Hicham Lasri marque la première participation marocaine à la plateforme cinématographique Netflix. Entretien sur cette performance et bien plus encore. - Vous avez présenté sur Netflix votre nouveau court-métrage « Sidi Valentin » dans le cadre de la série arabe «Love, Life and Everything in Between». Comment vous êtes vous retrouvé sur ce projet ? - Ma productrice, Lamia Chraibi, et moi-même avons été contactés par les responsables du projet, qui connaissent notre travail. On nous a demandé de leur faire des propositions pour une comédie noire autour de l'amour, de la vie, à travers le prisme de la comédie noire. Graduellement, les idées et les scripts se sont développés. Le travail dans ce projet est collaboratif et on était libres de faire nos choix. Ce projet regroupe des réalisateurs du monde arabe. Nous avons accepté le challenge avec l'idée de montrer un Maroc très beau, coloré et moderne, même si l'histoire est un peu "punk". L'idée est de célébrer le Maroc, précisément Casablanca, et créer quelque chose qui montre à quel point on est riche d'un certain nombre de choses, malgré les difficultés que traversent certains de nos personnages. C'est d'ailleurs le principe de la dramaturgie. - Ce type de partenariat est une première entre Netflix et un réalisateur marocain. Quels sont vos secrets ? - C'est toujours une chance d'intégrer ce genre de projets. Le défi relevé était de faire un film différent. C'est le travail d'avant qui plaide en faveur du travail d'après. Je pense que le secret est de travailler, se distinguer, ne pas prendre le chemin le plus facile, essayer d'être généreux, sans oublier d'avoir du talent. Ce sont des valeurs humaines et artistiques qui se réunissent et qui permettent aux gens de les voir quelle que soit leur appartenance et position. - Sorti sur Netflix depuis le 10 mars, combien de vues a récolté votre court métrage ? - Je ne suis pas comptable (rires). Je pense que le plus important est de représenter le Maroc avec fierté et dignité. Un film peut être vu rapidement maintenant mais oublié demain. A aucun moment dans ma vie je ne m'intéresse au nombre de vues. Je préfère le retour critique et l'écho algorithmique d'un film. Je suis un artiste et je veille sur la réussite de mes projets. - Qu'avez-vous appris de cette expérience ? Pensez-vous que Netflix est beaucoup plus important qu'une sortie sur grand écran ? - En général, on apprend de ce qu'on rate pour l'améliorer dans le film suivant. La collaboration avec Netflix était exceptionnelle dans la mesure où le film est visible partout dans le monde et doublé en cinq langues avec des sous-titrages en plusieurs langues. Ce qui est étrange pour moi qui ai l'habitude du cinéma d'auteur, où on n'est jamais doublé mais sous-titré. Certes, cette expérience nous rend populaire, mais n'a rien changé dans ma démarche artistique. Le plus important est de rester pertinent. Je pense que Netflix et le grand écran peuvent se compléter sans forcément se cannibaliser. On est toujours contents quand les gens s'intéressent à notre travail avec humilité et sincérité. - Pensez-vous que l'industrie cinématographique marocaine s'améliore ? Parvenez-vous à rester créatif malgré tout ? - L'industrie cinématographique marocaine reste légère. On n'a pas une vraie industrie. On a plutôt un artisanat d'art. Beaucoup de choses se font au Maroc mais sont souvent bricolées, loin d'être poussées, que ce soit en écriture, en développement, en tournage ou en post-production. J'ai toujours défendu la singularité. On m'a toujours taxé d'être extrême là-dessus. Mais finalement, si on ne fait pas bien les choses, elles ne vont pas être célébrées par d'autres personnes ailleurs. On peut servir un médium mais c'est dommage de s'y arrêter. On doit comprendre qu'un film ou une série n'est pas que du tournage. Le temps de préparation qu'on y injecte est plus important que le