La vague exceptionnelle de chaleur qui a sévi en fin de semaine dernière a favorisé le déclenchement d'une vingtaine de feux de forêts. L'intervention des autorités a été déterminante. Quelques jours, après que le Canada ait enregistré une vague de chaleur marquée par des températures record, le Maroc a également connu un weekend... infernal. L'épisode de canicule, exceptionnel à tout point de vue, a été enregistré dans diverses régions du Royaume du vendredi 9 au dimanche 11 juillet 2021. La Direction Générale de la Météorologie (DGM) évoque des températures jamais enregistrées depuis que le Royaume a déployé son premier système de mesure des indicateurs météorologiques. Si les records de chaleurs qui ont été battus remontent à quelques années, des villes comme Meknès ont connu leur jour de juillet le plus chaud depuis près d'un siècle. Selon le Département des Eaux et Forêts, cette vague de Chergui, accompagnée de vents violents, a « contribué au déclenchement et à la propagation de 20 incendies de forêts concomitants à l'échelle nationale, dans les provinces de Larache, Al Hoceima, Sefrou, Taounate, Béni Mellal, Marrakech, Tanger, Khémisset, Ifrane et Chefchaouen. Ces incendies ont totalisé une superficie globale brûlée de 1200 ha ». Sefrou en première ligne Les plus grandes étendues forestières ravagées ont été enregistrées «dans les deux feux de la province de Sefrou, précisément au niveau de la commune rurale d'Ighezrane (Ribate Al Kheir) et dans la commune rurale Laânaceur (Dayat Iffer) avec des superficies estimées respectivement de 350 ha et de 470 ha». Concernant le feu de Laânaceur (Dayat Iffer), le Département des Eaux et Forêts précise que l'incendie a démarré dans le territoire de la province de Sefrou et a évolué vers le territoire de la province d'Ifrane. Les espèces forestières majoritairement incendiées sont constituées essentiellement de pin maritime, thuya, chêne vert, pin d'Alep et d'essences secondaires. Pour le feu d'Ighezrane, les forestiers soulignent que les premières flammes se sont propagées aux abords de la route régionale n°504 reliant Ribate El Kheir à Jbel Bouiblane alors que le feu de Laânceur a éclos aux alentours de Dayet Iffer. Mobilisation générale « Dès le déclenchement de l'alerte contre les deux incendies susmentionnés et sous la supervision des autorités locales de la région de Fès-Meknès et des provinces de Sefrou et d'Ifrane, un plan d'action d'intervention a été arrêté et mis en oeuvre par l'ensemble des corps spécialisés », explique un communiqué des Eaux et Forêts qui précise que près de 736 personnes ont été mobilisées pour faire face aux feux. La Protection Civile, les Forces Armées Royales, la Gendarmerie Royale, le Département des Eaux et Forêts, les Forces Royales Air (FRA), les Forces Auxiliaires et les Autorités Locales ont tous coordonné leurs équipes appuyées par « près de 95 engins et aéronefs d'interventions terrestres (camions citernes d'incendies, véhicules de 1ères interventions, Ambulances, VTT, matériels de terrassement, tracteurs ...) et aériennes (2 avions bombardiers canadairs des FRA) ». Les Eaux et Forêts n'ont pas maqué de saluer une « mobilisation citoyenne et exemplaire des collectivités territoriales, des ONG et de la population locale ». Le pire a été évité Malgré des conditions marquées par de fortes chaleurs, une végétation résineuse très inflammable, des vents violents de Chergui et un relief accidenté, « les feux ont été circonscrits avec professionnalisme, dans un intervalle de temps réduit, et sans perte de vie humaine, ni préjudice notoire aux biens de la population », rassure le Département des Eaux et Forêts. « La superficie forestière qui était à risque d'être sinistrée par les deux incendies de Sefrou, est de 53.800 ha. C'est grâce aux efforts d'interventions développés, qu'il n'a été endommagé que 820 ha de forêt, ce qui représente un pourcentage de 1,5% », se félicitent les forestiers qui précisent que le dispositif inter-partenaire d'alerte et d'intervention contre les feux de forêts reste à son niveau maximal, parce que les périodes à haut risque de propagation des feux ne sont pas encore finies. Le Département ne manque pas de lancer un appel à la vigilance à tous les Marocains pour éviter l'utilisation du feu et alerter les autorités compétentes de toute fumée ou départ de feu en milieu forestier.
Oussama ABAOUSS 3 questions à Khalid El Rhaz, ingénieur météorologue « Il est possible qu'il y ait d'autres vagues de chaleur durant cet été »
Chef du service climat et changements climatiques à la Direction Générale de la Météorologie (DGM) et ingénieur météorologue, Khalid el Rhaz répond à nos questions. - Le Maroc peut-il revivre cet été une autre vague équivalente à celle de la semaine dernière ? - Je tiens d'abord à rappeler que le territoire marocain pendant la saison estivale est sous l'influence de deux centres d'action : l'anticyclone des Açores, d'une part, et la dépression saharienne, d'autre part. Le déplacement de ces deux centres d'action conditionne les températures qui sont enregistrées au Maroc. Lorsque la dépression qui est concentrée dans le grand Sahara (le Mali, le Burkina, le Sénégal, la Mauritanie...) migre vers le Nord, elle cause dans notre territoire ce qu'on appelle communément le Chergui. Cela dit, il est possible qu'il y ait d'autres vagues de chaleur durant cet été. Pas forcément avec les mêmes intensités, mais il y aura fort probablement d'autres jours cet été qui seront chauds à très chauds.
- Existe-t-il un lien direct entre les conditions de cette vague de chaleur et les départs de feux de forêt ? - Les risques d'incendies de forêt augmentent avec les températures élevées et des taux d'humidité très bas. Or, le phénomène de Chergui se caractérise justement par ces paramètres, surtout dans les régions continentales puisque le phénomène est relativement atténué dans les régions littorales. À noter qu'une fois que l'incendie est déclenché, il y a un autre facteur de risque qui s'ajoute. Il s'agit bien évidemment du vent qui peut favoriser la propagation des flammes.
- Est-ce que cette vague exceptionnelle de chaleur est une manifestation des impacts du changement climatique? - Les dernières études scientifiques qui ont été publiées soulignent que le Maroc a connu un réchauffement au cours des dernières décennies marquées par une tendance à la hausse de la température moyenne, maximale et minimale. Il est également question d'un allongement des durées et des intensités des épisodes de chaleur. Cela dit, il est quasiment impossible de dire que cette vague de chaleur est directement causée par le changement climatique. Aucun scientifique ne peut prendre sur lui d'établir un lien direct de ce genre en l'absence de données solides et de preuves suffisantes..