Fruit d'un partenariat avec le groupe également français « Safran », la nouvelle usine de pièces aéronautiques « Figeac Aéro » à Nouaceur sera opérationnelle dès 2024. Une plateforme de dernière génération. Reportage. À quelques kilomètres de Casablanca, dans la zone du Technopôle de l'Aéroport Mohammed V, les responsables et les ouvriers de « Figeac Aéro » s'impatientent de voir commencer la cérémonie de lancement des travaux de la nouvelle extension de son usine de fabrication des pièces aéronautiques. Le chantier qui se trouve à quelques mètres est prêt à commencer, l'équipe de construction est en place. À l'intérieur, où le tapis rouge est déroulé pour les invités, une grande partie de l'atelier est transformée en salle d'exposition où se déroulera la cérémonie de lancement des travaux de construction de la nouvelle usine. L'ambiance est conviviale.
Vers 16h30, le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, arrive avec ses équipes. Avec son aplomb habituel et son sens de l'humour, il se met à saluer tout le monde, y compris les journalistes en place, avant de prendre place aux côtés du Président Directeur Général du groupe Figeac Aéro, Jean-Claude Maillard, et de celui de Safran Nacelles, Vincent Caro. Les deux groupes français ont mis main dans la main pour installer la nouvelle usine, spécialisée dans l'usinage 5 axes de pièces de grandes dimensions, et l'assemblage des pièces complexes de précision.
Après les allocutions d'accueil, le ministre et ses « amis » se sont rendus au chantier pour lancer officiellement les travaux. Ryad Mezzour n'a pas caché sa joie, comme à chaque fois qu'il donne le coup d'envoi d'un projet industriel. Une activité qui lui est très chère. Il s'est réjoui de cette nouvelle extension qui, selon lui, « donne naissance à un projet stratégique grâce auquel la plateforme aéronautique marocaine développera une nouvelle expertise, existant dans seulement 10 sites à travers le monde, avec une production 100% intégrée au Maroc ».
« Ce projet pionnier s'inscrit dans la dynamique soutenue que connaît le secteur aéronautique marocain, sous le Leadership Royal, et dont l'attractivité et la compétitivité au niveau mondial ne sont plus à attester », a-t-il déclaré à cette occasion, rappelant que ce projet créera 55 emplois. Le ministre est d'autant plus satisfait que cette nouvelle plateforme renforce l'industrie aéronautique nationale qui n'a eu de cesse de se développer au fil des années précédentes au point qu'on parle d'un taux d'intégration de 43%. Un des meilleurs taux à l'échelle mondiale, selon lui.
Au cœur de la vaste zone industrielle de Nouaceur, la nouvelle usine sera bâtie sur une superficie de 8000 m2, dont 3500 m2 seront réservés à l'atelier et 4000 m2 sont gardés à titre de réserve foncière auprès de l'Office national des aéroports.
Une usine intelligente !
En réalisant ce partenariat, Figeac et Safran visent à renforcer l'écosystème aéronautique marocain à travers l'intégration des technologies et d'un savoir-faire de pointe. Il ne s'agit pas uniquement d'une simple extension de la filiale de Figeac au Maroc « Casablanca Aéronautique ». Ce projet va abriter les dernières technologies de fabrication des pièces aéronautiques. « Ces technologies sont très rares dans le monde, il n'y a que cinq entreprises capables de faire tourner ces machines », explique le patron de Safran Nacelles, Vincent Caro, dans une déclaration à la presse, ajoutant que ces nouvelles technologies de fabrication vont permettre de produire des pièces « difficiles à réaliser », selon son expression. « C'est une première pour le Maroc », a-t-il poursuivi.
En fait, l'usine fonctionnera selon les standards du « leanmanufacturing », avec des technologies 4.0 qui permettront de minimiser les déchets, tout en maximisant la productivité. Pour être bref, on peut dire qu'il s'agit d'une usine « intelligente ». L'usage de ces technologies permet d'optimiser celui des machines, dont les fameuses « Makino », des machines de dernière génération. Outre cela, la nouvelle usine sera conçue selon des standards écologiques dans la mesure où elle sera couverte de panneaux photovoltaïques sur la toiture avec un dispositif de valorisation des déchets. L'objectif est de réduire l'empreinte carbone.
