Le Maroc a émis un emprunt obligataire sur le marché financier international d'un montant global de 2,5 milliards de dollars réparti en deux tranches de 1,25 milliard chacune. Une émission qui consolide non seulement les caisses du Royaume, mais également son capital confiance. Quelques jours seulement après son retrait de la très redoutée liste grise du Groupe d'Action Financière (GAFI), organisme de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le Royaume a effectué sa sortie à l'international, levant 2,5 milliards en deux tranches. Celle-ci fait suite à un Roadshow auprès de la communauté des investisseurs internationaux, le premier depuis trois ans, mené par la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, qui a été accompagnée par des responsables de la Direction du Trésor et des Finances Extérieures (DTFE).
Dans le détail, la première tranche qui est d'une maturité de 5 ans a été émise à un spread de 195 pb et un prix de 98,855%, offrant ainsi un taux de rendement de 6,22% et servant un coupon de 5,95%. La 2ème tranche est par contre d'une maturité de 10 ans et demi et a été émise à un spread de 260 pb et un prix de 99,236%, soit un taux de rendement de 6,602% et un coupon de 6,50%.
Ceci dit, l'émission de cet emprunt vise tout d'abord à financer une partie du déficit budgétaire, souligne Badr Lachgar, économiste et consultant en financement structuré. «Dans la Loi des finances de 2023, les autorités financières du Maroc estiment que le déficit atteindra 65,7 milliards DH et dont une partie sera couverte par le recours au financement extérieur comme le proposent les dispositions relatives aux charges du Budget Général de l'Etat», rappelle notre interlocuteur, faisant référence à l'article 42 du Bulletin Officiel daté du 23 décembre 2022. Cette option de financement répond également à la volonté du Trésor marocain de diversifier ses partenaires financiers tant sur le plan institutionnel que géographique, selon notre économiste. Car oui, avec une dette intérieure estimée à 681 milliards DH (fin 2021) et une dette extérieure estimée à 203,8 milliards DH (fin 2021), le Maroc a tout intérêt à augmenter sa part de financement extérieur. Dans ce sens, le livre d'ordres a dépassé les 11 milliards de dollars avec une large diversification en termes de répartition géographique que de profil des investisseurs.
Renforcement du capital confiance
Outre les calculs macro-économiques, cette émission place le Maroc dans la zone du «Investment play». C'est dire qu'aux yeux des grands détenteurs de fonds, le Royaume est un pays solvable qui inspire la confiance. Elle témoigne également, selon la ministre des Finances, Nadia Fettah, de la confiance des investisseurs quant à la résilience de l'économie marocaine dans un contexte de crise, ainsi que de la solidité des fondamentaux macro-économiques du Royaume et de la rigueur de ses finances publiques. Même son de cloche du côté de l'ex-ministre et actuel Conseiller istiqlalien, Lahcen Haddad, qui précise que si le Royaume arrive à rassembler facilement les 2,5 milliards de dollars avec des taux préférentiels, cela va le faire hisser au rang des pays les plus attractifs pour l'investissement (voir 3 questions à...). Une inflation plutôt maîtrisée (comparée aux autres pays de la région), un endettement extérieur bien contrôlé, un déficit budgétaire en baisse, «le Maroc affiche une très belle performance sur ces agrégats macroéconomiques. Une condition sine qua non pour gagner la confiance des investisseurs et obtenir de bonnes conditions sur les obligations à émettre», ajoute Badr Lachgar.
Toutefois, cette émission qui a été réalisée sous format 144A/RegS afin de permettre une large participation des investisseurs à travers le monde, n'était pas sans risques. «Il y avait de nombreux enjeux liés notamment au prix demandé par les investisseurs, ainsi que leur appétit sur les montants et durées des obligations à remettre», explique Lachgar. Néanmoins, la stabilité politique dont jouit le Royaume, la résilience de son économie face à des chocs successifs d'ampleurs inédites, ainsi que la portée des réformes fiscales menées durant les dernières années, dont la reconfiguration des statuts des places financières qui, pendant de longues années, ont été de véritables boosters pour les investissements étrangers, ont tous été des facteurs qui ont fortement contribué au succès de cet emprunt obligataire.
Après un long chemin de croix, le Maroc a enfin blindé ses caisses, mais aussi son capital confiance. L'engouement des investisseurs devrait, désormais, couler de source.
Saâd JAFRI 3 questions à Lahcen Haddad Lahcen Haddad, Conseiller istiqlalien, nous livre sa lecture sur la sortie du Royaume à l'international.
Quelle est l'importance de l'émission de cet emprunt à l'international ?
La sortie du Trésor du Maroc est importante, du moment qu'elle témoigne d'une diversification des ressources de financement des finances publiques. Il est vrai que le financement vient essentiellement de la fiscalité, mais l'emprunt reste important pour combler une partie du déficit budgétaire. Les répercussions sur le climat des affaires coulent également de source, du moment que la réussite de cette sortie, surtout dans un contexte de volatilité et de perturbations des marchés financiers, reflète la résilience de l'économie du Maroc et de son crédit. Quels sont, selon vous, les enjeux de cette sortie à l'international ?
Il faut souligner d'emblée qu'il s'agit d'une action normale, dont le montant est encadré par les dispositions de la Loi des Finances 2023. Le principal enjeu pour le Maroc est de tirer profit des avantages qu'offre cette opportunité. Si le Royaume arrive à rassembler facilement les 2,5 milliards de dollars avec des taux préférentiels, cela va le faire hisser dans la zone de l'«Investment play », parmi les pays les plus attractifs pour l'investissement. Autrement dit, qu'il est solvable aux yeux des organisations internationales, mais également des clubs qui gèrent les dettes, qu'elles soient publiques ou privées.
Quel serait, d'après vous, l'impact de cette sortie sur l'image de l'économie nationale, notamment auprès des investisseurs ?
Pour avoir un déficit budgétaire normal et maintenir les équilibres macro-économiques, le Maroc est contraint, comme tout autre pays, à s'endetter. Certes, on aurait pu s'endetter au niveau interne, néanmoins, la prépondérance de certains facteurs nous pousse vers un endettement à l'international, ce qui est plus avantageux pour nos réserves en devises, et permet d'assurer plus de stabilité au niveau des opérations liées aux importations. Ceci dit, le fait d'emprunter à des prix référentiels, avec des taux avantageux, augmente les indicateurs de solvabilité du pays, ce qui donnera, par ricochet, confiance aux investisseurs.