Un livre de M. Touhami TAHIRI-ALAOUI Dès l'annonce de la parution de l'ouvrage de Monsieur Alaoui, j'éprouvais, pour une raison encore inexpliquée, un irrépressible besoin de rencontrer l'auteur qui ne m'était certes pas inconnu mais dont je ne soupçonnais que moyennement les prouesses littéraires et le talent d'essayiste. Le titre, sobre et sans redondance, m'interpella d'emblée et après avoir «dévoré» le livre, il me restait à cerner la personnalité et les profondes motivations d'un écrivain dont je découvrais avec enthousiasme la perspicacité et la pertinence dans le travail de recherche et d'analyse, autre facette d'une polyvalence avérée et de on aloi. Il est du reste réconfortant de constater que, spontanément, sans calcul et sans concertation préalable, un certain nombre d'intellectuels Marocains ont décidé, dix ans après l'avènement de la nouvelle ère, de jeter un regard rétrospectif et une évaluation de fait de la première décennie du règne du Monarque qui préside aux destinées de ce Royaume béni depuis le 23 juillet, date du décès du défunt Roi Hassan II. Le parcours professionnel exceptionnel de Moulay Touhami que l'on peut ranger dans la catégorie des valeurs sûres de notre Administration nationale, soucieux de mettre son expertise et son savoir, (souvent bénévolement) au service de son pays, ce parcours singulier et néanmoins privilégié (il a fait tour à tour partie du corps de l'Administration de la Justice et de celui de l'Autorité territoriale) le prédisposait pour ainsi dire à porter témoignage et à livrer sa propre perception d'une tranche récente et immédiate de l'Histoire de notre pays. Conscient par ailleurs des défis du présent et des enjeux du futur, Si Tahiri procède à une véritable radioscopie de la mémoire et de l'Histoire, avant de faire un état des lieux méticuleux de la «Maison Maroc». Devoir de mémoire et… de témoignage Mettant en exergue et souscrivant pleinement à l'adage qui stipule qu'il ne saurait y avoir de futur sans mémoire, le chercheur se penche sur le «poids de l'Histoire» pour, à la faveur d'un survol succinct mais hautement pertinent, mettre l'accent sur des fondamentaux, trop souvent passés sous silence ou, au mieux, méconnus. J'avoue personnellement avoir beaucoup appris à la lecture de ce travail et trouvé des pistes et des repères pour en savoir un peu plus sur «Nous, Marocains» et ce n'est pas le moindre des mérites du travail de recherche accompli par l'auteur. L'intitulé de l'opus pourrait suggérer, compte tenu de la thématique abordée et de la dimension éminente du personnage central (un Chef d'Etat, Monarque de surcroît), cet intitulé pourrait laisser supposer que nous aurons droit à un texte hagiographique, nécessairement truffé d'éloges flatteurs et subjectifs que la propre sensibilité de l'auteur et son origine pourraient surmultiplier à l'envi. Etrangement, il n'en est rien. Monsieur Tahiri comme tout honnête homme soucieux de demeurer crédible, ne fait que relater/ou rappeler des faits irréfutables, de soumettre à l'analyse et au libre arbitre de ses lecteurs des réalités palpables et souvent chiffrées, de faire des projections probables sur la base des conjonctures particulières, n'hésitant pas, au surplus, à mettre l'accent sur des sujets qui pourraient paraître anodins mais qui, négligés ou mal appréhendés, pourraient générer des répercussions éminemment dommageables pour la cohésion, la stabilité, l'unité de cette nation pluriséculaire et néanmoins mosaïquée pour notre grand bonheur. Citoyen lucide et responsable, fortement et spontanément impliqué dans tout ce qui a trait à la consolidation des acquis de l'Etat moderne et de l'Etat de droit, il recense, inventorie, énumère « priorise» en suggérant et balise en n'occultant rien, surtout pas les dangers multiformes qui guettent cette Marche du Troisième Millénaire d'un Royaume dont les atouts et la spécificité constituent paradoxalement les motifs d'agression et de convoitise et les entraves chroniques qui pénalisent un essor possible, au demeurant mûrement planifié envers et contre tout. La vigilance citoyenne de l'auteur est digne de respect et il faut lui savoir gré de faire constamment preuve d'éclectisme et de discernement pour ne nous livrer que l'essentiel, c'est-à-dire des clés précieuses pour aborder cette équation nommée Maroc avec les outils adéquats, pour autant que l'on veuille procéder à une lecture superposée, intégralement inscrite entre les lignes, de manière subliminale mais jamais explicite. Décence élémentaire qui honore ce chercheur dont l'érudition n'a d'égale que la profonde humilité. L'art d'écrire, le don de décrire