ONU: Omar Hilale élu président du Comité de haut niveau sur la coopération Sud-Sud    Le régime algérien pousse le pays vers l'inconnu : la loi sur la « mobilisation générale » suscite la méfiance    ONU : Omar Hilale élu président du Comité de haut niveau sur la coopération Sud-Sud    Extradition de Boudrika : Voici ce que l'on sait de l'opération    Emploi : Aziz Akhannouch préside une réunion de travail sur l'état d'avancement du déploiement de la feuille de route    SIAM : la FOLEA signe deux conventions avec ASNAF et l'INRA    S.M. le Roi Mohammed VI lance l'extension du TGV Al Boraq vers Marrakech    Baromètre HCP : de timides signes d'espoir dans un contexte économique incertain    Vodafone Business et Maroc Telecom annoncent un partenariat pour servir les clients du secteur public et les entreprises au Maroc    Industrie de l'eau : au cœur de la machine Alma MMEP (VIDEO)    Le Crédit Agricole du Maroc, l'ONICL et PORTNET S.A, actent un partenariat sur la digitalisation de la gestion des cautions bancaires relatives aux opérations d'importation    Grande distribution : Marjane dresse le bilan de sa «FILIERE M»    Des moutons espagnols en Algérie : Une contradiction politique pour sauver l'Aid    Bourita s'entretient à Rabat avec son homologue du Qatar    Israël : Les restes d'un nageur retrouvés après une attaque de requin    Forum économique mondial : une enquête ouverte contre Klaus Schwab    CAN futsal : Le Maroc bat le Cameroun et file en demi-finale    Le Forum d'affaires Maroc-France Coupe du Monde 2030 et nouvelles perspectives de coopération    L'Ittihad de Tanger dénonce l'arbitrage après sa défaite face à l'Union de Touarga    Morocco-France Business Forum : Strengthening economic ties for 2030 World Cup success    Réforme de la procédure pénale : Bouayach souligne la nécessité de tenir compte du principe de l'Etat de droit    Fonctionnaires de la Santé : L'indemnisation pour risques professionnels revalorisée    « Les Balades de Noor » font escale à Rabat : Le Patrimoine mondial de l'UNESCO expliqué aux enfants    Jidar : Dix ans et toujours le mur-mure des talents!    Sahara : Un drone des FAR bombarde des véhicules du Polisario    Patrice Motsepe : La réussite footballistique du Maroc illustre le leadership visionnaire du roi    Reino Unido: El Polisario moviliza a sus aliados en el Parlamento británico    Did The Washington Post retract its report on Polisario ties to Iran, as Algerian media claims?    La FRMF s'allie à Webook pour moderniser la billetterie du football marocain    Espagne : Les cinq ministres de Sumar douchent les espoirs du Polisario    L'anglais séduit de plus en plus de jeunes marocains    CAN U20 Egypte 25 : Les Lionceaux quittent le Maroc ce jeudi    TENNIS : Le Maroc remporte le trophée des nations 2025 !    LOT Polish Airlines annonce une ligne directe Varsovie-Marrakech    Mix électrique : le Maroc atteindra 52% d'énergies renouvelables en 2026    Dialogue social : Vers un jeu à somme positive ? [INTEGRAL]    Un chef patissier marocain bat le record Guinness, en réalisant le plus long fraisier du monde    SIEL 2025 : Mustapha Fahmi présente son ouvrage « La beauté de Cléopâtre »    Mawazine 2025 : Al-Qasar & Guests – Le fuzz du désert soulève la poussière à Rabat    Le CSPJ lance une plateforme numérique dédiée à l'information juridique    Le groupe Akdital inaugure l'Hôpital Privé de Guelmim    LOSC : Ayyoub Bouaddi demande du temps pour trancher entre la France et le Maroc    Ukraine: la Russie a tiré 70 missiles dans la nuit, Zelensky appelle à l'arrêt des frappes    Les prévisions du jeudi 24 avril    Justice : Rabat et Riyad officialisent leur coopération pénale    "Pour une école de l'égalité" : une mobilisation féministe contre les stéréotypes sexistes    La Jordanie prend des mesures fermes contre les Frères musulmans : Qu'en est-il du Maroc ?    Un pâtissier marocain bat le record du plus long fraisier du monde: 121,88 mètres    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Littérature : Réécrire «L'étranger» d'Albert Camus
Publié dans L'opinion le 28 - 07 - 2021

