Pour pallier aux effets de la sécheresse qui a impacté la production agricole, le gouvernement veut généraliser l'irrigation des terres. Une des pistes que l'Exécutif compte exploiter pour atténuer l'effet des perturbations saisonnières, responsable en partie de la hausse des prix. Détails. S'il y a un souci qui a le plus enquiquiné les Marocains pendant le Ramadan, c'est bel et bien l'inflation qui s'est fait sentir dans la table du ftour. Jamais l'assiette n'a suscité autant d'anxiété chez le citoyen que cette année où la hausse des prix continue d'éroder le pouvoir d'achat. L'anxiété est telle que la baisse annoncée des prix des denrées alimentaires n'a pas eu lieu. D'où ce climat d'exaspération qui règne actuellement. Il a fallu donc que le gouvernement s'explique à nouveau sachant que la conférence de presse hebdomadaire du porte-parole de l'Exécutif ne suffit plus pour convaincre l'opinion, dont une partie importante s'interroge et peine à accepter cette hausse vertigineuse des prix des produits de base et la fièvre qui prend les marchés. D'aucuns pointent du doigt la spéculation que les autorités peinent à contenir, d'autres refusent les arguments de l'inflation importée et des justifications techniques. Il a été nécessaire que le gouvernement reprenne l'exercice de pédagogie. Cette responsabilité incombe évidemment au ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, qui a été, mercredi, l'invité du forum de la MAP. Interrogé sur les origines de la flambée actuelle des prix, le ministre a pointé du doigt le marché mondial dont l'agitation a contaminé le nôtre. « L'inflation importée et la hausse des coûts de production ainsi que les perturbations saisonnières sont à l'origine de la hausse des prix des produits agricoles », a-t-il expliqué, ajoutant que « l'inflation d'aujourd'hui ne date pas d'hier, comme elle ne concerne pas uniquement un seul produit, mais bien d'autres ». Le trio coupable ! En effet, dans la logique du gouvernement, c'est la conjonction de trois facteurs qui est derrière la flambée actuelle des prix des denrées alimentaires. Il s'agit de l'inflation, la sécheresse et les perturbations saisonnières, en plus de la guerre en Ukraine. Ceci dit, selon l'argumentaire gouvernemental, ces contraintes ont pesé lourdement sur la production qui n'a donc pas été assez abondante pour satisfaire largement la demande, sachant que le Maroc produit la totalité de ses besoins en légumes et en fruits. L'effet du stress hydrique Prenant le cas des perturbations saisonnières, un argument qui a été souvent remis en cause par des observateurs, le ministre est revenu sur l'effet du stress hydrique sur l'irrigation d'une immense superficie des terres agricoles. L'argument du ministre est le suivant : la sécheresse est tellement récurrente qu'il n'y a pas eu assez d'eau pour irriguer toutes les régions aussi abondamment que d'habitude. Un argument que rejettent certains qui ne comprennent pas que certaines cultures, comme l'avocat, explosent à l'export. La production de l'avocat, rappelons-le, a atteint des niveaux historiques avec un volume de 40.000 tonnes pendant la saison 2022-2023, selon les données de « Freshplaza ». Idem pour les pastèques et les melons qui se sont également développés de façon fulgurante au point que le Maroc est devenu l'un des principaux fournisseurs de l'Union Européenne de ces produits en 2022. Le paquet mis sur l'irrigation En effet, la question de l'irrigation a été souvent débattue ces derniers temps sachant que de nombreuses personnes critiquent les gouvernements précédents qui n'ont pas construit les stations de dessalement qui auraient permis de soulager les barrages. La station de Casablanca, à titre d'exemple, aurait dû être opérationnelle il y a des années, selon le calendrier préalablement fixé. Mais cela n'a pas eu lieu. Son démarrage aurait pu permettre de ménager les ressources des barrages pour les vouer essentiellement à l'agriculture. C'est le cas, d'ailleurs, de la station d'Agadir récemment inaugurée et qui a permis de sauver 10.000 hectares de terres agricoles dans les régions environnantes, selon les chiffres donnés par le porte-parole du gouvernement, en février dernier. Par contre, dans les régions comme Tadla, Al Haouz, Doukkala et Draâ-Tafilalet, l'alimentation de l'irrigation par les barrages a été suspendue à cause des faibles taux de remplissage des barrages. En réalité, pour pallier aux risques liés à l'eau, le gouvernement compte investir 40 MMDH pour l'optimisation de l'usage de l'eau dans l'agriculture. L'idée est de généraliser le goutte-à-goutte avec pour objectif de couvrir un million d'hectares de terres par cette technique à l'horizon 2030. Actuellement, le Maroc en est à 750.000 hectares, un niveau qui s'est multiplié 4,6 fois par rapport à 2007 (160.000 hectares). Le gouvernement mise également sur le dessalement comme source d'alimentation de l'agriculture, sachant qu'un projet dans la plaine de Chtouka vient d'être achevé sur une superficie de 15.000 hectares, avec une capacité de 400 mètres cubes par jour, a rappelé le ministre. Par ailleurs, en plus de la sécheresse, les fameux « perturbations saisonnières » ont eu un effet négatif en retardant les délais de maturité des produits agricoles, selon Mohammed Sadiki, qui a noté que le Plan Maroc Vert et la nouvelle stratégie "Génération Green" ont permis « une consolidation de filières agricoles, permettant une production plus élevée même hors saison ». Ces deux stratégies, rappelons-le, visent à accroître la production agricole à 200 milliards de dirhams contre 125 MMDH enregistrés en 2020. Flambée des prix : le gouvernement a-t-il épuisé sa boîte à outils ? A l'exception de la compensation des produits de base (gaz, sucre et blé tendre) et le contrôle des marchés, qui jusqu'à présent n'ont pas encore eu les effets escomptés, le gouvernement s'est vu avec une marge de manœuvre réduite. Toutefois, l'Exécutif a activé l'outil douanier en suspendant les droits d'importation appliqués sur les huiles végétales, le blé tendre, le lait asséché, le beurre et les bovins. En plus, le Trésor prend à sa charge la TVA (20%) et les droits de douane (200%) sur le bétail, selon les données du ministère de l'Economie et des Finances. Jusqu'à présent, les prix de la viande demeurent élevés en variant entre 85 et 110 dirhams en fonction des régions. Cette hausse est due, selon Sadiki, aux répercussions de la crise Covid-19 qui a déstabilisé les chaînes d'approvisionnement à cause de la baisse de l'élevage et des retards de vaccination.