Cet homme semble donc avoir choisi, pour chanter les louanges d'un monarque qu'il vénère comme nous tous, de s'en tenir aux faits et de mettre en exergue les actions et traits de caractère d'un roi dont la sensibilité et l'humanisme ne sont pas la moindre des vertus. Ce Prince (des Croyants) si proche de son peuple, cultive un profond idéal, entretient un rêve sublime et nourrit une ambition grandiose pour le devenir de son pays. Monarque citoyen avec toute la charge affective passionnelle que comporte cette épithète, il s'évertue à partager les joies et les souffrances des siens. Cette image d'un roi, genou à terre et le bras enveloppant l'épaule ou tapotant la joue de nos chérubins au m'sid m'avait déjà bouleversé en son temps, à l'occasion d'une visite mémorable dans la Cité légendaire de Moulay Ali Ben Rached et de Sayda El Horra : Chefchaouen, berceau de Mehdi-Ssaâd, la fleur de mes jardins. Elle illustre à elle seule cette symbiose et les rapports quasi-fusionnels des Marocains et de leur Guide et ce n'est pas pour rien que Monsieur Alaoui en a fait le seuil et l'habillage polychrome de son livre. La personnalité tout entière de notre Roi transparait dans cette icône à haute teneur symbolique. L'enfance, la jeunesse : promesse et espérance d'une nation En s'agenouillant aux côtés de nos enfants, ce roi ne fait que s'élever à nos yeux. Et de grandir d'autant, scrutant les horizons possibles pour cette génération en herbe, promesse et avenir d'une nation en évolution constante. A l'image de son propre héritier le sémillant Petit Prince Moulay El Hassan. Quel Maroc leur aménagerons-nous, semble se dire Mohammed VI en les écoutant au cours de ce dialogue inédit, original, hors temps et cependant nécessaire. Prospectif pour tout dire. Cette image, assurément, fera date et nous devrons, nous adultes, la méditer à son exacte mesure. Parce qu'elle illustre la personnalité profondément altruiste de ce roi à l'écoute de son peuple (et principalement sa jeunesse) dont il prend en compte et assume les espérances et les rêves. Séquence donc à méditer, puisqu'elle préfigure les lendemains de notre capital le plus précieux : l'élément humain et, encore plus singulièrement l'enfance, la jeunesse… On pourrait, pour être tout à fait à fait objectif, faire un reproche amical à Si Tahiri (puisqu'aussi bien, sans la liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur). Justice, Patrie des hommes : l'autre chantier du Règne Le processus démocratique irréversible et incontournable est certes évoqué par Monsieur Tahiri, mais aurait mérité au moins un chapitre d'autant que l'auteur s'est réellement et intelligemment efforcé de mettre en évidence l'interaction du tryptique : Etat de droit/droits civiques et développement durable. Le tout en totale adéquation avec les impératifs de l'intérêt suprême de la Nation et à travers la sécurisation du territoire, c'est-à-dire la préservation de l'unité et l'intégrité du pays. Il ne s'agit donc pas d'un constat de carence (puisque la problématique a été abordée), mais plutôt d'un vœu : - Que Monsieur Tahiri, qui affiche à la faveur de ses écrits une adhésion sans faille aux options sectorielles que le Maroc a fait siennes, nous livre bientôt la suite de ses réflexions pertinentes et constructives et qui rendront, j'en suis personnellement convaincu, les meilleurs services à tous ceux, nombreux que préoccupe la marche marocaine. De même qu'il analyse avec une condescendance assez complaisante le volet «Affaires Etrangères ». Véritable talon d'Achille de notre politique globale et qui, reconnaissons - le est grevé de tares rédhibitoires depuis un peu plus de dix ans, pénalisant fortement « l'Action Maroc ». Gageons que Tayeb Fassi Fihri, qui hérite d'un état de fait calamiteux, saura apporter patiemment les correctifs nécessaires dans un domaine ou l'improvisation le disputait à l'opportunisme calculé. Si le livre de M. Tahiri était sorti un mois plus tard, on aurait pu adresser à l'auteur un autre petit grief : Celui de n'avoir pas consacré un chapitre à part entière à cet autre chantier monumental du nouveau règne : La justice au Maroc, domaine auquel Sa Majesté Mohammed VI a réservé l'intégralité de Son discours du 20 août. Ce volet mériterait à lui tout seul un ouvrage et Monsieur Tahiri, qui dans une vie antérieure «a porté les deux casquettes de l'emploi» est bien placé pour décrypter le secteur, donner son point de vue et apporter une contribution appréciable. Rabat, le 28/09/2009 Prochain article : Justice, Patrie des hommes: l'autre Grand Chantier du Règne Mohammed VI, le cœur et la raison Editions La Porte - 2009