En Guinée, le gouvernement de transition a fait de gros efforts dans le secteur culturel et beaucoup de projets sont en cours d'exécution car l'accent a été mis sur ce secteur en tant que créateur d'emploi et facteur de cohésion sociale. Explications avec Alpha Soumah, ministre de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat (MCTA). C'était en marge de la Réunion Ministérielle Africaine de la Culture, tenue à Rabat les 22 et 23 mai 2023. Votre présence à cette conférence ministérielle n'est pas fortuite. Quelle est la motivation principale ? Nous sommes venus sur invitation du Royaume chérifien afin de participer à la présentation du bilan de l'événement « Rabat, Capitale culturelle de l'Afrique ». Cet événement est extrêmement important pour nous parce que, comme il a été fait pour nous en Guinée « Conakry, Capitale Mondiale du Livre » à un moment donné, c'est à peu près les mêmes obligations. Rabat en a profité, tout au long de cette manifestation pour abriter, pendant une année, les artistes et les acteurs culturels sur la scène marocaine. Cela a permis de dégager une certaine vision de la richesse culturelle du Maroc. Car Rabat a été mis au-devant de la scène internationale avec opportunité d'attirer les acteurs culturels de toute l'Afrique. Et je pense que c'est une bonne initiative car quand on parle de l'intégration africaine c'est aussi l'intégration culturelle surtout la mise en valeur des écrans de l'industrie africaine de la création. Quelle est votre analyse à la clôture de la célébration de « Rabat, Capitale Africaine de la Culture » ? C'est un bilan encourageant et matière à se féliciter. Cela signifie tout simplement que la culture doit rester dynamique en s'imprégnant d'autres cultures et en s'autoévaluant. Pendant une année, Rabat a été la capitale africaine de la culture. Cela lui a permis non seulement de montrer la culture marocaine dans sa diversité mais aussi de stimuler la culture africaine qui est aussi diverse et variée. Dans notre entendement, nous voudrions que la Guinée soit désignée pour abriter le même événement avec « Conakry, Capitale Africaine de la Culture ». Nous y travaillons. En quoi le cas du Maroc inspire-t-il votre gouvernement en la matière ? Il s'agit de la même expérience. En fait, nous sommes aujourd'hui dans une convention cadre avec le PNUD pour la réorientation de la culture guinéenne. Ce programme se charge des différents axes et compétences réunis au tour des valeurs de la culture. Il concerne l'industrie créative et les projets culturels innovants. Cela nous inspire et nous amène à nous poser la question pourquoi pas Conakry ne puisse pas être la prochaine capitale africaine de la culture. Car en Guinée, il y a beaucoup de potentialités dans le domaine culturel. On dit souvent que la culture est le parent pauvre des programmes gouvernementaux. Qu'en est-il en Guinée sous l'ère du Comité National du Rassemblement et du Développement (CNRD) ? Je pense que pour un gouvernement de transition, beaucoup d'efforts ont été faits et beaucoup de projets sont en cours d'exécution car l'accent a été mis sur la culture en tant que créatrice d'emploi et facteur de la cohésion sociale. D'ailleurs, nous avons repris la quinzaine artistique qui n'avait pas été célébrée depuis 2018. Et bientôt, nous allons organiser le festival national de la culture et des arts. C'est la volonté du chef de l'Etat, Président de la République, le colonel Mamadi Doumbouya, de donner un nouvel élan, une nouvelle dimension à la culture dans notre pays. Autrement dit, on peut dire, pour un gouvernement de transition, que la culture occupe une place de choix mais aussi est devenue une nécessité pour un développement harmonieux en Guinée. La culture n'a jamais aussi bien brillé que maintenant dans mon pays. Dans ces conditions, quel lien peut-on faire entre la culture et le développement économique d'un pays en Afrique ? Aujourd'hui, il a été démontré en Guinée qu'en soutenant les industries culturelles cela booste