La hausse des prix des matériaux de construction était annoncée dès le lendemain de la première vague du Covid. Mais, elle s'est avérée beaucoup plus importante que prévu. Conséquence : les coûts de production explosent pour les constructeurs, ce qui, effet domino oblige, se répercute sur les prix de l'immobilier. Les temps ne sont pas vraiment favorables dans le secteur de la construction. La flambée des prix qui touche l'ensemble des activités économiques n'épargne pas les matériaux de construction. La situation est telle que nombre d'entreprises du secteur se voient obligées de reporter le lancement de certains chantiers ou tout simplement se retrouvent avec des prix de revient bien supérieurs à leurs devis de départ. Un tour d'horizon auprès des opérateurs permet d'avoir un aperçu net sur la hausse de la matière première : du ciment à l'acier, en passant par l'aluminium, le verre, le bois ou même la peinture, l'augmentation des prix d'achat pour les constructeurs avoisine parfois les 30%, voire 50%. Au niveau de la Fédération des matériaux de construction (FMC), on ne sait plus pratiquement à quel saint se vouer. Difficile de trouver un interlocuteur qui s'exprime à découvert, mais tous reconnaissent en « off » que les temps sont durs dans ce secteur essentiel à l'immobilier et aux travaux publics. Une hausse des prix des matières premières était annoncée, mais l'ampleur réelle de cette inflation en a surpris plus d'un. Effet domino Chez les professionnels, on explique cette flambée par la hausse brutale de la demande mondiale enregistrée au lendemain de la première vague du Covid-19, c'est-à-dire depuis l'été 2020. L'importation de la matière première s'est corsée non seulement en raison de l'allongement des carnets de commande auprès des producteurs, mais aussi à cause de la flambée du fret maritime. La durée de la fermeture des usines dans certains pays exportateurs comme le Brésil n'a pas aidé non plus. Conséquence : presque partout, cette flambée se ressent, notamment au Maroc. Et ce n'est un secret pour personne, toute hausse des matériaux de construction entraîne un effet domino sur plusieurs secteurs, notamment dans celui du BTP et de l'immobilier. Hausse des prix A ce propos, l'indice des prix des actifs immobiliers (IPAI) a naturellement connu une hausse globale de 0,2% au troisième trimestre, à en croire les derniers chiffres sectoriels publiés par le portail « Mubawab ». Au niveau de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), on n'y va pas par quatre chemins : les prix de l'immobilier vont repartir à la hausse. En tout cas, l'avertissement est du vice-président de la FNPI, Driss Nokta, qui, dans une récente sortie médiatique, tirait la sonnette d'alarme : « Le secteur est confronté à plusieurs contraintes, dont notamment le renchérissement des matériaux et des frais de transport qui sera impacté sur les prix de vente. Il faut donc s'attendre à une hausse des prix de l'immobilier ». Selon son homologue président de la FMC, David Toledano, l'augmentation des prix devrait grimper de 5 à 10%. Pour les promoteurs, seule une intervention de l'Etat, avec une nouvelle approche d'incitations et d'exonérations fiscales, pourra, à terme, aider à maintenir un niveau de prix qui fait l'affaire de tous, y compris les promoteurs et acquéreurs. Chantiers En attendant cette éventualité, il y a lieu de préciser que le rythme des mises en chantier reste, lui, beaucoup plus cadencé par rapport à l'année dernière. Pandémie oblige, le premier semestre 2020 a été synonyme d'arrêt quasi généralisé des activités économiques. Sur la même période en 2021, les mises en chantier ont connu une reprise fulgurante de 140%. Une évolution aisément confirmée par les 23,2% de hausse des ventes de ciment durant les six premiers mois de l'année 2021. D'ailleurs, à fin novembre dernier, la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), relevant du ministère de l'Economie et des Finances, constate un raffermissement de 15,6% de ces ventes de ciment. Globalement, au cours de la première moitié de l'année 2021, la production immobilière a connu un bond considérable de 115% par rapport à « l'année sabbatique » de 2020.
