Sur fond de sécheresses récurrentes, combinées à deux ans de crise sanitaire pour cause de propagation de la Covid-19 ou encore les répercussions de la guerre en Ukraine, les dysfonctionnements organisationnels et fonctionnels que connaît le système de commercialisation des produits agricoles expliquent la tendance haussière des prix alimentaires qui donne le tournis au consommateur. En plus des mesures prises par le gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental rappelle l'urgence de réorganiser le circuit de commercialisation, d'une part, et de reconsidérer le rôle des intermédiaires, d'autre part. Dans un contexte difficile, marqué notamment par un niveau d'inflation jamais atteint depuis le début des années 1990, avoisinant, selon le Haut commissariat au plan (HCP), 11% en moyenne pour les produits alimentaires, l'inquiétude des ménages quant aux coûts de leur panier hebdomadaire va crescendo à l'approche du mois de ramadan.
Des facteurs structurels derrière la hausse des prix Pour faire face à cette situation et préserver le pouvoir d'achat des citoyens et la sécurité alimentaire du pays, l'Exécutif a pris un ensemble de mesures d'urgence, à l'image des opérations de contrôle des prix et de lutte contre les spéculations, de la régulation de l'export pour sécuriser l'approvisionnement du marché intérieur, du soutien aux professionnels du secteur du transport routier et de la levée des droits de douane et de la TVA sur l'importation des viandes rouges (bovins). Toutefois, ces efforts n'auront pas suffi, selon le Conseil économique, social et environnemental, à « résorber le renchérissement des prix des produits alimentaires » du fait de la persistance de plusieurs facteurs à caractère structurel. Il s'agit, notamment du déficit d'organisation du processus de commercialisation des produits agricoles, entrainant, par ailleurs, plusieurs dysfonctionnements à savoir la prédominance de la vente informelle et l'intermédiation excessive et peu contrôlée qui favorise la spéculation et la multiplication des intervenants. Une réalité qui pénalise autant le producteur et le consommateur et impacte la qualité des produits. Outre cela, le CESE souligne la faible capacité des petits et moyens agriculteurs à s'organiser pour écouler, dans de bonnes conditions, leurs produits. Il faut y une digitalisation « encore très faible » des processus de commercialisation et de valorisation des produits agricoles qui est loin de faciliter l'accès direct et fluide des petits et moyens agriculteurs aux différents marchés et débouchés. Vers une meilleure réorganisation du marché Pour faire face à cette situation qui frappe l'économie des producteurs mais aussi le pouvoir d'achat du consommateur, le CESE appelle à prendre un ensemble de mesures permettant d'organiser les circuits de commercialisation des produits agricoles, à même d'influer positivement sur le niveau des prix. Le Conseil propose, à cet effet, d'accélérer la réforme des marchés de gros en adoptant un dispositif ouvert à la concurrence et conditionné par le respect d'un cahier de charges, tout en mettant en place un cadre réglementaire précis et opposable qui clarifie le fonctionnement interne des marchés, le système de redevances et les modalités d'éligibilité des intervenants au niveau de la chaine de commercialisation. Afin de réduire les circuits longs de commercialisation, le Conseil appelle à la promotion du commerce de proximité et à encourager les petits et moyens agriculteurs à se regrouper dans des coopératives en s'inspirant des approches adoptées par la filière sucrière et la filière laitière. Dans la même vaine, l'impératif de lutte contre l'entreposage à des fins spéculaires, recommande le Conseil, implique la mise en place d'un cadre juridique encadrant les pratiques de stockage des produits agricoles, soit à des fins de consommation , soit pour un usage ultérieur dans la culture. Il est également question, selon le Conseil, d'accélérer la transformation digitale de la commercialisation des produits agricoles, notamment à travers la conception de plateformes digitales permettant aux agriculteurs, d'une part, d'accéder instantanément aux données sur les prix réels, afin de mieux négocier avec tous les intervenants de la chaine de commercialisation, et d'autre part, d'écouler directement une partie de leurs produits. Dans ce sens, il est important, aux yeux des spécialistes du Conseil, de renforcer la fréquence des opérations relatives au contrôle des prix et au respect de la concurrence, pour lutter efficacement contre les pratiques spéculatives dans les différents secteurs concernés par la hausse des prix, sans oublier de mettre en place un « observatoire des prix et des marges ». Celui-ci pourrait être abrité par le Conseil de la concurrence, pour aider à la détection de tout comportement d'accumulation non-justifiée des marges de profit au détriment du pouvoir d'achat des citoyens.