié lors de la traversée du désert du Sahara, soit un total de 125 personnes. Néanmoins, ces chiffres représentent une diminution de 39% par rapport à 2021 où 330 décès ont été enregistrés en Afrique du Nord, dont 227 morts lors de la traversée du désert du Sahara. Tout comme ce fut le cas en 2020 et 2021, la Libye a enregistré en 2022, à elle seule, 117 décès suivie par l'Algérie avec 54 décès, le Maroc avec 13 décès, puis la Tunisie avec 10 décès et enfin l'Egypte avec 9 décès.
L'exactitude des chiffres
Bien que ces chiffres sont alarmants, ils ne reflètent pas fidèlement la réalité tragique des routes migratoires, pour la simple et unique raison que l'accès aux données officielles reste difficile. C'est en tout cas ce qui ressort dudit rapport dans lequel l'OIM a souligné que « le nombre réel de morts sur les routes migratoires est probablement beaucoup plus élevé, au vu des données collectées par la société civile et les organisations internationales, qui restent limitées».
Ce travail devient encore plus compliqué du fait que beaucoup de migrants trouvent la mort alors qu'ils ne possédaient aucun document officiel, prouvant leur identité. Koko Warner, directeur du Global Data Institute hébergeant le MMP, explique que les données «montrent que 92% des personnes qui meurent sur cette route restent non identifiées». D'où la nécessité, selon Othman Belbeisi, directeur régional de l'OIM-MENA, pour les instances internationales de se pencher plus sur les solutions à mettre en place afin de mieux lutter contre ce phénomène. Il est à noter que les principales causes de décès sur les routes terrestres d'Afrique du Nord, par exemple, en 2022 étaient les accidents de véhicules (41 %), suivis des conditions environnementales et du manque de nourriture, d'eau et d'abris (31 %), précise le rapport.
Les ressortissants de la région MENA y perdent la vie
Vouloir quitter la région MENA pour arriver clandestinement en Europe signifierait donc, dans une grande mesure, perdre sa vie dans ces routes migratoires. C'est, d'ailleurs, le constat choquant qui ressort du rapport de l'OIM. Sur les 3.329 personnes recensées par nationalité, parmi celles décédées lors des tentatives de migration en 2022, 828 personnes sont venues des Etats arabes. « La plupart des décès de ressortissants de la région MENA sont survenus dans la région MENA », souligne l'organisation. Un total de 643 personnes, soit 78% des migrants recensés, sont mortes en mer Méditerranée, 58 en Afrique du Nord (du Soudan et d'Egypte), 35 en Europe (principalement des Syriens), 16 en Asie occidentale (principalement des Syriens en Turquie) et deux Soudanais en Afrique occidentale. Par pays, 213 sont originaires de l'Algérie, 177 de la République arabe syrienne, 160 de la Tunisie, 106 du Maroc, 76 du Soudan et 42 migrants de l'Egypte.
La route Afrique de l'Ouest-Atlantique : le lieu de toutes les tragédies
Alors que les arrivées via la route atlantique dans les îles Canarie sont diminué en 2022 par rapport à 2021, le nombre de vies perdues est resté élevé. Selon l'OIM, au moins 559 personnes sont mortes sur le WAAR en 2022, soit moins que l'année de 2021, l'année la plus meurtrière sur cette route depuis 2014, lorsqu'un total de 1 126 migrants ont perdu la vie. La majorité des décès sur le WAAR en 2022 ont eu lieu au large des côtes nord-africaines où 349 personnes sont mortes dans 16 naufrages. En outre, dix ont été rejetés par la mer au Maroc, sans pour autant pouvoir déterminer le lien avec les naufrages survenus. Les corps de 60% des personnes décédées au WAAR ne sont toujours pas retrouvés alors que 84% d'entre eux n'ont pas été identifiés. Sur les 111 personnes identifiées par nationalité, 74 étaient originaires du Maroc, ajoute l'OIM, expliquant que parmi les 133 morts identifiés, 66 sont des hommes, 44 des femmes et 22 enfants, dont 5 bébés.
Au moins 2 406 personnes ont perdu la vie en mer Méditerranée en 2022, ce qui en fait l'année la plus meurtrière depuis le record de 2017, où 3.139 décès avaient été enregistrés.
La Méditerranée, la plus meurtrière
La route méditerranéenne occidentale a fait au moins 611 morts supplémentaires en 2022, contre 384 décès en 2021, alors que la route méditerranéenne orientale a enregistré 378 décès contre 111 décès en 2021. Parmi les personnes identifiées parmi les morts sur la route de la Méditerranée occidentale en 2022, 209 provenaient d'Afrique du Nord, soit 83 Algériens et 26 Marocains, 40 venaient d'Afrique subsaharienne et 26 du Moyen-Orient. Sur la route de la Méditerranée occidentale, la même source détaille que la majorité des décès sont survenus au large des côtes algériennes, sachant qu'au moins 47 personnes sont mortes sur les côtes du Nord du Maroc. Par ailleurs, au moins 45 personnes ont perdu la vie lors de la traversée vers les enclaves espagnoles, 16 à Sebta, 5 à Melillia, une personne à Fnideq et 23 autres à Nador. Infographie