L'écosystème fintech marocain n'est qu'à ses débuts. Le gouvernement tente de réguler le secteur mais des défis structurels pèsent lourdement sur ses efforts, souligne Fitch Solution. La promesse du Maroc en tant que destination pour les investissements fintech est largement soutenue par une démographie favorable et un marché mobile mature, indique l'agence de notation internationale dans une récente étude intitulée : «Fintech Maroc : l'inclusion financière stimule la réglementation, la méfiance entrave l'adoption ». « Le gouvernement tente de réguler le secteur mais des défis structurels pèsent lourdement sur ses efforts. Jusqu'à présent, la réglementation de la fintech dans le pays reste limitée », estime la même source, notant que « les efforts de régulation du secteur sont motivés par la volonté du gouvernement d'améliorer l'inclusion financière et de positionner le Maroc comme la plaque tournante financière de l'Afrique ». D'après Fitch Solution, l'environnement fintech du Maroc est réglementé par deux entités : Bank Al- Maghrib et l'Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux (AMMC). BAM est responsable des activités bancaires telles que les paiements numériques, les services bancaires mobiles, les assurances et les prêts. « La Banque centrale du Maroc s'est positionnée comme un promoteur de l'adoption des technologies financières et encourage le système financier bien structuré du pays à investir dans l'adoption du numérique », fait remarquer l'agence de notation. Et de poursuivre que le renforcement de l'inclusion financière est l'un des piliers de la stratégie nationale de la banque centrale. Celle-ci, ajoute l'agence, s'attend à ce que les utilisateurs de portefeuilles mobiles passent à 6 millions d'ici 2024, avec un nombre total de 1,3 milliard de transactions. La BAM vise également à ce que la valeur des transactions atteigne 50 milliards de dirhams d'ici 2023. « Ces initiatives témoignent de l'engagement du gouvernement et de la banque centrale à améliorer l'inclusion financière et à encourager le passage à une société sans numéraire. Cependant, leurs efforts sont sans doute mieux illustrés par la création de M-Wallet, une plateforme de paiement mobile lancée conjointement par BAM et l'ANRT en 2018. M-wallet est conçue pour être interopérable entre les fournisseurs de paiement et, en même temps de sa sortie, la banque centrale a attribué onze licences de paiements numériques », estime Fitch Solution. Réglementation essentielle pour l'argent mobile Elle fait savoir aussi que le Maroc a été un acteur relativement précoce dans le domaine des paiements numériques, introduisant les « établissements de paiement » dans la loi bancaire de 2014. Avant cette date, les banques traditionnelles et les établissements de crédit étaient les seules entités autorisées à fournir des cartes bancaires ou prépayées avec capacité de paiement numérique et, par conséquent, les utilisateurs devaient avoir un compte bancaire auprès d'une institution financière traditionnelle. Cette mise à jour de la loi bancaire a été, d'après Fitch Solution, essentielle pour stimuler l'adoption de l'argent mobile au Maroc. Avant l'introduction de la loi bancaire, les plateformes d'argent mobile soutenues par les opérateurs de télécommunications (à savoir MobiCash de Maroc Telecom et Meditel Cash de Meditel) n'ont pas réussi à gagner du terrain étant donné que la réglementation à l'époque obligeait les portefeuilles mobiles à se concentrer sur les banques et donc nécessitait la possession d'un compte, ce qui est défavorable sur le marché marocain financièrement souspénétré. « Comme l'exige la réglementation, les deux plateformes ont été lancées en partenariat avec les deux banques traditionnelles du pays, empêchant les opérateurs d'exploiter directement le marché et d'obtenir des rendements suffisants pour justifier l'investissement », explique-t-elle. Adoption encore faible de l'argent mobile Malgré la promotion de l'écosystème des paiements numériques et les efforts des opérateurs de télécommunications, Fitch Solution estime que l'adoption de l'argent mobile au Maroc est restée faible. Idem pour l'adoption des paiements numériques qui est aussi restée faible. Chiffres de la Banque Mondiale à l'appui, seulement 6% des Marocains de plus de 15 ans avaient un compte d'argent mobile en 2021, contre 1% en 2017, et uniquement 30% ont effectué ou reçu un paiement numérique en 2021 contre 17% en 2017. Fitch Solution attribue cette contreperformance essentiellement à deux raisons. Premièrement, la législation en vigueur reste restrictive pour les entités non bancaires compte tenu de directives strictes qui imposent de lourdes limitations à la possession d'un compte mobile. Deuxièmement, les Marocains se méfient des moyens de paiement sans numéraire et des nouvelles technologies. Stimuler l'émergence de BNPL Comme les paiements numériques n'ont pas encore véritablement décollé au Maroc, Fitch Solution pense qu'il existe un potentiel pour l'émergence de nouveaux acteurs. Cependant, elle estime que la faible pénétration des dispositifs de point de vente sans contact/code QR doit être abordée. C'est là que, selon l'agence, se trouvent le plus d'opportunités. « Les frais d'installation des terminaux de point de vente ont limité leur utilisation, mais l'émergence d'un acteur à faible coût - peut-être similaire à Yoco en Afrique du Sud - pourrait soutenir le déploiement à grande échelle d'infrastructures pour faire décoller les paiements numériques. Les banques et les opérateurs traditionnels pourraient capitaliser sur cette opportunité en s'associant avec des acteurs du marché qui offrent ce service. Le taux de pénétration élevé des smartphones au Maroc, d'environ 80% du nombre total d'abonnés mobiles en 2021, soutiendra l'émergence de cette verticale », explique Fitch Solution. Elle pense aussi que la généralisation des paiements numériques et de l'utilisation du portefeuille mobile permettra au commerce électronique - et par extension à l'achat immédiat de payer plus tard (BNPL) - d'émerger au Maroc. Selon le New Payments Index 2022 de Mastercard, poursuit la même source, seulement 10% des Marocains ont utilisé un plan de versement BNPL, donnant aux acteurs la possibilité d'exploiter le marché. De même, Fitch Solution estime que « les paiements transfrontaliers offrent pour le Maroc, 2ème plus grand marché de transfert de fonds de la région MENA en 2020, une énorme opportunité aux opérateurs d'argent mobile. « Les travailleurs étrangers se sont tournés vers les canaux en ligne pour les paiements transfrontaliers au cours de la pandémie alors que des restrictions de mouvement étaient imposées. Le passage au numérique s'est poursuivi et les opérateurs de télécommunications marocains ont travaillé dur pour introduire des capacités de paiements internationaux sur leurs plateformes...», souligne l'agence. A l'heure actuelle, l'utilisation relativement faible des plateformes d'argent mobile limitera l'utilisation des paiements numériques. Cela dit, les acteurs ont eu du mal à gagner du terrain en raison, entre autres, d'un sentiment de méfiance au sein de la population. A. CHANNAJE Qu'est-ce la fintech ?
Pour les moins érudits, le terme «fintech» est une combinaison des mots «technologie» et «finance». Les technologies financières ou fintechs sont utilisées pour décrire les nouvelles technologies qui cherchent à améliorer et à automatiser les services financiers. La fintech désigne des entreprises, principalement des start-up, proposant des technologies et des modèles innovants en matière de produits et de services financiers. La fintech a émergé dans un contexte d'explosion du e-commerce, d'utilisation intensive du smartphone, et de défiance des utilisateurs à l'encontre des systèmes traditionnels, suite à la crise financière de 2008. La demande vers des services financiers plus transparents, accessibles, innovants, mobiles et moins coûteux a en effet fortement augmenté. Pour y répondre, les technologies du numérique et de l'intelligence artificielle se sont imposées naturellement.