Si la ligne Tarifa-Gibraltar est une véritable aubaine pour les passagers marocains, pour les compagnies maritimes marocaines c'est une autre histoire… Avant l'an 2000, et à chaque fois qu'ils devaient rentrer au Maroc, les ressortissants marocains résidant à Gibraltar devaient demander un visa Schengen pour pouvoir parcourir la quinzaine de kilomètres entre Algesiras et la Línea (frontière avec le rocher), Gibraltar ne faisant toujours pas partie de l'espace Schengen. La situation n'a pas beaucoup changé depuis. Les Marocains établis dans cette possession britannique, concédée par l'Espagne à la Grande Bretagne en 1713, en vertu du Traité Utrecht, doivent jusqu'à nos jours demander un visa Schengen pour pouvoir prendre un carferry en partance d'Algésiras ou Tarifa vers le Maroc. La compagnie maritime FRS, à partir d'avril 2000, a apporté une nouveauté d'une importance capitale au profit de notre communauté de Gibraltar. En plus d'effectuer des liaisons sur Algésiras, la majorité de ses navettes se font sur Tarifa. Le port de Tarifa, ne pouvant pas accueillir les grands car-ferries, la FRS, disposant d'embarcations adéquates, a fait nettement l'affaire. Ainsi, chaque semaine, un bateau de cette compagnie rompt l'enclavement de nos ressortissants en assurant une liaison avec le rocher sans passer par l'espace Schengen. Cette communauté n'est donc plus tenue de faire face aux frais de visa et des tracasseries qui en découlent depuis qu'il y a liaison directe entre Tanger et Gibraltar. Les tarifs sur la ligne Tanger-Tarifa restent légèrement inférieurs à ceux pratiqués sur la ligne Tanger-Algésiras. Selon le directeur général de cette compagnie, M. Rachid Chrigui, cette ligne est tout sauf rentable. «En moyenne, le carferry qui relie la capitale du Détroit et Gibraltar connait un taux de remplissage moyen de 40 à 50 passagers par traversée, ce qui est loin, très loin de couvrir les besoins minimum d'un ferry de cette envergure. Même durant la saison estivale, les frais sont couverts avec un taux pouvant atteindre les 100 à 120 passagers en moyenne dans le meilleur des cas». Pour le principal responsable de cette compagnie, cette ligne relève davantage d'une œuvre sociale que d'une opération commerciale. Il fallait, d'après lui, qu'une compagnie marocaine se décide à soulager le blocus de nos ressortissants. Effectivement, la plupart des compagnies fuyaient cette ligne à perte, synonyme d'échec assuré en tant qu'investissement. La compagnie FRS, qui fait un tabac au niveau de la ligne de Tarifa, a pris à sa charge, toujours selon M. Chrigui, une liaison directe avec Gibraltar au-delà de toute considération mercantile. Une fois sur place, il apparaît évident que nos ressortissants perçoivent d'un bon œil cette ligne qui leur permet de se passer de toute demande de visa Schengen. A ce titre, il y a lieu de souligner qu'ils ne bénéficient d'aucun traitement de faveur par rapport aux Marocains qui en formulent la demande auprès d'un consulat européen dans le Royaume. Autant dire que la liaison directe Tanger/Gibraltar suppose un grand soulagement pour la communauté marocaine comme en témoignent les échos recueillis auprès de quelques travailleurs marocains dans le rocher: «Se rendre à Gibraltar sans les désagréments du visa est une véritable veine pour nous. Cette compagnie nous rend un service inestimable et nous permet de voyager plus souvent». Le détroit apparaît comme un espace modèle du phénomène migratoire aussi bien pour les moyens mis en œuvre par l'Europe pour contrer les flux que dans la réactivité des migrants à contourner la forteresse Schengen. Rappelons qu'ils sont 1500 ressortissants marocains à résider à Gibraltar. Sur un total de 100 % «le problème se pose au niveau de 50% des résidents marocains établis à Gibraltar du fait que près de 20% d'entre eux sont naturalisés britanniques et 30% disposent d'une carte de séjour mais ont besoin de demander un visa de transit» comme l'a souligné M. Chrigui. Autrement dit, c'est la moitié de notre communauté qui est concernée directement par cette ligne qui fait désormais partie du paysage du rocher.