Lors de la cinquième grève des pilotes, un commandant de bord qui a fait atterrir son avion à Agadir en provenance de Casablanca pour embarquer les pèlerins d'Al Omra à destination de Médine, décide d'arrêter de travailler pour cause de participation à la grave et abandonne plus de 200 pèlerins à l'aéroport Agadir Al Massira. Prétexte, l'heure du décollage coïncide avec l'heure du déclenchement de la grève décidée par l'Association des pilotes. Evidemment il s'agit d'un pilote marocain et musulman. Les 200 passagers munis de leurs cartes d'embarquement rendus malheureux à cause de l'annulation du vol, étaient venus des provinces environnantes d'Agadir, Taroudant, Tiznit, Guelmimn, etc… Il s'agit pour la grande majorité d'entre eux de personnes âgées, qui prenaient un avion pour la première fois et pour lesquels Al Omra revêt un caractère hyper religieux et sacré en ce mois de ramadan. Comment ose-t-on, au nom d'une grève de solidarité, les empêcher d'aller à la Mecque, s'exclament-ils furieux. Inutile de préciser que les accompagnateurs de ces pèlerins étaient plus furieux encore de cette annulation et de ce report qui a duré 24 heures. Précisons que comprendre ne veut pas dire forcement excuser. A toutes ces personnes pèlerins et familles à qui on a expliqué la cause de l'annulation, ils avaient compris la légitimité de la grève, étant donné que les pilotes sont assez responsables et consciencieux, majeurs et bien vaccinés, pour faire ce qu'ils font. Mais ils ne l'excusent pas, du fait de la non prise en considération des impératifs d'un tel voyage particulier qui sort de la ligne des autres du fait de son caractère religieux bien spécial, avec des passagers bien particuliers aussi. Ceci dit, ce qui vaut pour les pilotes vaut également pour la compagnie nationale RAM. On peut comprendre, plus ou moins, le bras de fer avec les pilotes, la première fois, mais pas du tout la deuxième, troisième, quatrième et une cinquième et tout dernièrement une sixième fois. Dès la troisième fois, l'attitude de la RAM n'est pas plus compréhensible ni excusable non plus. Les coûts financiers, les dérangements humains, les complications de la gestion au sol, le mécontentement généralisé des passages, étaient plus que des dommages collatéraux mais sont devenus des problèmes difficilement gérables et des désagréments difficilement supportables. L'AMPL avait décidé de reprendre la grève, pour la sixième fois, pour protester contre la décision de la direction de la RAM concernant des sanctions matérielles individuelles et collectives contre les pilotes grévistes. Bref, un bras de fer de mauvais augure qui allait enfoncer la RAM et ses pilotes dans une impasse qui n'allait que compliquer davantage la situation pour les passagers et alourdir la facture de la compagnie, si ce n'était l'intervention d'urgence du ministre du transport, vendredi dernier, pour rapprocher les points de vue et amorcer un dialogue concluant. La grève dans le domaine du travail, c'est comme la douleur dans le corps humain, elle annonce que quelque chose ne va pas. C'est en fait un signal d'alarme. S'entêter à ignorer ce signal d'alarme c'est plonger le corps dans un jeu dangereux. Les pilotes avaient choisi la période contenant les plus d'ingrédients de complication possibles (Omara, retour des RME, grandes vacances d'été, crise financière, transport international en grande difficulté…) pour arriver à leurs fins revendicatives et acculer les responsables de la compagnie nationale à se mettre sérieusement à table. La direction de la RAM a perpétué son entêtement et a favorisé le prolongement et la répétition de la grève. A quels coûts ? Non seulement coûts financiers qui sont énormes pour la compagnie donc pour le pays ( c'est compagnie nationale et sa fierté aérienne), mais également la généralisation d'une mauvaise image, chez les citoyens, relative à l'attitude des pilotes avec les six grèves (espérons que c'est fini pour de bon) mais également relative à une direction qui n'a pas su avantager un dialogue positif pour faire cesser la grève dont elle connaissait bien les conséquences. Cette impasse de dialogue est inqualifiable d'autant plus qu'il s'agit d'une compagnie nationale qui doit être plus soucieuse et plus rigoureuse de sa gestion et principalement celle de ses ressources humaines. Jamais une compagnie privée n'aurait osé supporter de telles pertes financières… Il fallait vivre le traitement et les complications vécus par les clients aux escales, principalement au hub de Casablanca, où le flux était le plus important, mais également dans les autres aéroports du pays, pour mesurer à sa juste mesure les effets désastreux sur les passagers et de leurs familles qu'ils soient marocains ou étrangers. Bref, si cela devait se reproduire, il faudra user de considération pour les clients, dans de telles périodes de pointe. Considération que la RAM doit avoir envers ses pilotes qui sont tout de même l'armature principale des vols. Mais également envers ses autres employés au sol, qui ont passé de très mauvais moments à gérer l'ingérable lors de ces grèves. Avec des grèves répétitives, on a vu s'instaurer un climat de méfiance, voire d'hostilité à l'égard des pilotes par les voyageurs comme par le personnel au sol. En fin de compte, de cette épreuve, ni les pilotes, ni la direction de la compagnie nationale ne sortent gagnants, mais biens perdants à plusieurs égards avec en tête cette perte de confiance de la part des citoyens en général et des clients en particulier. C'est ça qui reste après tout. Comprendre le conflit, peut-être, mais l'excuser devient un effort difficile. Une fois encore, l'adage «mieux vaut prévenir que guérir» appuyé par l'autre adage «un homme averti en vaut deux», devraient désormais inspirer la direction de la compagnie nationale et les pilotes de ligne pour éviter à tous des complications dont personne n'a besoin et qui ont touché la renommée de la compagnie, celle de ses pilotes et celle du produit touristique. Alors que chacun de son côté fasse en sorte pour faire oublier cet épisode peu réluisant de l'Histoire de la compagnie.