Le projet de loi-cadre relatif au système national de santé a été adopté lors du dernier Conseil des ministres en date. La réforme tant attendue prévoit une nouvelle gouvernance avec une nouvelle architecture institutionnelle du système. Tour d'horizon sur les nouveaux organes mis en place et leurs attributions. Considérée comme une condition sine qua non pour la réussite de la généralisation de l'AMO, la réforme du système de Santé est finalement adoptée par le gouvernement. Les contours de cette réforme globale ont été dévoilés devant le Souverain lors du Conseil des ministres qui s'est tenu mercredi dernier. En effet, loin d'être une simple promotion budgétaire du système hospitalier, la réforme portée par le ministre Khalid Ait Taleb veut refondre profondément le système de Santé de sorte à donner lieu à une nouvelle gouvernance avec une nouvelle architecture des institutions sanitaires. L'objectif est d'aboutir à un système moins centralisé où l'offre de soin et l'infrastructure hospitalière sont gérés à l'échelon régional. Pour résumer, le nouveau système sera basé sur une gouvernance décentralisée, avec des ressources humaines mieux rétribuées et une offre de soins plus abondante, vu la demande croissante anticipée suite à la généralisation de l'AMO. Haute autorité de la Santé : la boussole ! En matière de gouvernance, la Haute autorité de la Santé été créée. Son rôle consiste à accompagner la généralisation de la couverture médicale et à évaluer l'efficacité des prestations dispensées par les différents intervenants des secteurs public et privé. À cela s'ajoute sa vocation à veiller à l'exécution de la nouvelle stratégie sanitaire. Plusieurs mesures seront prises dans ce sens, à savoir une nouvelle carte sanitaire avec un nouveau découpage de l'espace géographique en secteurs sanitaires. Ceci se fera de sorte à mieux couvrir le territoire national et éviter les déserts médicaux.
L'Etat est appelé donc à mieux identifier les besoins en termes d'infrastructures et d'équipements de chaque région, en particulier, dans la répartition des investissements. Cette année, rappelons-le, le gouvernement a alloué une enveloppe de 6MMDH pour réhabiliter les structures et les équipements. La régionalisation du système de Santé se fera par le biais des groupements territoriaux qui seront chargés principalement de l'élaboration et de l'exécution du programme national et du renforcement des mécanismes de coopération et de partenariat entre les secteurs public et privé. Sur ce point, Jaâfar Heikel, épidémiologiste et expert en économie de la Santé, nous explique que ces groupements permettront d'établir une adéquation de l'offre de Santé avec les besoins de chaque région. Par ailleurs, la HAS aura pour mission d'amender le circuit de traitement sur lequel parie le gouvernement pour améliorer les services médicaux. Aussi aura-t-elle une mission consultative en livrant des recommandations aux autorités compétentes. « La haute autorité de la santé serait un organe stratégique, de régulation, de recommandations techniques et scientifiques sur les aspects épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques, de coordination de l'assurance-maladie et de la protection sociale. Bonne nouvelle pour le pays », se réjouit Jaâfar Heikel, qui ajoute : "Si nous déconcentrons et décentralisons le système de santé nous pouvons répondre aux besoins de santé des citoyens dans toutes les régions. Nos points faibles principaux sont l'iniquité d'accès et de répartition des ressources, une charge élevée des dépenses pour les ménages". Force est de rappeler ici que près de 53% des dépenses de santé sont supportées par les ménages. L'Agence de médicaments : promouvoir l'industrie nationale Concernant l'offre de soins, l'Agence des médicaments vient étoffer l'architecture institutionnelle du nouveau système de Santé. C'est l'une des recommandations du débat national sur la politique pharmaceutique qui a eu lieu, en juin 2021, et qui ont réuni l'ensemble des acteurs concernés.
Cette agence, très attendue, devrait mettre fin au désordre de la régulation du marché de médicament. Procédure d'enregistrement, homologation des produits et fournitures médicales... La nouvelle agence, qui sera indépendante du ministère de la Santé, aura le dernier mot. Les représentants de l'industrie pharmaceutique avaient vivement recommandé une telle instance qui, à leurs yeux, pourrait régler les différents problèmes liés à l'approvisionnement des marchés en médicaments et à la production. A cet égard, le Maroc ambitionne de pousser son industrie à augmenter sa production, surtout du médicament générique de sorte à satisfaire près de 80% de la demande nationale. En outre, lors de son exposé devant le Souverain, le ministre de la Santé a cité la création d'une Agence du sang et produits dérivés. L'état des réserves à l'échelle nationale a été tellement dégradé qu'il nécessite une politique à long terme. Ressources humaines : l'enjeu suprême Par ailleurs, l'amélioration des conditions des ressources humaines demeure l'une des priorités de la réforme portée par le gouvernement. L'enjeu est de motiver le staff médical par des conditions de travail plus attractives et des salaires plus élevés. Ceci fera l'objet de la nouvelle loi sur la fonction publique sanitaire, dont les détails ne sont pas encore rendus publics. Tout ce que l'on sait jusqu'à présent, c'est que le gouvernement va introduire le paiement à l'acte, pour permettre aux médecins de gagner plus et améliorer leur productivité. Une mesure qui s'ajoute à la hausse du salaire de base des médecins généralistes. Une manière de rendre l'hôpital public plus attractif pour les nouvelles générations de médecins en cours de formation, sachant que le Maroc manque actuellement de près 97.566 professionnels de santé, dont 32.522 médecins et 65.044 infirmiers. Le dernier pilier de la réforme est la digitalisation, le ministère de tutelle procédera à la mise en place d'un système informatique intégré pour le regroupement, le traitement et l'exploitation des principales informations ayant trait au système de santé.