Le recul de l'inflation demeure tributaire d'un allègement fiscal provisoire sur les denrées alimentaires, selon une étude de l'OTRAGO qui a livré sa recette pour le retour à la normale. Détails. L'inflation a atteint des niveaux sans précédent au Maroc, alors que l'économie nationale a terminé l'année 2022 avec un taux d'inflation à 6,6% et une augmentation de l'indice des prix alimentaires de 11%. Des chiffres et des indicateurs qui montrent la situation difficile que traverse l'économie nationale, souligne l'Observatoire du Travail Gouvernemental (OTRAGO) dans une récente note sur l'inflation et la hausse des prix.
«Il est certain que l'économie marocaine a été directement affectée par les crises mondiales, qui ont eu de graves répercussions sur ses performances et sur le taux élevé d'inflation et des prix, compte tenu de la grande dépendance du Maroc vis-à-vis des importations en matière de denrées alimentaires de base et sa dépendance énergétique à l'étranger», indique l'OTRAGO, qui relève du Centre Al Hayat pour le développement de la société civile.
Denrées alimentaires : la facture qui pèse lourd
L'Observatoire rappelle, en effet, que la facture du Maroc en denrées alimentaires en provenance de l'étranger a augmenté de 44.9 % en 2022, pour atteindre 86,72 milliards de dirhams, contre 59.86% en 2021, tirée par une augmentation des importations de blé et de céréales due à la sécheresse et à une augmentation des prix au niveau international, alors que la facture énergétique s'est élevée à 153,5 milliards de dirhams, soit une augmentation de 102% par rapport à l'année 2022.
L'OTRAGO fait savoir aussi que l'économie marocaine a également été affectée par les années successives de sécheresse et ses répercussions sur la production de céréales qui n'a pas dépassé les 34 millions de tonnes en 2022, avec une baisse de 67%. Cette baisse a eu un impact négatif sur la croissance du PIB. Cela s'ajoute aux effets directs de la récession économique de la zone euro, premier partenaire économique du Royaume. Ceci a directement affecté la croissance de la demande extérieure du Maroc et a aggravé le déficit de la balance commerciale, qui a augmenté de 56% en 2022.
Mesures gouvernementales
Dans cette note, l'OTRAGO note que le gouvernement a, quand même, entrepris une série de mesures pour réduire l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat des citoyens, et maintenir la stabilité des prix de produits de première nécessité, et ce, selon trois niveaux. Le premier matérialisé par l'octroi de subventions, le second de nature monétaire et le troisième de nature fiscale.
S'agissant du premier niveau lié au soutien, l'Exécutif a augmenté les dotations au Fonds de compensation de 16 milliards de dirhams à 32 milliards de dirhams en 2022, afin de maintenir les prix du blé, du sucre et du gaz butane à leurs niveaux normaux, et de soutenir l'Office national de l'électricité et de l'eau potable avec 5 milliards de dirhams pour maintenir les prix et assurer la poursuite de l'exécution de ses fonctions, compte tenu du coût élevé des matières premières qu'il utilise de 20 milliards de dirhams à 40 milliards de dirhams. Sur ce point, la stratégie de compensation des produits de première nécessité demeure insuffisante aux yeux de la Banque Mondiale. (Voir Repères). Pour rappel, le gouvernement se prépare à instaurer le système d'aides directes aux familles défavorisées. Un système qui remplacera la Caisse de Compensation. Les sommes versées directement vers les foyers nécessiteux serviront à payer les produits subventionnés. La mise en œuvre de ce système est prévue en 2024. L'Exécutif parie sur le Registre Social Unifié pour la réussite du recensement et du ciblage des futurs bénéficiaires des aides directes. Le Registre social et le Registre national de la population ont commencé à être déployés dès 2022.
Le gouvernement a fait face à la flambée des prix des hydrocarbures en apportant un soutien direct aux professionnels du transport à hauteur de 4 milliards et 236 millions de dirhams en 9 tranches, afin de maintenir les prix des transports au Maroc à leurs prix normaux, et d'essayer d'épargner à l'économie nationale le coût élevé des transports compte tenu de la forte hausse des prix mondiaux de l'énergie.
Quant au second niveau lié à la politique monétaire, il comprenait le relèvement du taux d'intérêt central d'un point entier en deux temps, pour passer de 1,5% à 2,5%, dans le cadre de la maîtrise de l'offre financière au sein du marché national et atténuer l'impact de l'inflation. En plus d'acheter pour 15 milliards de dirhams de bons du Trésor sur le marché secondaire.
En ce qui concerne les procédures du troisième niveau liées à l'intervention fiscale, il comprenait la suspension de la perception des droits d'importation imposés sur un groupe de matières, telles que le blé tendre et ses dérivés, les oléagineux et les huiles brutes, en plus des vaches domestiques, avec la suspension de la taxe sur la valeur ajoutée sur les importations de vaches.
Allègement fiscal et refonte des marchés du gros
Afin de surmonter la crise de l'inflation et la hausse des prix et, par conséquent, préserver le pouvoir d'achat des citoyens, l'Observatoire suggère une série de recommandations. Il appelle ainsi au renforcement des mécanismes de contrôle et de suivi du mouvement des marchés nationaux et de l'évolution des prix des denrées alimentaires de base, en réorientant les ressources humaines vers les secteurs concernés.
L'Observatoire suggère aussi la suspension temporaire de la collecte d'un certain nombre de taxes liées à la vente de denrées alimentaires de base, et l'activation immédiate des rôles de l'institution de contrôle de la concurrence et l'application de la loi en ce qui concerne la pratique du monopole par les compagnies pétrolières.
De même, l'OTRAGO appelle à accélérer la publication des décrets d'application de la loi sur le Conseil de la Concurrence, à mettre en place un système de commercialisation des denrées alimentaires, à travers la création d'une institution nationale de commercialisation, et à réformer le système juridique des marchés de gros, qui remonte à 1962, avec des normes modernes.
A.CHANNAJE L'inflation : vers une baisse des prix ? À l'approche du Ramadan, le gouvernement semble faire la course contre la montre afin d'atténuer les effets de l'inflation et remettre de l'ordre dans les marchés. Raison pour laquelle les commissions de contrôle ont été dépêchées ces derniers jours au niveau des marchés du gros. En effet, les prix des légumes et des viandes rouges ont atteint un niveau tel qu'ils ont suscité l'inquiétude au sein de l'Exécutif. Le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, avait appelé à lutter contre la spéculation. Plusieurs membres du gouvernement ont multiplié les sorties médiatiques pour rassurer l'opinion publique, en annonçant une imminente baisse des prix avant l'arrivée du mois sacré. De son côté, le ministre de tutelle, Mohammed Sadiki, s'est rendu dans la région du Souss pour observer les exploitations de légumes, dont la tomate qui a vu son prix augmenter tellement qu'elle risque de devenir inaccessible. Selon le ministre, cette hausse du coût de la tomate est due à la baisse drastique des températures.