Le grand public et la communauté grandissante des astronomes amateurs participent cette semaine aux diverses activités au programme du 22ème Festival d'Astronomie de Marrakech. Ils sont des centaines à travers le Maroc à se revendiquer « astronomes amateurs » et, cette semaine, ils fêtent le 22ème anniversaire du Festival d'Astronomie de Marrakech (FAM) lancé lundi dernier et qui se prolonge jusqu'au 3 décembre 2022. Si la communauté et les événements organisés autour de l'astronomie et des sciences de l'Univers étaient encore peu communs dans notre pays il y a encore quelques décennies, force est de constater que la situation change, et le foisonnement des activités et des intervenants prévus pour la 22ème édition du FAM est là pour le prouver. Pêle-mêle, chercheurs, étudiants et passionnés ont d'abord assisté aux deux conférences animées, lundi, par deux astrophysiciens de haut niveau : Dr Eric Smith, directeur du programme du télescope spatial «James Webb» (développé par la NASA), et Sébastien Vauclair, l'astrophysicien et entrepreneur français qui s'est penché sur le thème «Les réserves de ciel étoilé : enjeux et perspectives». Réserve d'étoiles Le vice-président de l'association d'Astronomie Amateur de Marrakech, M. Tarik Khalla, a relevé que l'invitation de l'astrophysicien Sébastien Vauclair s'inscrit également dans le cadre du projet de création d'une réserve de ciel étoilé Atlas DarkSky, à Toubkal, qui sera la deuxième du genre en Afrique, indiquant que cet expert français viendra à cette occasion assurer des journées de formation concernant la déclaration de la réserve. Le concept d'une réserve de ciel étoilé consiste à limiter la pollution lumineuse qui perturbe l'environnement et qui impacte la qualité des observations astronomiques. Atlas DarkSky, dont la mise en place mobilise actuellement la communauté des astrophysiciens et astronomes amateurs marocains, est une initiative qui a été sélectionnée lors d'un appel à projets de l'Université Cadi Ayyad dans le domaine environnemental. À terme, le projet permettra d'augmenter la qualité des observations qui se font à l'observatoire l'Oukaimeden augmentant ainsi son attrait pour les scientifiques et le grand public. Astro-photographes Cette édition du FAM a été par ailleurs l'occasion pour les participants de découvrir les travaux d'une nouvelle fraction affiliée à la communauté des astronomes amateurs marocains, à savoir : les astro-photographes. Les spécialistes de la photo vous le diront, prendre de belles photos des corps célestes n'est pas une mince affaire. Le savoir-faire des astro-photographes marocains en la matière se confirme toutefois, et les résultats de leur travail ont été mis en avant à travers une exposition de photos. « L'association qui regroupe les astro-photographes a installé un observatoire à Benslimane et un autre avec la participation de l'Université Al Akhawayn d'Ifrane. Cela dit, ils ont également souhaité bénéficier d'un site de qualité et ils nous ont donc contactés pour s'installer à l'observatoire de l'Oukaimeden. Nous avons bien évidemment facilité cela, mais nous leur avons demandé de faire également des films scientifiques. Ils font actuellement un excellent travail ! », témoigne Zouhair Benkhaldoun, astrophysicien et fondateur de l'association d'Astronomie Amateur de Marrakech. Animation et concours La 22ème édition du FAM connaît également plusieurs conférences destinées au grand public, des animations dans les écoles, collèges et lycées de la région, ainsi que divers ateliers et formations. Deux concours sont également au programme. Le premier, intitulé «Le Jeune Astronome», vise à promouvoir l'Astronomie dans les écoles et à favoriser l'apprentissage des sciences, en offrant l'occasion aux élèves de réaliser un projet lié à l'astronomie. Le deuxième concours intitulé «Le Jeune Responsable» vise de son côté à sensibiliser sur le danger et les conséquences de «la pollution lumineuse» auprès des élèves et sera l'occasion d'aborder la préservation de l'environnement sous l'angle de la pollution lumineuse. À noter que cette édition du FAM est organisée par l'Association d'Astronomie Amateur de Marrakech, avec le soutien de l'Institut Français de Marrakech en plus de plusieurs partenaires sous le thème «L'astronomie dans tous ses états à Marrakech». Oussama ABAOUSS Repères Contribution à la détection À ce jour, près de 3 millions de détections de corps célestes, faites automatiquement par des télescopes marocains, ont été envoyés au server du programme du Minor Planet Center affilié à l'Union astronomique internationale, qui centralise les données au niveau mondial afin de filtrer les nouvelles découvertes issues d'observations inédites. « Les télescopes marocains font une moyenne de 50 détections par jour », explique le président du Comité National pour l'Astronomie au Maroc, Zouhair Benkhaldoun.
