La cryptomonnaie est une arme à double tranchant : elle peut rapporter des bénéfices de temps à autre, mais toute chute soudaine de sa valeur risque de laisser les investisseurs sans alternative. Cependant, le continent y met le pied avec l'AFRO, cette monnaie virtuelle panafricaine. Au Maroc, on n'en est pas là mais on s'attèle sur les blockchains. Méfiez-vous, tout ce qui brille n'est pas de l'or, dit l'adage. Cet axiome confirme le cas des bitcoins, cette monnaie virtuelle qui fait son entrée timidement mais sûrement sur le marché financier continental. Toujours décriées mais jamais abandonnées, ces cryptomonnaies continuent de passionner les économies et autres spéculateurs. Dans un Policy Brief, au compte du Policy Center for the New South (PCNS), un Think Tank marocain, M. Henri-Louis Védie, Docteur en sciences économiques de l'Université Dauphine Paris, décrit parfaitement cette monnaie électronique en ces termes : « En multipliant par deux son cours durant les trois premiers mois de l'année 2021, puis en le divisant pratiquement par deux, en quelques jours du mois d'avril 2021, le Bitcoin interroge, nous interroge ». Et l'exemple cité est édifiant. En effet, « l'explosion de son cours à la fin de 2020, atteignant un pic record à plus de 62 000 dollars contre un dollar le 13 avril 2021, pour retomber, en moins d'un mois à 36 000 dollars, du fait d'un maître des horloges dans la spéculation, nommé Tesla, le conforte et le condamne. Le conforte dans un nouveau statut, pas nécessairement celui qu'il privilégiait lors de sa création, celui d'être une monnaie virtuelle particulièrement spéculative, le condamne à n'être jamais ce pourquoi ses auteurs l'ont imaginé et créé, à savoir être une alternative à la monnaie centrale », souligne Henri-Louis Védie. Outil de spéculation et d'enrichissement Pourtant, dans les pays d'Afrique à forte inflation, les bitcoins sont souvent considérées comme un moyen de préserver la valeur de son épargne. Dans les zones plus stables d'un point de vue monétaire, on les voit comme un outil de spéculation et d'enrichissement. On estime par exemple que 11% des Sud-Africains et 9% des Nigérians qui possèdent des cryptomonnaies. Mais la volatilité de leur cours est un risque très élevé. Car depuis quelques semaines un vent de panique souffle sur les monnaies virtuelles, le bitcoin a perdu la moitié de sa valeur en quelques jours et cela ne fait pas le bonheur des millions d'épargnants et de spéculateurs sur le continent. C'est cette réalité que met en évidence l'économiste burkinabé, Daniel Ouedraogo (diplômé de l'université Paris-Dauphine) dans une analyse sur les ondes d'une radio. « Vous avez une grosse volatilité qui traduit l'importance du risque. Donc vous pouvez passer du simple au double en quelques jours. Donc ce ne sont pas des actifs sûrs. C'est une illusion de penser que l'investissement dans les crypto-monnaies sont des investissements sûrs », fait-il remarquer. Ce qui n'a pas empêché Daniel Ouedraogo et une quinzaine d'économistes, d'hommes d'affaires, d'experts et d'artistes de créer en 2018 l'AFRO, la monnaie virtuelle panafricaine car ils sont persuadés que l'Afrique est une terre d'avenir pour les cryptomonnaies. L'idée est simple, alors que le continent compte plus de quarante monnaies différentes, une seule cryptomonnaie pourrait faciliter les échanges et surtout les rendre moins chers en supprimant les frais de change. En outre et au-delà de pouvoir transcender ces difficultés, l'autre avantage est que la diaspora africaine perdrait moins d'argent en utilisant l'AFRO dans ses transactions. Car envoyer une cryptomonnaie à un correspondant en Afrique ne coûte rien contrairement aux services proposés par les sociétés de transfert d'argent. Un processus long et complexe Toutefois, pour arriver à devenir la cryptomonnaie unique africaine, l'AFRO doit devenir ce que l'on appelle un « stable coin », une monnaie stable, c'est-à-dire, arrimée à une devise, pour limiter ses fluctuations et donc les risques de change, soutiennent ses initiateurs. Pour cela, la fondation AFRO est en train de mettre en place un fonds de compensation. Un processus long et complexe, mais qui commence à susciter l'intérêt de certaines banques centrales africaines. Il faut rappeler, dans cette optique, que les Nigérians investissent de plus en plus dans les monnaies virtuelles, hissant leur pays parmi les leaders africains des usagers de bitcoins, avec l'Afrique du Sud et le Kenya. Aujourd'hui 4% des transactions en bitcoins dans le monde proviennent du Nigeria. Plus de 400 millions de dollars ont été échangés en crypto-monnaies dans ce pays en 2020, faisant du géant ouest-africain le troisième utilisateur de monnaies virtuelles au monde après les Etats-Unis et la Russie, selon une étude du cabinet de recherche spécialisée Statista. Qu'en est-il au Maroc ? Jusqu'à une date récente, le bitcoin n'est pas encore envisageable sur le marché financier national. Cependant, les autorités travaillent d'arrache-pied pour les blockchains à usage professionnel, sous l'impulsion des entreprises marocaines ou françaises. Ces dernières y voient des opportunités, ou à usage institutionnel. En attendant, l'Etat réfléchit à sa propre modernisation. Toujours est-il que sans réglementation, la cryptomonnaie est une arme à double tranchant : elle peut rapporter des bénéfices de temps à autre, mais toute chute soudaine de sa valeur risque de laisser les investisseurs sans alternative. Bon à savoir La Blockchain est un système d'enregistrement et de stockage d'opérations pair-à-pair, décentralisé et sécurisé. Ce système, dit de « pair-à-pair », enregistre toutes les transactions entre deux échangistes, et permet qu'on en garde trace /stockage. La Blockchain peut, donc, se définir comme un registre informatique, accessible à tous les participants du réseau, qui y valide et qui y enregistre leurs transactions. Transactions qui sont regroupées et validées par Blocs, d'où le nom de Blockchain. Mais, pour bénéficier du système bitcoin, encore faut-il disposer d'un portemonnaie électronique qui l'accepte, propre à chaque utilisateur. C'est pourquoi, tout portemonnaie électronique est associé à une double clé cryptographique, publique et privée/secrète/pour signer des messages. Ces deux clés ont en commun d'être composées, chacune, de plusieurs symboles de lettres et de chiffres mélangés. Avec ce système, tout membre du réseau bitcoin qui le souhaite, à chaque transaction nouvelle, peut vérifier que la personne qui veut échanger possède bien les actifs concernés par cet échange.