Les cadres dirigeants semblent avoir repris goût au changement. Aujourd'hui, un dirigeant reste en moyenne quatre ans et demi au même poste et un dirigeant sur deux veut changer d'entreprise, fait savoir une étude récente du Cabinet de recrutement IBB Executive Search sur la mobilité des cadres dirigeants. Depuis un certain temps, la mobilité des cadres dirigeants fait débat. Dans un contexte difficile marqué par des crises successives et toutes les mutations qui en découlent par rapport au marché du travail, les cadres dirigeants n'ont d'autre choix que d'agir en conséquence. En effet, un dirigeant reste en moyenne 4 ans et demi au même poste d'après une récente étude sur la mobilité des cadres dirigeants réalisée par le Cabinet de recrutement IBB Search IBB Executive auprès de plus de 500 cadres dirigeants marocains âgés de plus de 35 ans et occupant des fonctions de présidents, directeurs généraux et directeurs de fonctions opérationnelles dans des entreprises marocaines et multinationales, privées et publiques de tous secteurs d'activité. Il s'agit là d'une version actualisée de l'étude publiée en 2016, l'objectif étant de comprendre la dynamique de ces figures de proue. D'ailleurs, l'étude souligne que, suite à la crise de Covid-19 la mobilité a atteint un score important jamais atteint en 2021. En effet, sur 100 recrutements, 74 sont réalisés en externe contre 26 en interne. Un constat expliqué par l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, les opérations de fusions-acquisitions et de grandes transformations sectorielles notamment la montée de nouveaux secteurs tels que l'aéronautique, l'automobile et autres. Les résultats de l'étude témoignent aussi que les cadres dirigeants privilégient de plus en plus d'acquérir de nouvelles expériences dans de nouveaux secteurs. Pour sa part, l'entreprise cherche à acquérir de nouvelles compétences afin de renforcer sa direction (DG, DRH, DAF...) avec de figures expérimentées sans pour autant négliger les nouvelles expertises notamment dans le domaine du e-commerce, recherche et développement et autres. S'ajoute à cela la nécessité de s'adapter aux changements induits par la crise de la Covid-19, notamment le lancement à nouveau dans d'autres secteurs dont le e-commerce. Industrie des énergies : la mobilité trouve place Les résultats de l'étude font état d'un taux de mobilité élevé dans les secteurs de l'énergie (23%) et de l'industrie (22%) où des mégaprojets renforcent leur attrait (énergies propres, écosystème automobile, etc.) Le secteur des biens de consommation arrive en 3ème rang avec un taux de mobilité important (22%) car il reste une source de recrutement pour les autres secteurs qui cherchent à acquérir le savoir-faire de ses dirigeants. Ceci témoigne d'une part de la dynamique de carrière des dirigeants mais aussi de la volonté des entreprises de favoriser des profils polyvalents et multisectoriels. En revanche, le secteur du tourisme affiche un taux de mobilité faible, dû principalement à la crise sanitaire qui a mis le secteur à l'arrêt. En effet, seuls 10% des dirigeants du secteur ont fait une mobilité externe et/ou interne depuis 2000. S'agissant du taux de mobilité dans le secteur des technologies, il a relativement chuté, passant de 31% en 2015 à 19% seulement. Une réalité qui s'explique, selon l'étude, par la stabilité qui règne dans le secteur surtout qu'aucun acteur n'y est entré depuis 7 ans. D'autre part, les PDG, DGA et SG sont les dirigeants les plus mobiles, fait savoir l'étude qui témoigne de la tendance des entreprises de renouveler leurs directions générales pour pérenniser leurs activités et ajuster leurs stratégies. La Direction commerciale arrive, quant à elle, en deuxième rang parmi les fonctions les plus mobiles dans le marché. D'ailleurs, l'étude indique que malgré la crise de Covid-19 qui a impacté le commerce, le secteur a pu reprendre à nouveau avec l'adaptation à de nouvelles techniques de vente et l'ouverture sur de nouveaux marchés. Si les directeurs Production arrivent en dernière place, l'étude démontre que le lancement de nouveaux chantiers à forte valeur ajoutée (écosystème biotech, unité de production de vaccins...) et la promotion d'une production «Made in Morocco» sur un certain nombre de biens importés, renouvellent l'attrait de cette fonction. Sur les 20 dernières années, la mobilité a été plus forte dans les multinationales (31% en moyenne) que dans les entreprises marocaines (26% en moyenne), ceci dit que les entreprises marocaines offrent plus de stabilité. Un dirigeant sur deux exprime la volonté de changer d'entreprise Malgré le contexte actuel marqué par les crises successives, les cadres dirigeants au Maroc ont toujours goût au changement. En effet, d'après les résultats de la même étude, 50% des dirigeants sondés ont exprimé leur volonté de changer de poste et d'entreprise dans les 2 à 3 prochaines années et ce, pour plusieurs raisons à savoir la volonté de faire évoluer la carrière (57%), chercher une meilleure rémunération (45%), découvrir un nouveau secteur/ environnement (44%) ou intégrer une entreprise ayant une gouvernance et/ou un mode de management plus solide (43%). De leur côté, les recruteurs affichent un intérêt particulier pour les cadres dirigeants. L'étude fait ressortir que près de 80% des dirigeants ont été approchés pour des mobilités externes à raison de 4,3 fois au cours des 3 dernières années. Or, le taux de recrutement reste faible puisque neuf dirigeants sur dix approchés ne sont finalement pas recrutés. Les dirigeants sont effectivement de plus en plus exigeants quant à la qualité des opportunités proposées, et les entreprises sont également plus sélectives. Les dirigeants de multinationales sont légèrement plus difficiles à recruter que les dirigeants d'entreprises marocaines. Il leur est demandé principalement la capacité de conduire les transformations, le leadership et l'influence auprès de leur équipes.
