Un mariage presque parfait peut-il résister à l'usure du temps et au poids de la famille et des traditions ? C'est autour de cette question que se construit la trame du nouveau roman de Tahar Ben Jelloun "Les amants de Casablanca", qui a été présenté mercredi soir à Rabat. Lors d'une rencontre-débat organisée par le Book Club Le Matin, le romancier et poète franco-marocain a indiqué avoir voulu, à travers l'histoire de Nabil et Lamia, un couple bourgeois dont le mariage est au bord de l'implosion, critiquer l'"énorme poids" de la famille et des apparences sociales qui condamne à l'échec bien d'unions qui auraient pourtant tout pour réussir. "Les amants de Casablanca" (336 pages, Editions Gallimard, 2023) décrit comment la routine et la désillusion, couplées à l'ingérence de la famille, finissent par former un cocktail explosif qui fait éclater l'union de Lamia, une pharmacienne brillante et ambitieuse et Nabil, un médecin humaniste et engagé, un peu trop. Déçue de voir son époux prendre soin de ses patients déshérités plus que de son couple, l'épouse désabusée vit en silence une traversée du désert qui la conduit vers le chemin sinueux de la trahison. Comment l'un et l'autre ont-ils pu laisser les choses se compromettre à ce point ? Tahar Ben Jelloun laisse à sa plume habile et à sa formation de psychologue le soin de décrire les états d'âme de Lamia et Nabil dans toute leur ambivalence et leur complexité, tout en se gardant de prendre parti pour l'un ou l'autre. "Je suis romancier, pas juge. Le romancier est un observateur, un témoin de l'époque", clame l'écrivain en réponse à une question sur cette position de "neutralité" qu'il a adoptée tout au long du récit. Casablanca, la toile de fond Casablanca, métropole aux mille visages et identités, sert de toile de fond pour ce récit sur la débâcle d'un jeune couple exemplaire en apparence mais gangrené de l'intérieur par ses contradictions et ses inhibitions qui sont, selon l'auteur, le lot de bien d'autres couples contemporains tiraillés entre modernité et traditions. Expliquant ce choix, Tahar Ben Jelloun a indiqué, dans une déclaration à M24, la chaîne télévisée d'information en continu de la MAP, que "Casablanca joue un rôle très important dans le roman parce que c'est le poumon, le cœur du pays et c'est une place de l'argent, du pouvoir, de la puissance mais aussi de la pauvreté et des contradictions". L'écrivain dit avoir profité de ce décor pour "noter toutes les contradictions de notre société qui a un pied dans la modernité et un autre dans la tradition", ajoutant qu'il s'agit d'"une fiction mettant en scène des personnages de la vie quotidienne et leur histoire d'amour à travers laquelle je raconte aussi le Maroc d'aujourd'hui". Romancier, poète et peintre, membre de l'Académie Goncourt et lauréat du prix Goncourt en 1987 pour "La nuit sacrée", Tahar Ben Jelloun est l'auteur de nombreux romans parus aux Editions Gallimard, dont "Le miel et l'amertume", "La punition", ou encore "Le mariage de plaisir". Les œuvres littéraires et artistiques du natif de Fès en 1944 sont appréciées dans le monde entier. Tahar Ben Jelloun est notamment connu pour son roman récompensé du prix Goncourt ''La nuit sacrée'' et ses nombreux essais pédagogiques, dont "Le racisme expliqué à ma fille", traduit dans plus de 25 langues, et son dernier ouvrage "Le miel et l'amertume" (2021), édité par La Nave di Teseo.