De l'OCP à L'Opinion, Khalid Jamaï n'est pas arrivé dans le journalisme car il s'était égaré en cours de route mais selon un itinéraire balisé, pourrait-on écrire. Son passage au ministère de la culture, ses relations avec les révolutionnaires palestiniens vont déterminer un parcours professionnel et de plume d'un « activiste » au sens plein du mot. Au ministère de la Culture, le Maroc lui doit un travail de fond et de collecte du malhoun. Ce qui n'est pas peu dire, à l'époque, les sources étant rares et dispersées. La restauration du Musée des Oudaïas prendra également de son temps et de son énergie durant son passage au ministère de la Culture, dirigé alors, en 1970, par Mohamed El Fassi qui fut également ministre de l'Education et des Arts. Sa fibre sociale, son humanisme, s'exprimeront à cette occasion : selon le témoignage de ses proches, c'est à lui que l'on doit, en effet, l'aménagement de passages pour handicapés dans les musées, à commencer par celui des Oudaïas !De cette « fibre culturelle », nait également Khalid Jamaï, l'auteur de 1973 et de Kan ya makan, un recueil de nouvelles, intitulée d'abord « Les chroniques de plomb ». C'est à la sortie de cette expérience de cabinard que Khalid Jamaî atterrit dans la presse. Et de quelle manière... en publiant une page hebdomadaire « Palestine » dans L'Opinion, sur demande de l'Olp au parti de l'Istiqlal, et en y créant une page Culture, devenue au fil du temps, une rubrique emblématique et une partie organique de l'Opinion.Durant ces années de plomb, le journaliste culturel a de la proximité avec les dissidents et les intellectuels de gauche, les révolutionnaires. Le journalisme culturel se présente ainsi comme un espace de liberté de dire à nul autre pareil. Cette quête de la liberté de ton et de la presse, Khalid Jamaï l'exprimera également dans un hebdomadaire, Le Journal, lancé par son fils, dont il deviendra le chroniquer attitré. Le Journal fut, avec Tel Quel et Demain, cette séquence inaugurée avec le nouveau règne de SM le Roi Mohamed VI, sous le label « presse indépendante ». La Palestine ouvre les portes des milieux révolutionnaires et des perspectives de lecture dont les moindres ne sont pas celle de Frantz Fanon et de la littérature sur les Patrice Lumumba, Mandela, Angela Davis et les blacks panthers... Dans ce quotidien où il exercera durant des décennies, le passage de Khalid Jamaï connaîtra une sorte d'apogée avec son nomination à la rédaction en chef. Son besoin de changer les choses s'exprimera d'abord dans une sorte de désir de transparence. Son premier projet fut d'abattre les murs et de réunir les journalistes dans une seule et unique de rédaction, à l'américaine, sur le modèle du Washington Post, qui avait suscité l'admiration de la planète entière en provoquant la chûte du président des Etats-Unis avec le Watergate. Si pour la culture, le modèle est français, pour le journalisme politique, le modèle de Khalid Jamaï est l'Amérique avec son sens poussé de l'investigation et sa manière d'affronter les puissants de ce monde, qu'ils soient les maîtres du monde en politique ou en économie. Dans ce sens, Khalid Jamaï, à l'instar des journalistes de sa génération de L'Opinion, est à bonne école, celle de l'Istiqlal, parti né pour l'indépendance du Maroc (son géniteur Bouchta figurait parmi les signataires du Manifeste de l'Indépendance) et qui porte dans son adn les gênes de l'opposition, de la dénonciation et des luttes pour la libération politique, économique et sociale.