Les grands écrivains commencent par réécrire les ainés. Copier, certes, mais surtout s'inscrire dans une logique de dépassement, de colmatage des brèches, oubliées, sciemment ou inconsciemment, ici et là. Ainsi est-il de la réécriture de L'Etranger d'Albert Camus ?
Après avoir fermé le livre L'étranger d'Albert Camus, on croit en avoir terminé la lecture. Illusion, car l'histoire de ce livre est une histoire inachevée, un début sans fin et des péripéties qui apportent encore à sa substance, à sa vision du monde, plus précisément.
L'aventure commence avec Albert Camus lui-même et « La mort heureuse », son premier roman où apparait déjà le nom de Meursault et qu'il abandonnera pour justement commencer à rédiger L'étranger. « La mort heureuse » sera publié à titre posthume et déjà on y retrouve une réflexion sur la mort, le bonheur (ou le malheur de l'homme) de l'homme qu'un rien peut faire surgir ou disparaître.
Cette ambivalence est tout entière dans le mythe de Sisyphe dont il fera une de ses oeuvres majeures... Le flottement, malgré l'engagement de faire remonter le rocher, existe. Dans l'exécution de cette punition, l'on ne sait plus si Sisyphe trouve une forme d'accomplissement de soi, en accédant à une sorte d'indifférence salutaire, qui rend le bonheur comme le malheur, indicible et impossible à restituer dans sa totalité, dans sa pureté. Dans cette démarche, l'enjeu pour Sisyphe n'est pas tant de se morfondre sur son sort mais de le constater, de constater son impuissance à en changer le cours pour en accepter le sort, ce sort de l'homme où « il faut imaginer un Sisyphe heureux », apaisé face à l'inéluctable nécessité de remonter le rocher.
Avant Albert Camus, le philosophe japonais Kuki Shūzō avait écrit en 1928, déjà : « Sisyphe devrait être heureux, étant capable de la répétition perpétuelle de l'insatisfaction ». Le bonheur de l'homme sur terre est entier dans cette figure, en somme. La punition divine semble avoir fasciné Albert Camus et son « Prométhée aux enfers », une courte nouvelle dans laquelle il pose la question de la signification de Prométhée pour l'homme, est une autre preuve de cette fascination.
Dans cette punition, il ne s'agit pas de punir pour punir, mais de punir la transgression, l'affront fait aux dieux de l'Olympe dans la mythologie grecque. Dans L'Etranger, Meursault sera puni et condamné à mort pour avoir transgressé la loi divine qui dit « tu ne tueras point », et celle des hommes qui punit le crime, sans utilité pour la société ! La violence est légitime seulement quand elle est divine dans la mythologie et institutionnelle dans les sociétés modernes, celles issues de la Cité, à la dimension politique affirmée.
Dans un sens, avec Sisyphe et Prométhée, Albert Camus a réécrit des pans importants de la mythologie grecque. Avec L'étranger, il a réécrit ce double mythe et son propre roman « La mort heureuse ». La question qui se pose dès lors est : peut-on réécrire L'étranger d'Albert Camus ?
Un mort sans la sépulture du nom
La question a sa réponse dans « Meursault contre enquête » de Kamel Daoud et de « L'étranger contre enquête » de Kamel Abderrahim - une oeuvre inédite - qui réécrit, à la fois, « L'Etranger » d'Albert Camus et « Meursault contre enquête » de Kamel Daoud. Pourquoi Camus ? Abderrahim Kamal répond, dans un échange avec l'auteur de ces lignes : « Camus, par le semblant de simplicité de l'histoire, du lexique, de la composition, et des personnages peut donner l'envie de réécrire afin de rajouter, modifier, approfondir, ou tout simplement imiter un monde et une écriture... L'étranger est, peut-être, le seul roman de Camus qui représente l'Homme dans sa nudité face au monde, face à lui-même, abandonné par le Sens».
Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de pallier les insuffisances supposées de « L'Etranger », de l'humaniser en quelque sorte en donnant un visage à l'arabe (ce mot revient 25 fois dans « L'étranger », rappelle Le Monde !) inondé de soleil, un soleil qui fait disparaître jusqu'aux traits du visage, un nom pour sépulture.
Le visage, c'est l'identité d'une personne : aucune partie du corps n'a la valeur identitaire du visage. Un homme se reconnaît à ses traits, non à ses cheveux, ses épaules, ses bras ou sa corpulence physique. Au-delà des interprétations historiques et de l'engagement politique d'Albert Camus qui ont suscité et suscitent analyses et contre analyses, Kamel Daoud affirme être dans « une interrogation d'homme et non de nationalité. Je n'interroge pas le passé, mais le présent et l'avenir », quand il a réécrit « L'étranger ».
Kamel Daoud fait un parallèle avec l'actualité du monde et l'univers de Meursault, dans un jeu de miroir qui peut renvoyer à l'attitude de Sisyphe qui se complait dans l'absurdité de l'acte de remonter le rocher, sans se révolter ou prendre une pause, sous forme de recul par rapport à ce qui le mue : « Un djihadiste dans le désert tue de la même manière que Meursault a pu tuer : l'un invoque un verset, l'autre l'ennui, mais les deux sont dans l'absurde »... et l'un comme l'autre ne pose pas de question sur la finalité de l'acte à commettre, ni avant ni après.
Meursault dans sa cellule ne réfléchit pas à sa condition de meurtrier mais à sa condition d'homme. C'est en cela qu'il parait serein dans l'attente de l'exécution de sa peine capitale, une sorte d'intermède « heureux » à la Sisyphe, au bas de la montagne, savourant ce moment précis, nullement assombri par la perspective de remonter le rocher.

Abdallah BENSMAIN


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.