Victime de rumeurs sur sa conformité aux normes sanitaires, la pastèque marocaine est boudée par les consommateurs. L'ONSSA se veut pourtant rassurant et évoque des fake-news. Depuis quelques semaines, rien ne va plus pour la pastèque marocaine. Tout a commencé quand, en mai dernier, des publications sur les réseaux sociaux ont pointé l'utilisation de graines génétiquement modifiées et des pratiques d'injection d'hormones. « Tout le monde a remarqué que la pastèque a fait son apparition plus tôt que d'habitude cette année. La couleur rouge du fruit est plus intense que la normale. Elle est également moins sucrée et plus granuleuse », explique un père de famille qui, malgré la chute vertigineuse du prix de la pastèque, préfère « ne pas prendre de risque ». L'effondrement des prix de la pastèque est d'ailleurs en partie expliqué par la baisse de la demande des consommateurs depuis que les messages sur la qualité ou le « danger » du fruit ont circulé. Pourtant, l'ONSSA s'est voulu rassurant et a publié un communiqué où il souligne que « la pastèque marocaine est conforme aux normes de sécurité sanitaire des aliments et ne contient pas de contaminants ». Absences de contaminants Les résultats des échantillons analysés par l'ONSSA, dans le cadre du plan de surveillance et de contrôle de la pastèque durant la campagne en cours (année 2021), ont révélé « l'absence de contaminants dans ce fruit, à savoir les résidus des pesticides, des métaux lourds (plomb et cadmium) et des bactéries (salmonelles et coliformes) ». Pour l'Office, la production précoce des pastèques s'explique principalement par les conditions climatiques de certaines régions de production au niveau national, qui se caractérisent par des températures élevées dès les premiers mois de l'année, ainsi que par l'utilisation des bonnes pratiques de production. L'autorité sanitaire réfute la théorie de l'utilisation d'OGM, et précise que les semences importées sont soumises à un contrôle technique et phytosanitaire systématique aux postes d'inspection frontaliers, pour s'assurer de leur conformité aux normes et aux spécifications en vigueur au niveau national, avant d'autoriser leur admission pour leur commercialisation. Infox plutôt qu'intox L'ONSSA qualifie de « rumeurs non fondées » les alertes diffusées sur les réseaux sociaux au lancement de la commercialisation de la pastèque au Maroc. « De même, des photos circulent sur la messagerie WhatsApp, accompagnées d'un texte qui indique la présence d'un taux élevé de fertilisation azotée de la pastèque et son danger pour le consommateur. Toutes ces photos et les informations qui les accompagnent n'ont rien à voir avec le Maroc et font partie des fake news », corrige l'autorité sanitaire qui précise qu'il s'agit à l'origine de photos anciennes qui ont circulé en 2018 et 2020 sur les réseaux sociaux et publiées auparavant sur des pages Facebook de certains pays arabes et maghrébins. S'il n'y a pas de fumée sans feu, il n'y a également pas d'utilisation à grande échelle de produits interdits et dangereux sans avoir, à la clé, des centaines de consommateurs intoxiqués. Or, à ce jour, les cas d'intoxication suite à l'ingestion de pastèque ne semblent pas exploser. A qui profite le « crime ? » Seul résultat de cette polémique : une méfiance des consommateurs et une baisse phénoménale du prix de la pastèque qui a chuté à 1.5 dirham, voire à 1 dirham le kilo. S'il s'agit de fake news comme le soutien l'ONSSA, la question est de savoir « à qui profite le crime»? Pour certains producteurs, il s'agirait d'une campagne « entretenue par la concurrence étrangère». Piste manifestement probable puisque la pastèque marocaine a durant ces dernières années grignoté des parts de marché importantes en Europe où, d'ailleurs, les producteurs espagnols manifestent régulièrement contre « une concurrence déloyale ». C'est le cas des associations de producteurs de fruits et légumes d'Almería, Coexphal et Aproa, qui ont manifesté il y a quelques jours pour protester contre la chute des prix du melon et de la pastèque du fait de la concurrence marocaine sur les marchés européens. Les producteurs espagnols pointent les prix bas des pastèques marocaines, mettant en doute leur conformité sanitaire et demandant à ce que le Maroc ne puisse plus bénéficier de l'absence de quota et de barrières tarifaires.
3 questions à Madih Ouadie « Les semences et produits phytosanitaires utilisés ne passent pas tous par le circuit formel » Président de la Fédération Nationale des Associations du Consommateur, Madih Ouadie nous livre son opinion sur la polémique liée à la pastèque marocaine. - Quel est votre avis sur la polémique à propos de la production de la pastèque de cette saison ? - Nous avons suivi le dossier à travers la presse et les réseaux sociaux. Nous avons ensuite adressé une question à l'ONSSA à ce sujet. L'Office a répondu que les informations qui ont circulé ne sont pas fondées, que les pastèques qui sont sur le marché n'ont pas été produites à partir d'OGM et qu'elles ne contiennent pas de produits nocifs. Cela dit, il est évident - pour la pastèque comme pour d'autres produits agricoles - que les semences et produits phytosanitaires utilisés ne passent pas totalement et systématiquement par le circuit formel. Il y a également une autre question tout aussi fondamentale qui est celle de la rigueur de contrôle et de traçabilité après la production. - De quelle manière les autorités concernées peuvent-elles remédier à ces risques potentiels ? - Il est temps pour les autorités de mettre en place une vraie stratégie de la protection du consommateur et de prendre au sérieux le consommateur et ses représentants. Le consommateur est chaque jour de plus en plus regardant. Pour l'instant, cette polémique sur la pastèque impacte directement les producteurs qui sont actuellement les plus grands perdants de cette histoire puisqu'on est face à un produit qui ne se vend pas, parce que les consommateurs, déjà peu informés, ont reçu une information manifestement erronée. - Les informations qui sont à la source de cette polémique peuvent-elles être une tentative de manipulation externe pour saper la filière de la pastèque ? - Il se peut qu'il s'agisse effectivement de «fake-news». Je ne peux pas spéculer sur le fait qu'il s'agisse d'une tentative de désinformation interne ou externe, car je ne dispose pas d'éléments à ce sujet. Cela dit, si on était en face d'une production qui était potentiellement ou partiellement dangereuse pour la santé, les cas d'intoxication auraient été signalés en grand nombre, or, à ce jour, notre fédération n'a reçu aucun signalement de consommateurs à ce sujet.