Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, homme fort d'Alger au début de la guerre civile, est poursuivi pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Ainsi en a décidé le parquet fédéral suisse. L'affaire remonte à une dizaine d'années quand une procédure à multiples rebondissements a été lancée en Suisse contre le général algérien Khaled Nezzar, pris dans les mailles suisses lors d'un séjour à Genève en 2011. Cet ancien ministre de la Défense algérien risque d'être renvoyé devant un tribunal helvétique pour y répondre de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Le prévenu, qui faisait aussi partie des cinq membres du Haut Comité d'Etat au début de la guerre civile, deviendrait ainsi l'un des plus gros bonnets à devoir rendre des comptes devant une juridiction nationale ordinaire en application du principe de compétence universelle. Nezzar a déjà filé entre les mailles de la justice militaire algérienne à l'issue d'un procès diligenté par le tribunal militaire de Blida. Après le mouvement Hirak de 2019 et la montée en puissance du général Gaïd Saleh, le tribunal militaire de Blida a prononcé une peine de 20 ans de prison contre Nezzar et son fils Lotfi, pour violation de l'autorité de l'armée et complot contre l'autorité de l'Etat. Une peine qu'il n'a jamais honorée puisqu'il a réussi à s'échapper en Espagne. Mais après l'évincement de Gaïd Saleh, Khaled Nezzar est revenu au pays en force avec un passeport diplomatique dans un avion militaire. Réussirait-il à échapper aussi à la justice suisse comme l'appréhendent les plaignants. L'audition finale de Khaled Nezzar s'est déroulée à Berne les 2 et 4 février derniers dans les locaux du Ministère public de la Confédération (MPC). Le parquet fédéral qui s'est contenté de confirmer la tenue de cet ultime interrogatoire n'a pas fait de commentaire ces trois jours d'audition au terme desquels le général a pu repartir librement, malgré la demande d'arrestation des six parties plaignantes. « Un pas dans la lutte contre l'impunité » Ces derniers craignent en effets qu'une fois libre le général puisse disparaitre à jamais dans la nature ou faire pressions sur les victimes et les témoins pour qu'ils se rétractent. A moins qu'ils ne disparaissent tout bonnement dans la nature. Pour l'organisation Trial International, à l'origine de l'enclenchement de la procédure suisse, cette étape marque au contraire «un pas de géant dans la lutte contre l'impunité». La fin de la procédure ouvre la voie à un renvoi en jugement de Khaled Nezzar devant le Tribunal pénal fédéral, qui siège à Bellinzone, pour des faits gravissimes. Une décision formelle de clôture de l'instruction, suivie d'un acte d'accusation, est attendue très prochainement, alors que Laïla Batou, avocate genevoise qui représente un plaignant dans ce dossier, craint que le prévenu joue la montre. L'ancien diplomate et opposant, Mohamed Larbi Zitout, a exprimé sa satisfaction de la décision de la justice suisse de juger Khaled Nezzar, mais regrette qu'il ne soit pas jugé en Algérie par le peuple algérien, chose impossible avec les actuels dirigeants algériens.