Les marchés du travail marocains présentent certains défis de longue date qui pourraient handicaper le caractère inclusif de la reprise économique post-COVID, indique la Banque Mondiale. Bien que les mesures d'urgence adoptées par les autorités se soient avérées très efficaces pour amortir les effets de la pandémie sur les segments les plus défavorisés de la population marocaine, leur nature temporaire implique qu'une approche plus structurelle sera nécessaire pour garantir que les bénéfices de la reprise soient équitablement partagés, souligne la Banque Mondiale (BM) dans son rapport semestriel sur l'économie du Maroc.
À cette fin, la réforme en cours du cadre de protection sociale que les autorités mettent en avant est une étape importante, précise la même source. Néanmoins, pour accroître la prospérité partagée, la BM affirme que l'économie marocaine doit également générer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité que dans le passé récent, notant que malgré sa croissance soutenue au cours des dernières décennies, l'économie marocaine n'a pas réussi à générer suffisamment d'emplois pour absorber l'augmentation de la population en âge de travailler.
En effet, alors que la population en âge de travailler s'est accrue en moyenne d'environ 372 000 individus par an entre 2001 et 2019, l'économie n'a pu créer en moyenne que 112 mille emplois supplémentaires par an — laissant un déficit annuel moyen de 262 mille emplois. Cet écart s'est aggravé, passant de 227 mille entre 2001 et 2009 à 300 mille entre 2010 et 2019. Dans ce contexte, la Banque Mondiale souligne que l'évolution contenue du taux de chômage, qui évolue dans une fourchette de 8 à 12 % depuis la crise financière, est en partie le résultat d'un taux d'activité relativement faible, puisque 54 % de la population en âge de travailler était classée comme inactive en 2019. Les défis ne manquent pas ! Dans ce sillage, le rapport indique que le défi de l'emploi peut être envisagé sous deux angles différents : l'un lié à la pénurie d'emplois nécessaires pour satisfaire l'offre de main-d'œuvre, et l'autre concernant la mauvaise qualité des emplois créés. «Les éléments qui contribuent à ces défis sont la forte croissance démographique, la faible intensité d'emplois créés par l'activité économique, la lenteur de l'amélioration de l'efficacité de l'utilisation des facteurs de production et la lenteur du changement structurel de l' économie», précise-t-on.
"La croissance économique du Maroc n'est pas intensive en emplois, un problème qui semble s'être aggravé avec le temps" Banque Mondiale.
La croissance dite « pauvre en emplois » qui caractérise l'économie marocaine peut être analysée en calculant les élasticités emploi-production, ajoute la Banque, soulignant que l'élasticité de l'emploi à la croissance pour l'économie agrégée était de 0,27 entre 2000 et 2018. Les résultats montrent également que la croissance économique a entraîné moins d'emplois supplémentaires depuis 2010 que dans la décennie précédente, corrobore le rapport (0,12 % d'augmentation de l'emploi pour un pour cent d'augmentation supplémentaire de la production contre 0,37 avant 2010). Les différences par secteur sont assez marquées, la construction et les services générant plus d'emplois par unité supplémentaire de croissance de la production que le reste de l'économie, tandis que l'agriculture est un cas particulier, étant donné qu'elle présente une diminution de 0,27 % de l'emploi pour une augmentation d'un pour cent de la production (2010–2018).
Quid de la voie à suivre ?
Cela dit, la Banque Mondiale note que le Maroc doit relever un ensemble de défis spécifiques pour que le marché du travail contribue au développement et à la croissance économique, tout en générant des opportunités pour tous. Dans ce sillage, elle précise que quatre défis clés ont été identifiés comme des éléments cruciaux pour améliorer la performance du marché du travail marocain :
1. Accélérer la transformation structurelle pour créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans des secteurs à plus forte productivité ; 2. Encourager la formalisation et améliorer la qualité des emplois ; 3. Augmenter la participation des femmes à la population active (PFPA) et faciliter l'accès des femmes à de meilleurs emplois ; 4. Soutenir les jeunes dans leur transition de l'éducation au marché du travail et réduire le grand nombre de jeunes en chômage. Le nouveau modèle de développement qui vient d ́être publié, présente des éléments fondamentaux qui pourraient mener à une croissance économique plus favorable à l'emploi, affirme la Banque mondiale. «Ce modèle de développement centré sur l'emploi comprendrait probablement un regain d'intérêt pour le développement humain et le renforcement des compétences pertinentes de la jeune population, une augmentation significative de la participation des femmes au marché du travail, une dynamisation du secteur privé en stimulant la concurrence et la compétitivité, un effort concerté pour utiliser les technologies financières et numériques afin d'atteindre un plus grand nombre de ménages et d'entreprises, ainsi qu'une révision des institutions du marché du travail existantes pour faciliter l'intégration et les transitions professionnelles», conclut le rapport.