Mina ELKHODARI L'info...Graphie Mobilité Les entreprises marocaines font exception
Durant les 20 dernières années, les multinationales (31% en moyenne) ont affiché un taux de mobilité important par rapport aux entreprises marocaines (26% en moyenne) pour la simple raison que ces dernières offrent plus de stabilité pour leurs employés. Il en est tout autrement de la mobilité au sein des multinationales qui est plus erratique avec des cycles de plus au moins 5 ans qui s'enchaînent (réorganisation, changement de DG, etc.) Les multinationales ont davantage recours à la mobilité interne (58%) qu'à la mobilité externe (42%), alors que les entreprises marocaines recourent autant à la mobilité externe qu'à la mobilité interne (respectivement 49% et 51%), fait savoir l'étude sur la mobilité des cadres dirigeants réalisée par l'IBB Search Executive. En effet, « certains groupes internationaux favorisent encore l'affectation de profils «de la maison » pour les postes stratégiques », note-t-on tout en soulignant que « de plus en plus de multinationales cherchent à recruter en externe les dirigeants de leurs filiales marocaines ».
Dynamique du marché de l'emploi Les dirigeants sont globalement optimistes
La crise de la Covid-19 a chamboulé l'économie mondiale, entrainant, selon l'ONU, un effet « dévastateur » sur le marché du travail et une perturbation des perspectives d'emploi dans les quatre coins du monde. En effet, les résultats de l'étude réalisée par IBB Search Executive sur la mobilité des cadres dirigeants, montrent que c'est dans le secteur des biens de consommation et de l'industrie que les dirigeants appréhendent le plus d'impact négatif (respectivement 57% et 55% d'impact fort ou modéré). « En sus des retombées post-Covid, l'inflation, les enjeux logistiques et l'indisponibilité de certaines matières premières touchent particulièrement ces deux secteurs », souligne l'étude. Par ailleurs, les dirigeants sont globalement optimistes sur la dynamique du marché dans les années à venir. En fait, 7 dirigeants sur 10 estiment que la pandémie n'aura pas ou peu d'impact sur les opportunités de mobilité à venir (72%). L'analyse par fonction montre aussi que les Directeurs Transformation et SI qui sont les plus optimistes sur leurs opportunités de mobilité futures (respectivement 83% et 55% n'envisagent aucun impact). En revanche, les Directeurs Production sont plus pessimistes (33% envisagent un fort impact).
3 questions à Abdelaziz Bennis « La rareté des compétences pousse les entreprises à recruter dans d'autres secteurs»
Abdelaziz Bennis, directeur général du Cabinet de recrutement IBB Executive Search a répondu à nos questions sur la mobilité des cadres dirigeants au Maroc. -Aujourd'hui, sur 100 recrutements, 74 sont réalisés en externe contre 26 en interne, à quel point les cadres dirigeants du Maroc sont-ils ouverts aux nouveaux secteurs d'emploi? La mobilité est-elle un choix ou une contrainte pour les cadres dirigeants au Maroc? -En raison de la rareté des compétences, les entreprises cherchent à recruter dans d'autres secteurs que le leur. Elles cherchent ainsi des compétences qui viennent de secteurs différents pour acquérir de nouvelles expertises. De leur côté, les cadres dirigeants cherchent à changer de secteur, faute d'opportunités dans le leur, ou bien pour diversifier leurs parcours. Ils sont attirés par des entreprises qui proposent des projets d'entreprise auxquels ils peuvent contribuer de manière spécifique. La mobilité est un choix car le marché joue en faveur des candidats, du fait de leur rareté. Pour dire les choses autrement, le pouvoir de négociation est chez les candidats et non les entreprises. -La mobilité se maintiendra quelle que soit la conjoncture économique, les cadres dirigeants sont-ils plus résistants aux crises que les autres catégories d'employés ? - Les cadres dirigeants ne sont pas forcément plus résistants aux crises que les autres catégories. Ils sont nécessaires pour diriger les entreprises. Pour penser et exécuter des stratégies. D'autant plus que nous avons vécu une période de crise sanitaire qui a menacé en certains cas la pérennité des entreprises. Parfois, elle a poussé à des transformations profondes des business-modèles. Il était donc normal qu'on se tourne d'abord vers des cadres dirigeants en matière de recrutement pour pouvoir piloter toutes ces transformations et mettre en place les nouvelles stratégies et nouveaux modèles. -Quels facteurs sont derrière la chute de la mobilité dans le secteur des technologies? -Entre 2000 et 2010 on a vécu l'arrivée de deux opérateurs téléphoniques avec tous les écosystèmes qui vont avec. C'est un phénomène qui a largement dynamisé la mobilité au sein de ce secteur et au sein de l'économie en général. Mais depuis, la mobilité a chuté parce qu'il n'y avait pas de nouveaux opérateurs dans le secteur.