Après l'épreuve douloureuse de la pandémie, l'autosuffisance et la garantie de la souveraineté du Royaume dans plusieurs domaines sont devenues un enjeu vital pour le pays. Economie, industrie, médicaments et sécurité alimentaire. Détails. Etre maître de soi-même pour échapper à l'emprise de l'autre, c'est l'une des plus simples définitions de la « souveraineté », un terme devenu tellement vague que les experts s'évertuent à l'expliquer par des définitions complexes. Entre ceux qui l'assimilent à l'autosuffisance et ceux qui l'identifient à la capacité d'un pays à décider pour lui-même, les définitions abondent. En tout cas, il s'agit d'avoir les instruments nécessaires et suffisants pour répondre aux besoins d'un pays, sans avoir besoin du concours ou de l'assistance conditionnée d'un pays étranger. Etant expérimenté sur ce à quoi ressemble d'être dépendant financièrement et économiquement de l'étranger, surtout durant les années 80 et 90 où il effleurait la crise cardiaque (ajustement structurel, déficits commerciaux colossaux, etc...), le Maroc est conscient plus que jamais de l'importance de redevenir maître de lui-même dans plusieurs domaines, à l'époque d'une mondialisation sauvagement et agressivement libéralisée. Une conscience d'autant plus vive que la pandémie nous a enseigné à quel point un pays doit être en capacité de fabriquer lui-même du matériel médical, des masques, des vaccins et des médicaments. Même les pays les plus développés en Europe se sont aperçus à quel point ils dépendaient de la Chine et des pays asiatiques après les multiples délocalisations de leurs industries. Pour sa part, le Maroc a su tirer avantage de la crise du Covid- 19 en découvrant, soudain, son potentiel industriel, en se propulsant dans la fabrication des masques, respirateurs artificiels, lits de réanimation et médicaments anti Covid-19. Au Maroc, cette question de souveraineté est donc devenue un enjeu majeur dans le monde post Covid-19, la question est évoquée souvent dans le débat public et notamment lors de la campagne électorale. Les enjeux sont multiples et vont de ce qui est économique, énergétique au sanitaire. Souveraineté sanitaire : la nouvelle priorité Il a suffi de se confronter au Covid-19 pour se lancer pour la première fois dans la fabrication des vaccins. Ayant dès août 2020 signé un accord de fabrication du vaccin Sinopharm avec le Laboratoire chinois, quelques jours nous séparent de la première dose « Made In Morocco ». Le Royaume veut ardemment capitaliser sur cette expérience unique pour devenir un « hub sanitaire » et une plateforme d'exportation vers le reste de l'Afrique. Une ambition réalisable à court terme, nous précisent plusieurs experts du domaine, dont Ali Sedrati, Président de l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP), qui estime que le Maroc a toutes les ressources et les compétences humaines pour relever le défi, ce potentiel est reconnu même par l'OMS, par la voix de sa représentante au Maroc, Meryem Begdili. Idem pour les médicaments, le renforcement de l'industrie nationale est d'autant plus urgent que la généralisation de la couverture sociale va augmenter de façon spectaculaire. La hausse de la production nationale est l'une des priorités nationales et le Secrétaire Général de l'Istiqlal Nizar Baraka avait mis en garde contre l'incapacité de l'industrie nationale à répondre aux nouveaux besoins, ce qui condamnerait le pays à importer de l'étranger. En effet, le Royaume produit plus de 54% de ses besoins en médicaments, une part qu'l est vital d'augmenter à plus de 80%. En effet, tout est là pour atteindre cet objectif, sachant que le Maroc prépare la création d'une nouvelle Agence autonome des médicaments, dans le cadre d'une nouvelle politique pharmaceutique à l'horizon 2025. L'une des priorités fixées est le développement de l'industrie médicale à travers un partenariat public-privé. La préférence nationale : nouvelle norme de l'Etat La logique souverainiste s'applique également en économie et notamment dans la politique budgétaire de l'Etat. Le concept de « Préférence nationale » fait son chemin dans l'esprit des politiques, et il convient de donner désormais la priorité ou une sorte de « droit de préséance » aux entreprises nationales dans les marchés publics. Or, ce privilège est conditionné par la création de l'emploi sur le territoire et le recours aux produits nationaux. En effet, il est judicieux que les entreprises auxquelles sont confiés les marchés de l'Etat soient installées au Maroc, créent des emplois et de la valeur ajoutée. Ainsi, il n'est plus question de faire appel, exclusivement ou de façon prioritaire, à des compagnies ou des sociétés étrangères ou qui sont branchées à l'Etranger et qui utilisent excessivement du matériel importé. Endettement : laisser filer une dette galopante ? Suite à la crise du Covid-19, le Maroc a fait recours à l'endettement extérieur pour gérer la crise sanitaire qui s'est abattue brusquement. Le Royaume a contracté plus de 13 milliards de dollars auprès des institutions financières internationales et d'organisations régionales (Banque Mondiale, FMI, Union Européenne, etc...), en 2020, pour faire face aux dépenses imprévues liées à la gestion de la pandémie. À cela s'ajoutent, en plus des droits de tirage spéciaux qui ont augmenté de 92%, les emprunts obligataires contractés sur les marchés financiers internationaux. Le dernier a eu lieu en décembre dernier où le Royaume a levé trois milliards de dollars, en trois tranches, dans des conditions jugées avantageuses. En somme, avec une dette publique qui atteint plus de 75% et un encours de 374,3 milliards de dirhams, la question de la souveraineté se pose de nouveau d'autant qu'ils sont nombreux à craindre un retour à la rigueur budgétaire après la pandémie ou à un nouveau plan d'ajustement structurel. Pour l'instant, l'endettement reste maîtrisable pour le Royaume, estime le chargé du Maghreb à la Banque Mondiale, Jesko Hentschel, dans une déclaration à « L'Opinion ». Le Maroc vise à bâtir un nouvel Etat providence, cette ambition devrait nécessiter, selon des experts, une enveloppe estimée à 112 milliards de DH, soit près de 12 milliards de dollars. Un effort conséquent dont le financement pourrait être assuré par le recours à l'endettement ou la rationalisation des dépenses publiques, misant sur la relance de la croissance par la demande pour stimuler les recettes fiscales. Par ailleurs, le problème des accords de libre-échange semble devenir un sérieux casse-tête pour le Maroc, après l'accumulation de déficits commerciaux colossaux avec les partenaires internationaux, ce qui a poussé le Royaume à revoir certains accords comme celui signé avec la Turquie en 2004. Il s'agit d'une démarche que devrait poursuivre le prochain gouvernement, Nizar Baraka avait salué les mesures prises par l'actuel gouvernement, appelant à ce que la renégociation des accords de libre-échange soit intégrée dans le cadre d'une stratégie de l'Etat. Anass MACHLOUKH
Ecologie et souveraineté hydrique
Le chantier d'investissement dans les énergies renouvelables afin de réduire les besoins du pays en électricité de 50% est à la fois écologique et de nature à assurer la souveraineté hydrique. De même, un plan de gouvernance et de diversification des ressources d'eau est requis. La gestion des déchets, compte tenu des divers problèmes qu'elle pose dans plusieurs pays, figure parmi les nécessités concourant à améliorer sensiblement le contexte écologique et atteindre l'objectif escompté. Dans ce sens, il est tout à fait indiqué de réactualiser de manière adéquate les contrats de gestion déléguée. Promouvoir le statut des éboueurs par une amélioration de leurs conditions de travail est également requis.