Nous ne le répéterons jamais assez, le Maroc vit un tournant historique en cette année préélectorale qui coïncide avec la mise en œuvre de grands chantiers structurants. L'objectif de la stratégie nationale de développement économique, engagée par le Maroc, est bien évidemment la création de richesse et de croissance pour le pays mais aussi et surtout d'emploi. Ce qui nous amène à nous poser la question sur le comportement du marché de l'emploi au premier trimestre 2011 mais aussi sur les perspectives de son évolution à la lumière des avancées réalisées et des projets en cours. À ce titre, les indicateurs fournis régulièrement par le HCP (Haut commissariat au plan) sont significatifs et permettent de dégager des tendances. Le marché de l'emploi a effectivement enregistré une augmentation de 50% au terme des trois premiers mois de l'année, comparé à la même période de 2010. La crise économique qui a frappé l'Europe et les Etats-Unis et dont l'effet a été ressenti aux quatre coins du monde n'a finalement eu qu'un impact minime sur la perte d'emploi. On peut donc se réjouir d'avoir préservé l'essentiel, bien que l'onde de choc ait été ressentie sur des secteurs particulièrement exposés à la demande des donneurs d'ordre mondiaux, avec notamment le textile, ou à la conjoncture internationale tels que la pêche. Mais l'après-crise s'annonce plutôt bien, si l'on en croit la tendance actuelle. Quels sont donc les secteurs qui recrutent au Maroc. Pourquoi le font-ils et à quel rythme ? À première vue, la part du lion revient aux secteurs dits classiques dans ce genre d'exercice. Il s'agit bien évidemment du BTP et des services. À eux seuls, ils accaparent près de 80% des nouveaux emplois créés. Mais il y a lieu de préciser que 67% des postes qu'ils créent demandent une faible qualification. Par contre, là où cela devient intéressant, c'est quand on regarde de plus près les indicateurs et qu'on constate que les banques, la grande distribution, l'industrie automobile, l'offshoring, les nouvelles technologies ou encore le tourisme réalisent des avancées considérables et ont un appétit plus grand en termes de recrutement. Cette performance est encouragée par la volonté politique affichée par les différents départements concernés et la réaction positive des investisseurs étrangers qui n'ont pas hésité à déclarer leur intention d'investissement, notamment dans ces différents secteurs dits nouveaux métiers du Maroc. Selon une étude de Rekrute.com, ces secteurs assurent plus de 70% des postes d'emploi des cadres et des qualifications intermédiaires. Une tendance confirmée par Abdelaziz Bennis, directeur général de IBB management, un cabinet spécialisé en recrutement de cadres à haut potentiel. «Le marché de l'emploi des cadres et des qualifications intermédiaires a repris son dynamisme depuis le 3e trimestre 2010. Actuellement, nous assistons à un certain nombre de besoins en matière de moyen management», déclare-t-il. Et de préciser que «ce dynamisme est le résultat logique de la reprise de l'activité économique». C'est donc l'effet de l'après-crise et des mesures prises par le gouvernement pour la relance des secteurs qui avaient été touchés de plein fouet par la conjoncture mais aussi du lancement de nouveaux secteurs prometteurs. Cependant, le principal problème auquel sont confrontés les chefs d'entreprise dans ces secteurs est celui de l'adaptation de la formation aux besoins pointus des différentes filières. C'est le cas notamment pour le déficit en ingénieurs spécialisés dans le BTP, les formations spécialisées pour l'industrie automobile ou agro-industrielle. Cela suppose que les investisseurs sont souvent obligés d'intégrer le coût de la formation au coût global des projets d'investissement. Certains opérateurs ont même opté pour la création d'instituts spécialisés pour la formation de leurs futurs cadres. «Certaines grandes entreprises marocaines, tous secteurs confondus, sont en phase de restructuration et de mise à niveau de leur organisation. Cette situation fait appel au renouvellement des équipes ou à la préparation de la relève, dans le cas des entreprises familiales», avance le directeur général de IBB management. Ce qui soulève un autre fait marquant dans le marché de l'emploi, à savoir la mutation que connaît l'entreprise marocaine et l'entreprise familiale en particulier qui se fixe de nouveaux défis en termes de développement, concurrence nationale et internationale oblige. Ce qui accentue la demande sur des profils de commerciaux pour développer la prospection et la force de vente, de personnel encadrant pour assurer la relève... Perspectives prometteuses À la lumière de ces évolutions prometteuses, comment se comportera le marché de l'emploi durant les prochains mois, voire les prochaines années ? Nous avons posé la question aux spécialistes qui n'ont pas caché leur optimisme, notamment pour les secteurs du tourisme, du BTP, des énergies renouvelables et la recherche & développement. «Le secteur de l'infrastructure représente