le secteur culturel dans son ensemble. Si l'on prend le secteur de la cinématographie, nous avons les différentes chaines de valeur liées à la production du cinéma, les différents corps de métiers et cela permet de créer des emplois pour les jeunes. Il en est de même pour la musique où nous avons la production, les preneurs de sons jusqu'au streaming. C'est tout un ensemble de chaines de valeurs, créatrices d'emploi et donc qui participent au développement socioéconomique d'un pays. Nous sommes en train de revoir tout cela pour faire de la culture un pourvoyeur d'emplois pour nos jeunes. Pour nous donc, il n'y pas de barrière entre la culture et les autres secteurs du développement. Dans ce sens, comment la culture peut-elle être un facteur de consolidation de la coopération entre le Maroc et la Guinée ? La preuve, nous sommes venus pour cette célébration. Mieux, nous avons des conventions en cours de réactualisation avec le Maroc, notamment dans le tourisme. Il y a une commission mixte qui a été mise en place et qui fait un sérieux travail. Le Maroc va intervenir dans la formation, dans l'évaluation des compétences. Aussi, le Maroc est-il prêt à nous accompagner dans les travaux de réhabilitation du Voile de la Mariée. Les travaux ont commencé. Idem pour l'exploitation et la commercialisation des sites touristiques liés aux musées. Dans ce sens, nous avons reçu trois délégations marocaines pour étudier cette question, faire l'évaluation technique et voir comment cela sera réalisable. Justement qu'en est-il du programme touristique en Guinée ? La première démonstration de la volonté du gouvernement est d'abord la restructuration des textes régissant ce secteur pour lui permettre de se mettre au même niveau que les autres pays. Nous avons revu tous les statuts. Aujourd'hui, l'Office national guinéen du tourisme est devenu une réalité. Nous avons également lancé les travaux de réhabilitation des sites touristiques à l'instar du Voile de la Mariée, un trésor qui se trouve dans la magnifique forêt de la ville de Kindia. C'est une sensationnelle avalanche d'eau qui dévoile ses charmes irrésistibles et attire les excursionnistes et même les hommes d'affaires qui sont de passage dans la ville. Ses paysages de rêve et son décor envoûtant laissent le visiteur sans voix. Très esthétique, elle fait la fierté de la Guinée et fait l'objet de contemplation, de distraction et d'émerveillement. Il y a plusieurs autres sites touristiques à travers la Guinée que nous sommes en train de réhabiliter. Nous avons aussi lancé les saisons touristiques tout en invitant les opérateurs économiques à s'y investir. Notre objectif est de faire de la Guinée une destination touristique très prisée dans la sous-région et au niveau du continent africain.
Propos recueillis par Wolondouka SIDIBE
Bon à savoir La Guinée regorge d'immenses potentialités artisanales avec des caractéristiques particulières : sculpture pour la basse Guinée, tissu indigo (léppi) pour la moyenne Guinée, sculpture, danfani ou bakha pour la Haute Guinée, tissu indigo (forêt sacrée) pour la Guinée Forestière. Avec plus de 90 corps de métiers, 40% de la production manufacturière, 30% de la population urbaine et environ 25% de la population active, l'artisanat guinéen regroupe 8 secteurs d'activités : le secteur des métaux, le secteur du bois, le secteur des fibres végétales, le secteur du cuir, le secteur de la construction/bâtiment, le secteur de l'alimentation, le secteur des prestations de services et les autres activités diverses. Les principales activités, dans la capitale, sont la forge, la menuiserie, la teinture, la couture, la broderie, la cordonnerie, le travail du bambou rotin, les batiks, les bijoux en or et en argent. De plus, une nouvelle forme d'artisanat se développe, de jeunes créateurs recyclent de la ferraille, moteurs, vilebrequins, pistons, arbres à cames, cylindres... et en font des sculptures monumentales ou des jouets, peints de couleurs vives et exposés à ciel ouvert.