En réaction à l'ingérence du Parlement européen, les deux Chambres du Parlement marocain ont tenu, lundi, une séance plénière, durant laquelle il a été décidé de reconsidérer les relations avec leur homologue européen. Quels sont les tenants et aboutissants d'une telle décision ? Jeudi dernier, une trentaine d'eurodéputés appartenant aux groupes « Renew Europe », « Les Verts » et « The Left », ont réussi à faire passer au Parlement Européen (PE) une Résolution qui fustige la situation des droits de l'Homme au Maroc. Cet acte d'ingérence, qui concerne des affaires relevant de la compétence de la justice pénale et du droit commun, ne prend pas en compte les intérêts communs des vingt-sept, mettant en péril les processus de dialogue constructif entre les membres de l'UE et le Royaume. Car oui, le vote du très polémique texte a suscité l'ire du Maroc, où plusieurs organes officiels ont dénoncé ce vote qu'ils qualifient de «tentative d'intimidation provenant de milieux hostiles». Dernière réaction en date est celle des Chambres du Parlement marocain, qui se sont réunies, lundi, pour mettre sous la loupe le vote des eurodéputés.
Après un long débat houleux, le Parlement marocain a décidé à l'unanimité de « revoir » ses relations avec son homologue européen, en les soumettant à une réévaluation globale, en perspective de prendre des décisions fermes et appropriées.
Députés et conseillers ont condamné toutes sortes d'attaques injustifiées et intolérables qui ciblent le Royaume, dont le dernier avatar en date a été la résolution du PE, dont la réputation a été traînée dans la boue ces dernières années, car faute d'incarner un pouvoir législatif réel au sein de l'Union Européenne, il s'arroge le droit de prendre position sur des affaires qui ne relèvent nullement de ses compétences.
Un constat corroboré par la déclaration finale des deux Chambres, où il est inscrit noir sur blanc que «la décision européenne représente indubitablement un outrepassement inadmissible de ses missions et attributions, et une attaque inacceptable contre la souveraineté, la dignité et l'indépendance des institutions judiciaires du Royaume». Ceci dit, l'organe législatif se dit très « étonné » de cette Résolution émanant d'une institution censée vérifier la véracité des faits et veiller à la protection des droits et de l'intégrité des législations, dans le plein respect de la souveraineté des Etats partenaires.
Les organes marocains dans leur droit
«Le Parlement marocain ne pouvait rester silencieux après cette Résolution, qui constitue une grave ingérence dans les affaires internes de notre pays, et une mise en cause de la justice marocaine qui est indépendante », nous indique Jawad Kerdoudi, président de l'Institut Marocain des Relations Internationales (IMRI), notant que cette Résolution risque de ternir l'image du Maroc qui a engagé de grandes réformes durant ces vingt dernières années pour promouvoir son image à l'international. En dénonçant le vote du PE, le Parlement marocain montre son mécontentement quant à une décision qui l'a pris de court, sachant que les affaires abordées dans la Résolution n'ont pas été discutées au préalable au sein de la Commission parlementaire mixte Maroc/Union européenne.
La réaction du parlement est ainsi une application concrète du principe du parallélisme des formes et des compétences. La prochaine étape serait donc de transmettre le procès-verbal à la présidence du parlement européen et attendre la réaction du parlement européen, mais également des institutions européennes.
Aucune modification des accords avec l'UE ...
S'agissant des perspectives, l'expert souligne qu'il ne faut surtout pas surestimer la Résolution du Parlement européen sur les relations bilatérales du Maroc avec l'Union Européenne. Le PE est un organe législatif dont les relations ne sont pas contraignantes. Les relations du Maroc sont bonnes avec la Commission Européenne qui est l'organe exécutif de l'Union Européenne. Preuve en est : la visite récente de Josep Borrel, Chef de la diplomatie européenne, au Maroc, faisant mention du « Partenariat bilatéral d'exception » entre le Maroc et l'UE, soulignant que celle-ci est ciblée par des tentatives de harcèlement juridique et médiatique.
Les accords scellés entre le Maroc avec les pays membres de l'Union Européenne ne subiront aucune modification, souligne le directeur de l'IMRI. Ce sont des accords bilatéraux qui n'ont rien à voir avec l'Accord d'Association avec l'Union Européenne, explique-t-il.
Malak ELALAMI
3 questions à Allal Amraoui
« Ces attaques sont l'œuvre de minorités agissantes »
Député istiqlalien à la Chambre des Représentants, Allal Amraoui répond à nos questions sur les réactions marocaines à la Résolution du Parlement européen.
En tant que député marocain, comment avez-vous réagi au contenu de la fameuse Résolution ?
