Parmi les 82,4 millions de personnes réfugiées ou déplacées dans le monde, 15.000 se sont installés au Maroc pour fuir les guerres et les violences dans leurs pays. Quoique la pandémie de Covid-19 a largement entravé les mouvements de population, le nombre de personnes ayant dû quitter leur foyer pour fuir les persécutions, la violence et les conflits a continué d'augmenter en 2020 et a atteint un nouveau record. D'après le dernier rapport du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR), rendu public à l'occasion de la journée mondiale du réfugié, 82,4 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur ou à l'extérieur de leur pays, un nombre qui a doublé en dix ans. Chaque minute, dans le monde, 20 personnes doivent tout abandonner pour échapper au pire. Le rapport annuel du HCR intitulé « Tendances Globales 2021 » fait état des déplacements forcés dans le monde et de la situation des réfugiés. « Plus de trois millions de personnes supplémentaires ont été déracinées depuis fin 2019, et ce, malgré la pandémie. C'est une situation très inquiétante. Demain, ça peut être moi, mon enfant ou ton enfant », alerte François Reybet-Degat, représentant du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) au Maroc. En 2020, les enfants (moins de 18 ans) ont représenté 42 % des personnes déplacées de force. Quant à la problématique d'accueil de ces gens en situation de vulnérabilité, contrairement aux attentes, « ce sont les pays les moins riches qui sont les plus généreux, 9 réfugiés sur 10 ou 86% ont trouvé refuge dans les pays qu'on appelle pays à revenu faible ou moyen », déclare le représentant de l'agence onusienne. Le Maroc, un pays d'accueil Le Maroc est à la fois un pays d'accueil et de transit avec sur son territoire plus de 15. 000 réfugiés et demandeurs d'asile enregistrés par le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), originaires de plus de 45 pays. Ainsi, le royaume a mis en place depuis 2013, dans le cadre de la Stratégie Nationale d'Immigration et d'Asile, un arsenal de dispositifs juridiques et d'accords bilatéraux et multilatéraux afin de garantir la protection et la gestion organisée et humaniste des réfugiés. Aujourd'hui, plus d'un réfugié sur 2 au Maroc (54,4%) est d'origine syrienne, indique une note sur les résultats de l'enquête nationale du HCP sur la migration forcée de 2021. Très loin en deuxième position, viennent les Yéménites avec une part de 12,3%, suivis des Centrafricains avec 9,9% et des Ivoiriens avec 4,5%. S'ils se trouvent au Maroc, ces réfugiés ont principalement dû quitter leur pays d'origine pour des raisons liées à la guerre, l'insécurité et la persécution (39,1%), viennent ensuite la recherche d'emploi, de l'éducation ou le regroupement familial. La nécessité impérieuse d'une solidarité internationale et d'une gestion partagée de ces populations vulnérables. Covid, la situation s'aggrave Alors que la crise pandémique et ses répercussions a touché tout le monde, ses effets sur les réfugiés, populations vulnérables qui ont déjà connu la pauvreté, l'exil, la violence, la guerre restent plus graves. En plus de la réponse rapide du Maroc pour endiguer la propagation du Covid-19 qui a inclus toutes les populations résidentes sur son territoire, le HCR également s'est adapté afin de continuer à répondre aux besoins spécifiques de protection et d'assistance des réfugiés et des demandeurs d'asile qui n'ont cessé de croître. Toutefois, le porte-parole du HCR pointe des « conséquences socio-économiques très importantes», et notamment « une forte baisse des revenus avec une forte accentuation de la pauvreté pour tous ceux qui dépendent des secteurs économiques informels ». D'ailleurs, l'enquête du HCP sur l'impact de Covid-19 sur la situation socioéconomique et psychologique des réfugiés au Maroc, publiée en septembre 2020, indique que 9 chefs de ménage réfugiés actifs occupés sur 10 ont cessé de travailler pendant le confinement et seulement 6.1 ont reçu une aide de la part de leur employeur ou de la part de l'Etat. Ces populations, travaillant principalement dans le secteur informel, ont été particulièrement affectées par la crise, avec peu ou pas d'accès à des sources de revenu, une exacerbation des vulnérabilités déjà existantes et un nombre croissant de réfugiés en besoin d'assistance