Abdellah EL MOUTAWAKIL Repères Besoins en logement : les habitats sociaux toujours prisés Les besoins cumulés en logement à l'horizon 2030 au Maroc avoisinent les 3 millions d'unités, selon des prévisions. Dans ce lot, on note que les habitats sociaux, à 140.000 DH (49%), devraient être les plus prisés, devant ceux de la même catégorie, mais qui coûtent 250.000 DH (15%). Viennent ensuite les habitats économiques (16%), devant le moyen standing (13%) et le haut standing (7%). Ces prévisions tablent sur une demande plus forte en milieu urbain qu'en milieu rural.
Prix de l'immobilier : une baisse en 2022 ? La région Béni Mellal-Khénifra est celle qui compte le plus gros déficit immobilier au Maroc, à en croire les calculs du portail « Mubawab ». Ce déficit se chiffre à lui seul à 28,6%, devant Casablanca-Settat (19,8%), Rabat-Salé-Kénitra (12,37%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (3,27%). Enfin, pour ce qui est des évolutions de l'indice des prix de l'immobilier, il n'est pas exclu qu'une baisse puisse s'opérer dès le premier trimestre 2022, mais à condition que les coûts de production annoncent la couleur... L'info...Graphie Immobilier Les tendances du marché Selon ses chiffres semestriels, le portail « Mubawab » note l'enregistrement de plus de 114.000 transactions immobilières depuis janvier 2021. Dans ce lot, le « résidentiel » caracole en tête avec 67% des transactions, alors que 23% sont liés au « foncier », contre « 10% » pour l'immobilier « professionnel ». Globalement, une hausse de 64% de transactions immobilières est constatée par rapport à la même période en 2020. La région de Casablanca-Settat arrive loin en tête avec 103.567 transactions, suivie de Rabat-Salé-Kénitra, avec 48.785 opérations, devant Tanger-Tétouan-Al Hoceima, qui pointe à la troisième place au niveau national avec 24.537 transactions immobilières. Malgré la crise post-Covid, la demande (61%) reste supérieure à l'offre (53%), en appartements. D'ailleurs, selon « Mubawab » toujours, le bien immobilier le plus prisé au Maroc reste l'appartement, notamment le format avec 2 chambres, avec une valeur qui ne dépasse pas le million de dirhams.
Construction Entre performance et concurrence
A la Fédération des matériaux de construction (FMC), l'espoir est de mise malgré une conjoncture pas très favorable. Contrairement à de nombreux pays, le Maroc dispose d'une industrie très performante dans ce domaine. 99% des besoins pour l'acte de bâtir sont produits dans le royaume. Cela, grâce à la contribution de tout un écosystème qui tourne autour du secteur des BTP et de l'immobilier. Le Maroc dispose d'une industrie sidérurgique importante, en plus d'une industrie cimentière capable de produire 21 millions de tonnes, soit bien au-delà des 13 millions de tonnes consommées par an. En plus, pas moins de 80 briqueteries, de nombreuses usines d'aluminium, marbreries et unités de céramique sanitaire contribuent à produire l'équivalent de 5 millions de pièces par an. Autre motif de fierté, le royaume produit annuellement près de 120 millions de carreaux. La contribution de l'ensemble de ces acteurs fait du Maroc un acteur robuste dans l'exportation de produits liés au BTP et à l'immobilier. C'est notamment le cas des nombreux chantiers lancés ces dernières années dans plusieurs pays du continent, où l'expertise marocaine en la matière continue de s'affirmer. Mais, tout n'est pas vraiment rose dans ce tableau, en témoigne la crise actuelle que traverse ce secteur. Certains professionnels dépendent encore énormément de l'étranger, notamment en fourniture de matières premières et d'intrants, indispensables au bon fonctionnement de leurs activités. D'ailleurs c'est là l'un des gros défis à relever, sans parler de la concurrence sur le marché national, de produits venus du proche voisinage méditerranéen ou de la Turquie.