Les pièces ne quitteront pas le Maroc
Depuis des années qu'elle est installée au Maroc, Figeac produisait des pièces et des sous-ensembles d'un niveau technique « modeste », selon l'expression de Jean Claude Maillard, PDG de Figeac, qui précise que la nouvelle usine va désormais produire des pièces métalliques de haute technicité. C'est-à-dire les pièces les plus compliquées et les composantes les plus fines de l'avion. Les pièces en question seront fabriquées par des machines de très haute précision de sorte à mieux maîtriser les déformations à l'usinage.
Selon le Chef du projet, interrogé par « L'Opinion », cette expertise promise est tellement rare que seuls quelques groupes en disposent à travers le monde. Il s'agit de « Spirit Aerosystems » en Amérique du Nord et SAM Singapore en Asie. Figeac Aéro est ainsi l'un de ces seuls fabricants qui ont la possession d'une technologie pareille. Le groupe français, rappelons-le, fait désormais partie du cercle restreint des sous-traitants du géant. Une vingtaine, selon les estimations.
Financement : l'empreinte marocaine
Si les deux groupes français ont fait cet investissement, c'est pour une raison bien claire. À entendre le discours de Jean-Claude Maillard lors de la cérémonie, on s'aperçoit que Figeac a trouvé au Maroc la matière grise et la main d'œuvre bon marché et qualifiée à utiliser les dernières technologies d'usinage. De quoi procurer une bonne marge de compétitivité par rapport aux concurrents. Lorsqu'il s'est confié à la presse, le PDG s'est montré optimiste quant à la rentabilité de ce projet, en pariant sur un chiffre d'affaires de 4 millions d'euros grâce à un investissement de 132 millions de dirhams, soit 14,5 millions d'euros.
En détails, le bâtiment coûtera 3,5 millions euros tandis que les machines importées et l'outillage coûteront respectivement 8,5 millions euros et 1 million euros. A cela s'ajoutent les « coûts associés », relatifs au pilotage du projet et les formations. Pour tout cela, « Figeac Aéro » a alloué une enveloppe de 1,5 million euros. Bien que ce projet soit français, le Maroc contribue au financement. « La plus grande partie du financement appartient à Safran et Figeac, le Maroc a contribué à hauteur de 15% du montant global », nous a précisé en aparté un cadre de Safran, chargé des questions financières. En réalité, du côté marocain, le financement est accordé par Attijari Wafabank.
On peut dire que tout a été facilité pour encourager les groupes français à étendre cette usine. En plus d'avoir mobilisé le foncier, les autorités marocaines ont livré le permis de conduire en un mois seulement.
La production en série dès 2024
La nouvelle usine va servir à approvisionner le circuit local. C'est-à-dire que les pièces qui y seront produites seront livrées à une autre usine de Safran Nancelles qui se trouve aussi à Nouaceur. Ceci dit, le groupe Figeac Aéro, à travers ses filiales marocaines, deviendra un fournisseur principal de Safran Nacelles et des principaux donneurs d'ordre. En procédant ainsi, les deux groupes veulent développer leur réseau au Maroc en faisant évoluer ensemble leur schéma industriel afin d'accroître leur compétitivité. L'objectif est de faire face au défi des montées en cadence attendues sur l'ensemble de la Supply Chain pour les années à venir.
Il est prévu que l'usine soit opérationnelle d'ici 2024. Les travaux de construction, lancés ce lundi, devraient prendre fin en juillet, date prévue de l'inauguration de l'usine et du début des premiers essais. En décembre 2023, les premières pièces devraient être validées dans l'attente du commencement de la production en série, prévu pour l'été 2024. Anass MACHLOUKH L'info...Graphie