L'épisode de canicule et de chergui continue dans diverses régions du Royaume, déclenchant des incendies spectaculaires. Dernier en date, celui qu'a connu Zagora, mardi 10 août. Un mois à peine après le déclenchement d'incendies dans plusieurs villes du Moyen Atlas, les oasis de Zagora ont été frappées par des incendies inédits. Ce qui laisse présager qu'à chaque montée de chaleur, des incendies ressurgiraient. La première étincelle de l'incendie a éclaté vers 15h selon nos sources et s'est propagée rapidement, en raison des vents forts et de l'état des palmiers à cause de la sécheresse. Les flammes sont venues lécher les murs en argile des quelques maisons habitées des villes de Taliouine et Toughzatagrsift. Alors que les autorités locales ont eu du mal à envoyer des équipes de pompiers car la plupart des villes touchées par le feu sont situées dans des zones fort reculées et donc difficiles d'accès pour les camions de pompiers,vers la fin de ce jour infernal, des canadairs des Forces royales air de type CL-415 ont été envoyés en appui, ce qui a permis d'éteindre les feux en un temps record. Comme partout dans la région, personne ne s'était préparé à l'arrivée d'incendies de cette ampleur, qui étaient plus ou moins attendus, admet Ahmed A., l'un des propriétaires des terrains privés touchés par le feu. « Cette catastrophe était prévisible. D'ailleurs, la hausse record des températures, la sécheresse, les maladies qui ont touché nos palmiers, le détournement des eaux de barrage qu'on utilisait pour l'agriculture pour procurer de l'eau potable aux villes, tous ces facteurs annoncent que ce malheureux évènement va se reproduire », lance-t-il. Un mois avant le drame de Zagora, le Royaume en a connu d'autres. Durant les trois jours du 9 au 11 juillet dernier, des records de températures (46-50°c) et de vents violents ont contribué au déclenchement et à la propagation de vingt incendies de forêts concomitants à l'échelle nationale, dans les provinces de Larache, Al Hoceima, Sefrou, Taounate, Béni Mellal, Marrakech, Tanger, Khémisset, Ifrane et Chefchaouen. Ces incendies ont totalisé une superficie globale brûlée de 1.200 ha, à en croire le département des Eaux et Forêts. Sefrou, première victime de cette année Les plus grandes étendues forestières ravagées ont été enregistrées dans les deux feux de la province de Sefrou, précisément au niveau de la commune rurale d'Ighezrane (Ribate Al Kheir) et dans la commune rurale Laânaceur (Dayat Iffer) avec des superficies estimées respectivement de 350 ha et de 470 ha. Concernant le feu de Laânaceur (Dayat Iffer), le Département des Eaux et Forêts précise que l'incendie a démarré dans le territoire de la province de Sefrou et a évolué vers le territoire de la province d'Ifrane. Les espèces forestières majoritairement incendiées sont constituées essentiellement de pin maritime, thuya, chêne vert, pin d'Alep et d'essences secondaires. Pour le feu d'Ighezrane, les forestiers soulignent que les premières flammes se sont propagées aux abords de la route régionale n°504 reliant Ribate El Kheir à Jbel Bouiblane alors que le feu de Laânceur a éclos aux alentours de Dayet Iffer. Pour expliquer la recrudescence de ce phénomène, les spécialistes s'appuient sur deux facteurs majeurs, les températures élevées et les taux d'humidité très bas. Une fois que l'incendie est déclenché, un autre facteur de risque s'ajoute. Il s'agit du vent qui peut favoriser la propagation des flammes. « Cela dit, il est possible qu'il y ait d'autres vagues de chaleur durant cet été. Pas forcément avec les mêmes intensités, mais il y aura fort probablement d'autres jours cet été qui seront chauds à très chauds », estime Khalid El Rhaz, ingénieur météorologue. Ces incendies participent incontestablement à la toxicité de l'air, faisant naître des inquiétudes pour la santé de la population. En plus de l'augmentation des températures estivales et des longues sécheresses, redistribution des précipitations. L'ensemble contribue à alimenter l'idée d'éventuelles grosses inondations à répétitions les prochains hivers. D'autant que certains spécialistes s'inquiètent de voir « les feux Zombie », des feux qui pourraient passer l'hiver. La terre brûle En dehors du Royaume, le dérèglement climatique est déjà une affaire annuelle. Or, s'il y a une dizaine d'années on assistait à des incendies tragiques en Californie, ou en Australie de nos jours, les feux ravagent les forêts dans de nombreuses parties du globe, de l'Amérique du Nord à l'Indonésie, selon le Système de Gestion des Informations et des ressources sur les incendies de l'agence spatiale américaine, NASA. Une grande partie de l'Amérique du Nord et du Sud, le plateau africain, le Nord de la péninsule arabique et la côte méditerranéenne de l'Europe ainsi que l'Europe du Nord et de l'Est ont été touchés par des incendies. En Asie, des incendies ont été détectés sur les côtes de l'Inde et dans la région de Sibérie en Russie, en Chine, en Malaisie et en Indonésie. En Europe, des cartes satellites montrent que des incendies de différentes envergures brûlent depuis au moins une semaine dans divers pays de l'UE. Les pays européens avec des côtes méditerranéennes comme l'Italie, l'Espagne et la Grèce sont également aux prises avec des incendies de forêt. Les signaux sont au rouge Le nouveau rapport des experts climat du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié lundi 9 août, est sans appel : le réchauffement climatique s'accélère. La limite de +1.5°C de réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle sera atteint vers 2030, soit 10 ans plus tôt que les projections précédentes. C'est une « alerte rouge » pour l'humanité, a réagi le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres. Ce rapport d'évaluation scientifique, le premier complet depuis sept ans, « doit sonner le glas du charbon et des énergies fossiles, avant qu'ils ne détruisent la planète », a-t-il déclaré dans un communiqué, en plaidant pour qu'aucune centrale à charbon ne soit construite après 2021.
Safaa KSAANI Rapport du GIEC : Il y a urgence d'agir
Attendu depuis plusieurs semaines, le rapport des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a été rendu public lundi 9 août. Il confirme ce que nous craignons depuis plusieurs décennies : le réchauffement climatique s'aggrave, et il est incontestablement lié aux activités humaines. En renforçant davantage les preuves scientifiques du lien entre les émissions humaines et les conditions météorologiques extrêmes, le GIEC fournit de nouveaux et puissants moyens de tenir l'industrie des énergies fossiles et les gouvernements directement responsables du désastre climatique.