Le gouvernement a ouvert des crédits additionnels pour soutenir les dépenses publiques dans un contexte de poursuite de l'inflation sans pour autant recourir à une rectification du budget. Notifiée aux deux Chambres du Parlement, cette mesure a été défendue par le ministre délégué chargé du budget Faouzi Lekjaâ qui a expliqué les raisons du non-recours à une loi des finances rectificative. Détails. Compte tenu d'une hausse prévisionnelle des dépenses, le gouvernement semble en quête d'argent pour boucler la fin de l'année. La Commission des finances et du développement économique à la Chambre des Représentants a tenu une réunion, ce jeudi, pour prendre acte des précisions du ministre délégué auprès de la ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget, Fouzi Lekjaâ. Ce dernier est venu annoncer la volonté de l'Exécutif d'injecter les fonds supplémentaires dans les dépenses publiques. Une mesure d'ores et déjà prise par l'Exécutif, qui veut, selon les explications de Lekjaâ, de faire face au soutien financier qui sera allouée à l'Office nationale de l'Electricité et de l'Eau potable (ONEE). L'enveloppe de ce soutien supplémentaire est estimée à 4 MMDH. Ce à quoi s'ajoute les dépenses liées à la gestion de l'eau et la lutte contre le stress hydrique. Pou rappel, l'enveloppe allouée Programme National pour l'Approvisionnement en Eau Potable et l'Irrigation 2020-2027 a été augmentée à 143 MMDH. Une dérogation « légale » Une réunion similaire a eu lieu, le même jour, dans la commission compétente au sein de la Chambre des Conseillers. En effet, le gouvernement a décidé d'ouvrir des crédits supplémentaires par décret en cours de l'année budgétaire courante. Juridiquement, rien n'empêche une telle mesure puisque la loi organique N°130.13, relative à la loi de finances, permet cet ajustement budgétaire sans recours à une rectification de la loi. Le gouvernement compte ainsi activer l'article 60 qui donne la possibilité au gouvernement de prévoir des dépenses supplémentaires le cas échéant. « En cas de nécessité impérieuse et imprévue d'intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts par décret au cours d'année conformément à l'article 70 de la Constitution », stipule ledit article, qui exige, toutefois, que cette mesure soit notifiée préalablement aux commissions parlementaires chargées des finances. 10 milliards supplémentaires Selon des sources parlementaires contactées par « L'Opinion », le gouvernement a opté pour une enveloppe supplémentaire de 10 milliards de dirhams afin de faire face aux dépenses imprévues liées aux fluctuations de la conjoncture. Ce n'est pas la première fois que l'Exécutif recours à l'article 60. Il en a été de même l'année dernière où 12 milliards de dirhams furent injectés soudainement, à titre d'urgence, dans le budget de l'Etat afin de financer les dépenses additionnelles. Sur fond d'une inflation inédite, le gouvernement a dû renforcer le budget de compensation dont les fonds ont culminé à 42 milliards de dirhams en 2022. Cette hausse fut tellement conséquente que le gouvernement a dû booster le budget de la Caisse de 237%.Idem pour les mesures de soutien au pouvoir d''achat, sachant que le budget a dû supporter le soutien imprévu aux transporteurs routiers dont la neuvième tranche a été accordée cette année. Les financements innovants ? L'an dernier, le gouvernement n'a pas recouru à une loi rectificative puisqu'il a puisé l'argent dans les financements innovants. Un mécanisme qui permet de monnayer les actifs de l'Etat sur les marchés. La sécheresse a également condamné le gouvernement à mobiliser les fonds supplémentaires avec le plan d'urgence de 10 MMDH qui a été lancé sur instructions royales. Les défis et les aléas conjoncturels n'ont pas changé et sont toujours là. Raison pour laquelle le recours aux fonds additionnels est justifié économiquement. Comme la réunion de la Commission des finances s'set déroulée à huis clos, les annonces de Lekjaâ n'ont pas fait l'objet de communication officielle. Mais, il est probable que les 10 milliards émanent des financements innovants qui demeurent un outil précieux pour l'Exécutif. Selon la loi de finances 2023, l'Exécutif a la volonté d'en mobiliser 25 milliards de dirhams. Les fosses à combler En plus des dépenses imprévues, le gouvernement compte, à travers les fonds supplémentaires, remédier aux éventuelles baisses des recettes fiscales dues à quelques exonérations douanières appliquées à titre d'urgence. Pour rappel, pour atténuer l'effet de l'inflation et la hausse phénoménale des prix de certaines matières de première nécessité, il a été procédé à la levée temporaire des droits de douane sur des produits telles que les viandes rouges. C'est ce qu'a confirmé la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, aux députés lors de son dernier passage au Parlement. Une mesure jugée nécessaire pour assurer une quantité abondante sur le marché et maintenir les prix à des niveaux abordables à l'approche de l'Aïd Al-Adha. Le gouvernement a dû supprimer également la TVA sur les semences et les phytosanitaires pour réduire le coût de production des denrées agricoles. L'inflation persistante Bien qu'elle ait légèrement reculé de 10,2% en février à 8,2% en avril, l'inflation continue de peser lourdement sur le budget de l'Etat. Par conséquent, le gouvernement continue de supporter la charge du soutien à la stabilité des prix. Electricité, transport routier, soutien aux agriculteurs contre les effets de la sécheresse, la liste est longue. Cependant, l'Exécutif compte alléger le fardeau de la compensation en lançant les aides directes, jugées plus efficaces sur le pouvoir d'achat et moins pesantes sur le budget. En recourant aux fonds additionnels, le gouvernement ne veut pas toucher à l'investissement public qui atteint un record cette année (300 milliards de dirhams). Un montant jugé historique. Pour éviter de sortir du cadre de la loi de finances 2023, le gouvernement a deux moyens de combler le déficit : la dette, dont le Royaume a usé cette année en levant 2,5 milliards de dollars sur les marchés internationaux, et en obtenant une ligne modulable de 5 milliards de dollars auprès du Fonds Monétaire International (FMI). La loi des finances 2023, rappelons-le, permet au gouvernement d'emprunter 69 milliards en interne et 60 milliards d'emprunts externes.