« Je me suis mis à peindre pour faire oublier la part sombre du monde que j'écrivais. » Ainsi s'exprime Tahar Ben Jelloun, peintre du dimanche que le reste de la semaine le voit se vautrer dans les malheurs de la planète. Mais, avant de s'offrir à la toile blanche, il s'essaie sur la palette de la critique avec des écrits qui ronronnent plus qu'ils ne griffent. Des textes dans lesquels peuvent aisément s'engouffrer tel ou autre artiste. Pour ce faire, la plume est généreuse, le récit apaisant. L'auteur a du superlatif à en revendre. Le lire donne envie de le colorier. Et puis, il franchit le pas, pour une « récréation vitale ». On est en 1989 à Turin à l'occasion d'une exposition intitulée (déjà !) « Travaux récents ». Cette Italie qui affectionne tant la peinture de l'écrivain accueille plus tard l'écrivain-peintre pour une exposition à Rome et l'installe ensuite dans le musée San Salvatore In Lauro avec, en sus, des réalisations pour la ville d'Imola et la prison de l'île de Lipari. Le détenteur du Goncourt 1987 et membre de son académie depuis 2004 jouit également d'affinités en France, notamment à l'Institut du monde arabe où il compte comme admirateur son Président. Jack Lang -il a dû parcourir quelques textes « critiques » de son ami l'artiste- fait à son tour dans le laborieux : « Les toiles de Tahar Ben Jelloun exécutées ces deux dernières années invitent à retrouver des lieux de l'envie et de la mémoire dont les couleurs inaltérables sont rendues plus vives de ne les avoir pu comparer à leur réalité sensible. » (Cf. le catalogue de cette exposition dite « La couleur des mots ».) C'est, susurre ce cher Lang, un embarquement pour des horizons enviés. A vérifier pendant une dizaine de jours, du 10 au 30 mai, à la galerie L'Atelier 21 à Casablanca. Anis HAJJAM