Au Maroc, le revenu salarial des 20% des ménages les plus aisés est 14,1 fois celui des 20% des ménages les moins aisés. Détails. Alors que le bilan des «réalisations de l'action gouvernementale 2017-2021» chante les louanges des mesures prise par l'Exécutif durant ce mandat pour améliorer et soutenir le pouvoir d'achat des citoyens, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a dressé un tableau implacable des écarts de richesse au sein du Royaume. Selon celui-ci, le revenu salarial des 20% des ménages les plus aisés est 14,1 fois celui des 20% des ménages les moins aisés. Cet écart est de 25,9 fois entre les 10% des ménages les plus aisés et les 10% les moins aisés. Ce fossé abyssal entre les différentes strates de la société n'est nullement dû à la crise sanitaire, puisque de 2014 à 2019, les inégalités sociales ont atteint un record, que le Maroc n'a pas connu depuis l'indépendance. Dans les conditions actuelles, les inégalités salariales contribuent pour 40% aux inégalités du revenu global mesurées par l'indice de Gini, indique les statisticiens du Haut-Commissariat au Plan. Le même constat a d'ailleurs été relevé par le SG du Parti de l'Istiqlal, Nizar Baraka, lors de son passage à la Fondation Lafquih Titouani, où il a affirmé que «53,3% des richesses du pays sont détenues par 20% de la population, ce qui signifie que 80% des Marocains se partagent moins de la moitié de la richesse nationale». Sans concessions, le patron du parti de la Balance a déclaré que cet état des lieux « désastreux » est le résultat de la politique libérale des deux derniers gouvernements. Cela dit, le HCP précise que ce sont les revenus provenant de l'emploi indépendant non agricole qui présentent les écarts les plus prononcés. Les 20% des ménages les plus aisés détiennent 16,5 fois le revenu des 20% des ménages les moins aisés. Cet écart est de 38,4 fois entre les 10% des ménages les plus aisés et les 10% des ménages les moins aisés. Ainsi, les inégalités inhérentes à cette source de revenu expliquent 20,2% des inégalités du revenu global des ménages, 21,7% en milieu urbain et 14,2% en milieu rural. Ce sont cependant les revenus provenant de l'emploi indépendant non agricole qui présentent les écarts les plus prononcés. Les 20% des ménages les plus aisés détiennent 16,5 fois le revenu des 20% des ménages les moins aisés. Le revenu agricole des 20% des ménages les plus aisés est 15,2 fois celui des 20% des ménages les moins aisés. Cet écart est de 38 fois entre les 10% les plus aisés et les 10% les moins aisés. Au total, les disparités associées à la répartition du revenu agricole contribuent à hauteur de 13,2% aux inégalités du revenu global des ménages. Cette contribution s'élève à 60% en milieu rural. « Les inégalités associées aux revenus de transferts expliquent près de 16,9% de l'inégalité du revenu des ménages, toutefois, c'est en milieu urbain qu'elles génèrent une part plus importante de l'inégalité du revenu (19,9%) contre 4,8% en milieu rural », souligne l'institution dirigée par Ahmed Lahlimi. Une...deux...trois sources de revenu ! Abstraction faite de leurs poids dans le revenu total des ménages, le nombre moyen de sources de revenu par ménage mesure le degré de diversification des sources de revenu, note le HCP. Les ménages marocains vivent, ainsi, avec près de 3 sources de revenu, 2,7 en milieu urbain et 3,5 en milieu rural. Ce nombre moyen est de 3,2 parmi les 20% des ménages les moins aisés, de 2,9 parmi les 60% des ménages intermédiaires et de 2,7 parmi les 20% des ménages aisés. De façon globale, près de 96% des ménages disposent d'au moins deux sources de revenu (99,8% en milieu rural et 94% en milieu urbain), 41,7% disposent de trois sources, 29,6% de deux sources et 20,2% de quatre sources. La part des ménages disposant d'au moins quatre sources de revenu est plus élevée en milieu rural (47,1%) qu'en milieu urbain (14,2%). Salaires et revenus agricoles, principales sources de revenu des ménages Par ailleurs, le HCP indique que les salaires, en milieu urbain, et les revenus agricoles, en milieu rural, constituent les principales sources de revenu des ménages. Quelque 38% des revenus des ménages proviennent des salaires, 44% en milieu urbain et 23% en milieu rural, selon le rapport. Cette proportion est de 26,6% pour les 20% des ménages les moins aisés, 38% pour les 60% des ménages intermédiaires et 39,2% pour les 20% les plus aisés, explique le Haut-Commissariat au Plan dans une note intitulée : « Sources de revenu des ménages : Structure et inégalité », publiée mardi 18 mai. Dans ce sillage, le HCP indique que la structure par source de revenu des ménages renseigne sur la part relative des facteurs de production et des politiques de redistribution dans la répartition des revenus générés par l'économie nationale. Elle permet d'appréhender la contribution des salaires, du revenu mixte de l'emploi indépendant non agricole et des activités agricoles, des transferts et d'autres sources au revenu global des ménages. Elle permet, également, d'apprécier les inégalités inhérentes à cette répartition. Etablie à partir des données issues de l'enquête nationale sur les sources de revenu réalisée par le HCP en 2019, cette note montre que les transferts constituent, en termes d'importance, la deuxième source de revenus des ménages marocains, avec une contribution de 20% au revenu global. Ces transferts proviennent à hauteur de 49% d'institutions publiques, 40% des ménages et 11% d'institutions privées. Ils représentent 22% des revenus des ménages citadins (53% provenant d'institutions publiques, 36% des ménages et 11% d'institutions privées) et 14% des revenus des ménages ruraux (32% d'institutions publiques, 60% des ménages et 8% d'institutions privées). Campagne agricole vs revenu agricole Par tranche de revenu, poursuit la même source, les transferts constituent 28% du revenu des 20% des ménages les moins aisés, 21,2% de celui des ménages intermédiaires et 18,5% des ménages aisés. Ladite note révèle aussi que le revenu mixte provenant de l'emploi indépendant non agricole, où participent le travail et le capital, constitue 18% des revenus des ménages (20% en milieu urbain et 12% en milieu rural). Par tranche de revenu, il représente 10,4% du revenu des 20% des ménages les moins aisés, 17,9% des intermédiaires et 18% des ménages aisés. Il en ressort également que l'année 2019, marquée par une mauvaise campagne agricole, s'est soldée par un revenu agricole global de 10% au profit des ménages (36,7% en milieu rural et 0,7% en milieu urbain). Le revenu agricole constitue ainsi 8,1% du revenu des 20% des ménages les moins aisés et 7,3% de celui des ménages intermédiaires. En revanche, les revenus agricoles contribuent à hauteur de 12,9% au revenu des 20% des ménages les plus aisés. Au total, souligne le HCP, le revenu agricole représente, en milieu rural, plus de la moitié des revenus des 20% des ménages les plus aisés (54,4%), 19% de ceux des ménages intermédiaires et 9% de ceux des moins aisés. Avec cet énième rapport qui témoigne des inégalités flagrantes aux Maroc, nul besoin d'argumenter que la distribution équitable des richesses et les politiques publiques novatrices dans cette conjoncture sinistrée s'imposent.