un fort potentiel de recrutement, notamment pour les profils d'ingénieurs techniques, ainsi que pour la force commerciale», explique Halima Benasser, manager à Manpower. Quant à l'industrie, la sortie de crise semble se confirmer. «Les unités de production industrielles doivent recruter pour renforcer leur production», soutient Abdelaziz Bennis. L'offshoring, lui, reste le premier créateur d'emplois sur le marché des cadres. En effet, «les opérations d'inauguration de nouveaux sites encouragent l'arrivée d'investisseurs étrangers. Ces implantations ont un impact direct sur la création d'emploi, surtout que dès qu'ils s'implantent, tous leurs fournisseurs et sous-traitants les suivent», explique Halima Benasser. Observateurs et opérateurs économiques s'accordent à dire que l'effet de l'investissement étranger ne tardera pas à porter ses fruits en termes de création d'emploi. Ce qui devrait apporter de la couleur au marché. Mieux, certains IDE arrivent même à se distinguer en donnant l'exemple et en apportant leur savoir-faire. C'est le cas notamment pour le japonais Sumitomo qui a été distingué à l'issue des Assises nationales de l'industrie. Le groupe a été déclaré premier employeur au Maroc. Avec ses cinq unités de câblage, Sumitomo emploie 15.000 personnes et compte en recruter 5.000 autres dans le cadre de son plan de développement pour les années à venir. Il est donc aisé de dire que le marché de l'emploi amorce une embellie à l'horizon 2012-2015 avant d'atteindre une vitesse de croisière digne des grands pays émergents. Certes, il sera difficile de détrôner les champions du recrutement, en l'occurrence le BTP, mais nous l'aurons compris, c'est une nouvelle demande qui se profile avec des exigences assez pointues en termes de formation et d'accompagnement. Mais la course est lancée et les nouveaux recruteurs ont l'étoffe de grands challengers pour le bonheur de nos jeunes diplômés chômeurs, charge pour eux de savoir s'adapter à la demande et choisir les filières qui correspondent aux secteurs demandeurs. C'est d'ailleurs sur cela que Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan, a insisté lors d'une récente sortie médiatique. «Lorsqu'un étudiant intègre une filière et se rend compte en cours de route qu'elle n'est pas adéquate avec ses ambitions ou qu'elle ne présente pas assez de débouchés, il doit avoir la possibilité de réorienter sa formation». Et d'ajouter: «Il faudrait que le système d'éducation nationale soit plus flexible pour une plus grande réactivité». Les profils les plus demandés Quel que soit le secteur d'activité, les commerciaux sont les profils les plus demandés. Mais le recrutement en masse de ces profils se fait dans les métiers de la vente et des téléopérateurs. Les secteurs des services et de l'industrie «expriment un gros besoin pour les fonctions de responsables de production, responsables qualité, responsables des achats et de la logistique, ainsi que les métiers de supports, tels que l'informatique, la finance et les ressources humaines», explique Omar Benaïni, directeur à LMS. Concernant le secteur du BTP, on note une forte demande des profils ingénieurs et des diplômés des écoles de commerce. Une nouvelle tendance est également observée, «celle de la forte demande des profils d'ingénieurs en télécommunications, ressources humaines et les profils de production, de maintenance et de qualité», ajoute notre expert. Enfin, les postes de direction générale ont enregistré une stagnation entre 2009 et 2010. Les secteurs les plus actifs Pour l'année 2010, ce sont les calls centers qui ont créé le plus d'emplois. Selon Halima Benasseur, cela s'explique par le développement rapide que connaît ce métier. «Actuellement, toutes les grandes entreprises cherchent à être compétitives sur le marché, notamment au niveau du service après vente. Pour cela, elles créent leurs call centers ou bien elles sous-traitent ce service à des professionnels», souligne-t-elle. Il faut dire qu'actuellement, ce secteur ne se contente plus de profils basiques. Au contraire, il fait de plus en plus appel à des lauréats des grandes écoles de commerce. Quant au secteur de l'informatique, ce dernier est légèrement en baisse par rapport à l'année dernière. Mais cela n'empêche qu'il reste un créateur d'emploi par excellence, notamment pour les postes de «moyen management». Il faut dire que ces dernières années, nombreuses sont les multinationales du secteur des NTI implantées au Maroc. Généralement, «elles ciblent les lauréats des écoles d'ingénieurs, pour des profils spécialisés, des lauréats d'écoles de commerce pour les profils généralistes», explique notre expert. Concernant le BTP, l'agroalimentaire, l'offshoring et la banque et la finance, ces secteurs n'ont pas beaucoup évolué. La distribution accuse une légère baisse, malgré l'essor qu'elle connaît. Enfin, le secteur automobile remonte dans le classement en 2010. Cela est dû à «l'installation de l'usine Renault à Tanger, qui contribue fortement à la création d'emplois.