Recherche fondamentale Les astrophysiciens marocains appellent à renforcer les moyens alloués à la recherche fondamentale au niveau national. « La recherche fondamentale est certes coûteuse, mais son retour sur investissement finit par se faire à moyen terme. Nous avions nos premiers instruments à l'observatoire de l'Oukaimeden avant même que les Chinois n'aient leurs observatoires modernes. Voyez maintenant le bond qu'a fait la Chine grâce à la valeur qu'elle a donnée à la recherche fondamentale », affirme Zouhair Benkhaldoun. L'info...Graphie Découverte Des astrophysiciens marocains à la recherche de nouvelles exoplanètes
Sept planètes « vivables », en orbite autour d'une étoile naine, ont été découvertes par la NASA en 2017 avec la participation active des astrophysiciens marocains a liés à l'Observatoire astronomique universitaire de l'Oukaimeden (OUCA). Cette découverte - qui a fait un grand bruit autant dans les milieux profanes que dans ceux des scienti ques - a été réalisée par une équipe internationale conduite par Michaël Gillon, astronome à l'Université de Liège. Le système découvert est situé à quelque 39 années-lumière de la Terre. Les 7 exoplanètes observées sont toutes rocheuses et pourraient avoir des températures assez proches de celles de la Terre. L'équipe marocaine a été intégrée au projet en 2013, ce qui a mené à l'installation à l'Oukaimeden en mai 2016 du télescope « TRAPPIST- Nord » dédié aux exoplanètes. « C'est en combinant nos données avec d'autres observatoires et en analysant les résultats que nous avons abouti à la découverte », explique Zouhair Benkhaldoun, directeur de l'observatoire astronomique de l'Oukaimeden.
Observatoire de l'Oukaimeden Un instrument de développement des sciences de l'Univers au Maroc
En partenariat avec les chercheurs marocains, l'agence spatiale coréenne avait, en 2015, installé un télescope dans l'observatoire de l'Oukaimeden. Cette initiative s'explique par diverses potentialités de l'observatoire. Le premier atout réside dans le nombre important de « nuits claires » qui s'y situe autour de 200 et 260 nuits par an. « C'est un pourcentage exceptionnel au niveau statistique », commente Pr Zouhair Benkhaldoun, président du Comité National pour l'Astronomie au Maroc. Le deuxième point fort du site est son positionnement à une altitude de 2700m permettant ainsi de faire des observations avec une épaisseur optique qui est relativement faible. Pour l'astrophysicien marocain, « il ne suffit pas d'avoir un site qui est bon du point de vue des statistiques de nuits claires et du point de vue de la photométrie, car le facteur relatif à la dynamique des couches atmosphériques est déterminant : en cas de turbulences atmosphériques prononcées, les images sont dégradées, car il n'est plus possible d'avoir une résolution optimale des instruments ». Or, les premières publications qui remontent au début des années 2000 ont montré que ce paramètre relatif à l'Oukaimeden est idéal. « Il est comparable à ceux enregistrés au Chili et à Hawaï par exemple où sont d'ailleurs localisés les plus grands et les plus performants instruments du globe terrestre », souligne Pr Benkhaldoun. Depuis plusieurs années, l'observatoire de l'Oukaimeden a fortement contribué au développement de la recherche et à l'expansion de la communauté des astronomes amateurs au Maroc.
3 questions à Zouhair Benkhaldoun « Depuis une dizaine d'années, le tissu associatif marocain des astronomes amateurs s'est beaucoup développé »
Astrophysicien, fondateur de l'association d'Astronomie Amateur de Marrakech et président du Comité National pour l'Astronomie au Maroc, Zouhair Benkhaldoun répond à nos questions. - Comment a évolué la communauté des astronomes amateurs au Maroc ces dernières années ? - Pendant longtemps, la communauté des astronomes amateurs au Maroc a été très restreinte avec à peine quelques associations à Rabat et à Marrakech. Depuis une dizaine d'années, le tissu associatif marocain des astronomes amateurs s'est beaucoup développé. Il y a eu par exemple la création du Festival d'Astronomie d'Ifrane avec l'implication de l'Université Al Akhawayn. D'autres communautés ont également vu le jour dans d'autres villes du Royaume, y compris dans des villages et petites localités territoriales. Je pense que c'est dû aux efforts fournis pendant des années par les précurseurs dans ce domaine et également à la dynamique de l'astronomie au Maroc en général et de l'observatoire de l'Oukaimeden également. - Avez-vous une estimation du nombre des membres de la communauté des astronomes amateurs marocains ? - Nous avons fait une petite enquête pour répertorier cette communauté qui se retrouve maintenant représentée par le Nation Outreach Comity (NOC), qui est l'organe qui organise les communautés des astronomes amateurs dans le monde affilié à l'Union astronomique internationale. Nous avons eu 273 membres inscrits affiliés à une quinzaine d'associations. Le nombre d'astronomes amateurs au Maroc est toutefois certainement plus important. - Quels genres de profils peut-on trouver parmi les astronomes amateurs marocains ? - Il y a d'abord beaucoup de jeunes qui participent aux évènements qui sont organisés par les associations et qui font preuve de curiosité et d'une volonté de bénéficier des connaissances relatives aux sciences de l'Univers. Dans les organes des associations, on trouve plus des profils d'enseignants, principalement du secondaire. Il y a également parfois des profils assez particuliers comme des agents d'autorité ou des chefs d'entreprise qui sont également passionnés par ce domaine, sans oublier les plus jeunes que nous essayons d'intéresser à travers le travail que nous réalisons avec les écoles. Recueillis par O. A.