coût. C'est comme ça qu'on peut faire de belles choses qui durent dans le temps et générer de l'intérêt. On est encore en train de demander des autorisations de tournage, de rencontrer des problèmes avec le Mokadem. Il faut inverser la tendance qu'on a au Maroc qui nous met dans une position de clandestinité très étrange. Quant aux institutions, je pense qu'elles font ce qu'elles peuvent. De leur côté, les artistes doivent se remettre en question pour parvenir à faire mieux. Autre chose : on doit se célébrer. Tout le monde tire sur tout le monde, personne n'aime rien. J'ai toujours fait des films qui sont à la lisière du cinéma marocain. Je ne suis pas un activiste mais un artiste, un story-teller. Le principe est de raconter des histoires honnêtement et humblement. Je m'en suis sorti mais c'était un combat de tous les jours. Recueillis par Safaa KSAANI Repère Netflix : « Marhba » Sidi Valentin Le 10 mars courant, la plateforme Netflix a lancé le court-métrage marocain "Sidi Valentin", réalisé par Hicham Lasri, marquant la première participation marocaine à la célèbre plateforme cinématographique. Le film «Sidi Valentine» met en vedette quatre acteurs : Fatima Zahra Qanboua, Nasser Akbab, Zakaria Maksabi et Karam Lamrani. Ce film, dont l'histoire est "un chassé croisé amoureux dans un Casablanca fantasmé électrique mais toujours amusant", selon le réalisateur, fait partie de plusieurs courts métrages arabes diffusés par la plateforme «Netflix», avec comme thème commun l'amour. «Mon film adopte les codes de la comédie noire, afin de jouer ironiquement avec cette idée d'un monde qui s'est accommodé à la clandestinité de la Saint-Valentin», a déclaré le réalisateur marocain. Cette série comprend des courts métrages en arabe sous le titre «On Love and Life», de Tunisie, Maroc, Palestine, Egypte, Liban et Arabie Saoudite. Cette série explore "La romance dans le monde arabe", aux côtés du réalisateur El Asri, avec Khairy Bishara, Kawthar Ben Hania, Sandra Bassal, Hani Abu Asaad, Amira Diab, Michel Kamon, Mahmoud Sabbagh et Abdel Mohsen Al Dabaan. Présentée comme une série d'anthologie, la nouvelle production de Netflix, développée par la scénariste égyptienne Azza Shalaby, comprend huit courts-métrages. «Les événements de chaque histoire se déroulent le jour de la Saint-Valentin, une période qui met les personnages principaux au défi d'exprimer l'amour, de le comprendre et de le vivre dans des situations uniques qui s'accompagnent de rebondissements inattendus», indique un communiqué de Netflix. Portrait
Quatre, le chiffre porte-bonheur de Hicham Lasri
Hicham Lasri, connu sous le pseudonyme de Daddy Desdenova, a plus d'une corde à son arc. Il est un réalisateur, scénariste, romancier et dessinateur. Ce casablancais, né le 13 avril 1977, est essentiellement connu pour ses films de cinéma, de The End (2011) à Jahilya (2018), en passant par C'est eux les chiens (2013), The Sea Is Behind (2014), Starve Your Dog (2015), entre autres, en attendant ses deux prochains longs métrages prévus respectivement pour 2022 et 2023. Couronnés de succès et régulièrement présentés à l'international, ses films, pièces de théâtre, romans, romans graphiques, séries et autres web-séries se distinguent par leur insolence et leur extravagance. Sous la casquette d'écrivain, Hicham Lasri a sorti quatre opus. Une carrière mise en avant après son premier roman "Static : roman à facettes", paru en 2009. En 2015 est sorti son deuxième roman "Sainte Rita" où il raconte une histoire d'amour entre deux femmes confrontées à une réalité marocaine qui n'est pas la leur. En 2020 paraît son troisième roman, "L'Improbable Fable de Lady Bobblehead". Un an plus tard, le dernier récit de Hicham Lasri "L'effet Lucifer" est paru. En parallèle, Hicham Lasri est auteur de bandes dessinées dont Sainte Rita (2015), Fawda (2017) et L'improbable Fable de Lady Bobblehead (2020).