humanitaire pour subvenir à leurs besoins de base. Malgré l'allègement des mesures de restriction de mouvement à compter du mois de Juin 2020, les effets socio-économiques continuent d'impacter profondément les réfugiés et les demandeurs d'asile au Maroc. Alors que les crises pandémiques, environnementales, les guerres, les conflits et leur résolution semblent être une entreprise de longue haleine face à des crises durables, la nécessité de revoir la gestion de la migration et de l'asile devient impérative. Une gestion basée sur la solidarité, la dissuasion et la considération que le droit de migrer est un principe universel qui est la seule façon qui permettrait à l'humanité de dépasser ces crises. Hiba CHAKER Repères Des problèmes de sous-financement Dans toute la région MENA, un sous-financement chronique a affecté les opérations du HCR. Pour le Maroc, l'agence déclare un besoin de financement de 8.9 millions USD. Plus de 74% de l'argent requis pour couvrir les opérations du HCR au Maroc est non financé. Au niveau régional, l'agence n'a reçu que 51% des 2,8 milliards de dollars requis pour mener ses opérations. A cause de la crise pandémique, les besoins humanitaires ont augmenté significativement autant pour les réfugiés que pour les pays d'accueil. En effet, le HCR Maroc participe activement dans la protection et la gestion des affaires des réfugiés, en synergie avec les institutions officielles et la société civile. L'agence organise, par exemple, l'enregistrement des réfugiés au Maroc, leur propose de l'assistance juridique et des logements d'urgence. En outre, elle assure de l'assistance financière pour les personnes vulnérables, assure des programmes d'aide à l'éducation, d'autonomisation et d'insertion professionnelle et garantit des services médicaux aux réfugiés. Ce problème de sous-financement peut influencer toutes les facettes de vie des réfugiés installés au Maroc. L'info...Graphie 3 questions à François Reybet-Degat, représentant du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) au Maroc «Une responsabilité mondiale partagée sur l'accueil des réfugiés demande une multiplication des voies légales»
- Quels sont les efforts à mener pour avoir un équilibre en termes d'accueil et de gestion des réfugiés ? - L'adoption du Pacte mondial du réfugié en décembre 2018 et la tenue du premier forum mondial un an après ont lancé le débat sur une responsabilité mondiale partagée sur l'accueil des réfugiés. Aujourd'hui, il est nécessaire d'augmenter les aides financières de la part des pays riches mais aussi de multiplier les voies légales, comme le regroupement familial, les études... Ces voies ne doivent pas être ad vitam aeternam afin de permettre une mobilité sûre, prévisible et organisée dans la logique d'un développement durable des pays d'accueil et d'origine. - La situation des mineurs non accompagnés en Espagne inquiète aujourd'hui la scène internationale, qu'en pensez-vous ? - Cette question ne relève pas de mon mandat puisque le HCR au Maroc s'occupe des personnes qui cherchent asile au Royaume. Mais je peux dire que les Nations Unies se sont exprimées à travers l'Organisation Internationale de la Migration qui a salué, jeudi dernier, la décision du Maroc de régler définitivement la question des mineurs non accompagnés en Europe. J'ajoute qu'une procédure régulière doit être suivie et que l'intérêt supérieur des enfants est la priorité numéro 1. - Les Syriens représentent la première population des réfugiés installés au Maroc, comment pouvez-vous décrire leur situation ? - Les Syriens au Maroc sont l'une des populations les mieux intégrées mais elle est confrontée aussi, comme les autres populations de réfugiés, au problème de la documentation. Par exemple, l'un des restaurants syriens les plus populaires à Rabat est celui d'un réfugié qui a bénéficié de l'aide du HCR pour se lancer et qui a aujourd'hui plus de 5 ou 6 restaurants qui emploient beaucoup de gens. En plus, les Syriens ont apporté leur richesse culturelle et leur savoir-faire comme en forage des puits par exemple. Des Syriens ont également mis en place un nombre de petites et de moyennes entreprises... Je dirais alors que les Syriens au Maroc sont une très belle histoire d'inclusion mais c'est aussi une histoire qui se trouve confrontée au problème de la documentation.