Alors que Madrid tente de regagner les faveurs de Rabat après la tempête du « Ghaligate », les autorités marocaines exigent plus de clarté sur le Sahara. Le gouvernement espagnol multiplie discrètement les pourparlers, en proposant une révision des relations bilatérales. Détails. « Nous devons renforcer nos relations avec la Méditerranée et en particulier avec le Maroc, notre grand ami », c'est dans ces termes élogieux que le nouveau ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Albares a tenu à rassurer les autorités marocaines que l'époque de sa prédécesseure Arancha Gonzales Laya est révolue. Plus de deux semaines après sa nomination, le nouveau chef de la diplomatie espagnole, qui s'est déjà rendu à Londres et s'apprête à visiter le Pérou au début de la semaine prochaine, n'a pas encore mis les pieds à Rabat, sachant que le Maroc était censé être sa première sortie officielle à l'internationale. Une situation qui laisse croire que la crise de confiance, entre les deux pays voisins, est loin d'être réglée après le scandale de l'affaire Brahim Ghali. Toutefois, El Païs indique que les autorités diplomatiques des deux pays multiplient discrètement les pourparlers, en vue d'éviter une rupture du dialogue. Selon le quotidien espagnol, cette tâche incombe actuellement à l'ambassadeur à Rabat, Ricardo Díez-Hochleitner, la directrice générale pour le Maghreb Eva Martínez, qui a quitté son poste mardi dernier, et l'ambassadrice marocaine Karima Benyaïch qui continue de s'occuper des relations avec l'Espagne depuis Rabat. En effet, la reprise des contacts directs non formels est désormais en cours, après une médiation tentée par le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, et d'autres membres de la Commission de l'UE. On a beau espérer une solution dans le court terme, cela est loin de portée, estime El Pais, dont des sources consultées précisent que l'Espagne et le Maroc voient différemment l'issue de cette crise. Madrid pense que le remplacement de Gonzales Laya est une façon de tourner la page de l'affaire Ghali tandis que le Maroc exige des excuses. Régler d'abord les questions épineuses De son côté, le gouvernement de Pedro Sanchez ne veut pas précipiter les choses et propose un dialogue global sur l'ensemble des sujets épineux qui obscurcissent le climat entre Rabat et Madrid. Le but, selon El Pais, est de clarifier les positions de chaque pays, sachant que la dégradation des relations bilatérales durant ces deux dernières années remonte à plusieurs épisodes, dont la fermeture des frontières de Sebta et Mellilia et la question migratoire. Le statut des deux enclaves ne cesse d'opposer les deux pays et suscite les plus vifs débats au Maroc, où l'on revendique de plus en plus leur rétrocession. Chose qui ne plaît gère aux Espagnols... Selon El Païs, l'Espagne compte mettre sur la table un plan aboutissant à une « zone de prospérité partagée » pour plus d'interdépendance entre les deux pays. La question du Sahara : la pomme de discorde S'ajoute à cela un dossier plus sensible qui, selon plusieurs observateurs, a été à l'origine des tensions. l s'agit de la délimitation des frontières maritimes au Sahara qui semble contrarier Madrid, qui a grimacé lors de la publication de la loi de traçage des frontières. Celui-ci devrait également faire un effort supplémentaire pour clarifier sa position sur la question du Sahara, une condition sine qua non qu'exige le Maroc pour toute reprise de la confiance. Madrid, rappelons le, bien qu'il se déclare aligné au processus des Nations Unies, ses agissements trahissent une certaine complicité dissimulée avec les ennemis de l'intégrité territoriale du Royaume. Il convient de rappeler à cet égard que la diplomatie espagnole a ostensiblement contesté, aux côtés de l'Allemagne, la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara. Même si la ministre limogée avait fait part de la prédisposition de son pays à écouter le Maroc sur ce conflit régional, le Royaume n'a pas réagi officiellement jusque-là et pense que c'est au voisin ibérique de faire un pas en avant. En gros, d'après les sources citées par El Pais, un accord entre les deux pays est une course de longue haleine, et les négociations prendront du temps, tant les désaccords sont nombreux. Même si les marques d'amitié envoyées récemment par le nouveau ministre Albares dévoilent de bonnes intentions, la crise de confiance n'en est pas moins trop profonde pour quelle soit résolue par des déclarations, aussi bienveillantes soient-elles.