Il s'agit, à mes yeux, d'allégations tendancieuses qui témoignent d'une méconnaissance inexcusable de la réalité politique du Maroc de la part des initiateurs de la Résolution. Je rappelle qu'ils évoquent des sujets en cours d'instruction judiciaire. Il s'agit également d'une mise en cause de la Justice marocaine, dont l'indépendance est garantie par la séparation des pouvoirs prônée par la Constitution de 2011. A cela s'ajoute l'engagement indéfectible à la démocratie et aux droits de l'Homme qui sont en constante évolution. Il est clair que certains eurodéputés ont leurs propres agendas. Comme ils s'en prennent régulièrement et répétitivement au Maroc, cela devient problématique et nous devons nous poser des questions puisqu'il est clair que cela cache des tentatives de manipulation. En multipliant les attaques contre le Royaume, ils se décrédibilisent eux-mêmes, car ce genre de méthodes est étranger à la pratique parlementaire et à l'éthique diplomatique. En somme, le Maroc demeure l'un des principaux partenaires de l'UE dans la région et constitue le modèle de réussite du voisinage Sud de l'Europe.
Les deux Chambres du Parlement marocain ont fermement réagi à l'initiative européenne, quelle est la valeur concrète d'une telle réaction ?
Les attaques répétitives érodent la confiance qui est le socle de tout partenariat fructueux. La réaction du Parlement marocain est d'autant plus légitime que le Maroc est en droit de réévaluer ses relations avec le Parlement européen avant de prendre toute autre décision.
Cette initiative européenne aura-t-elle un impact sur la coopération parlementaire ?
Il faut noter que le Parlement européen ne reflète pas exactement la carte politique en Europe. On voit bien que ces attaques sont l'œuvre de minorités agissantes. Il ne faut pas mettre tous les députés européens dans le même sac. Le Parlement marocain a fait part de sa réaction ferme. Le dialogue devrait en principe continuer entre députés des deux côtés puisqu'il y a beaucoup de parlementaires européens qui reconnaissent les avancées réalisées par le Maroc et son rôle de partenaire stratégique. Au-delà du Parlement européen, le dialogue parlementaire se fait également au niveau de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui réunit des députés et des sénateurs des deux côtés.
Propos recueillis par M. A.
L'info...Graphie Atteinte à la Justice : Une tentative d'ingérence décriée
Les attaques contre le Maroc ne font pas entièrement l'unanimité au Parlement européen. Bien que votée par une majorité large, la résolution sur "la situation des journalistes au Maroc", a été sévèrement critiquée par des députés qui s'y sont opposés. C'est le cas du député français du Rassemblement national, Thierry Mariani, qui a fustigé cette initiative législative, tout en critiquant les contradictions des eurodéputés qui l'ont votée. Concernant le cas Omar Radi sur lequel la résolution s'est appuyée pour critiquer le Maroc. Thierry Mariani voit dans cela une tentative d'ingérence dans les affaires internes du Royaume et une offense à la Justice marocaine et à son indépendance. Dans son intervention, il a clairement dénoncé cette tentative d'intrusion dans une affaire judiciaire d'un pays souverain. « Qu'y a -t-il dans cette résolution ? L'affirmation que M. Radi ne serait pas un violeur. Comme chacun d'entre vous, je n'en sais rien », a-t-il affirmé, ajoutant que « si M. Radi est victime d'un complot, c'est à ses avocats et au peuple marocain de le démontrer et ce n'est pas au Parlement européen de s'essuyer les pieds sur la justice marocaine ».
Résolution européenne : « Le Parlement européen a choisi la mauvaise piste »
Dans une déclaration, le politologue tunisien Mohamed Nejib Ouerghi a dénoncé fermement la Résolution du 19 janvier, hostile au Maroc. Selon lui, l'institution législative européenne a privilégié « la voie de nuire au Maroc, à son image, à ses institutions, foulant du pied les normes reconnues internationalement au profit d'allégations fallacieuses et de faux fuyants ». Il a déploré par ailleurs le mauvais chemin de « l'ingérence et de l'immixtion » choisi par le Parlement européen, qui ne constitue qu'un « outrepassement de son champ d'action », précise-t-il. Le spécialiste dans les relations maghrébines et euro-méditerranéennes a considéré que ladite Résolution s'inscrit dans une « contradiction flagrante avec les normes internationales, en l'occurrence les principes onusiens relatifs à l'indépendance de la justice ». Le spécialiste s'est dit « étonné » d'une décision qui « ne pourrait être comprise que sous l'angle d'une immixtion injustifiée dans le système judiciaire d'un pays souverain, d'une violation dont il est difficile de lui trouver un fondement crédible ». La seule justification réelle d'une telle décision « sans fondement » est la volonté de certaines parties de nuire à « un pays souverain et un pouvoir judiciaire indépendant qui a tout le temps fait le distinguo entre libertés publiques et atteintes aux droits humains », a-t-il poursuivi.