Dans le milieu des TPE-PME, la situation économique s'est nettement détériorée bien que dans les textes les délais de paiement connaissent une amélioration appréciable. Dans la pratique, le chemin est encore long et Covid-19 n'a fait qu'aggraver une situation qui perdurait déjà. Explications avec Ahmed Fouad El Filali, Directeur de SINMARCO, Cabinet de Conseil. L'Observatoire des Délais de Paiement vient de publier son premier rapport annuel. Quelle analyse faites-vous de cette étude ? On ne peut qu'apprécier le fait que l'Observatoire des Délais de Paiement ait publié son rapport afin que tous les acteurs économiques publics et privés soient conscients de la nécessité de l'amélioration du climat des affaires dans une conjoncture difficile. Car d'elle dépend l'attractivité de notre pays. Et l'un des indicateurs est sans doute les délais de paiements. Pour ma part, le contenu de ce rapport, mène à une conclusion importante : celle que l'impact du retard du paiement dépend de la taille de la société et que les délais de paiement sont défavorables aux petites structures. Par contre, son impact est maitrisable pour les moyennes et les grandes entreprises. Toutefois, il conviendrait de souligner que les délais de paiement se sont améliorés au niveau des entreprises étatiques et publiques (EEP) grâce aux nouvelles décisions des autorités compétentes. Ce qui n'est pas encore le cas entre les entreprises privées et qui est au-dessous des attentes. C'est dans ce sens que la loi 49-15 sur les délais de paiement a subi des amendements allant vers l'amélioration des délais de paiement. Il s'agit du remplacement des indemnités de retard par des sanctions pécuniaires, l'obligation de joindre à la liasse fiscale une attestation des délais de paiement et la publication de la liste des mauvais payeurs. A votre avis, pourquoi c'est si compliqué pour arriver à un timing qui ne léserait aucune entité ? Le paiement des factures et des créances impactent toujours la trésorerie de l'entreprise. Faut-il rappeler, à ce sujet, que la grande partie des entreprises marocaines souffre de l'insuffisance de trésorerie. Cette situation a des conséquences sérieuses sur la croissance ou le développement des entreprises. D'où il conviendrait d'y remédier pour que celles-ci soient dynamiques et compétitives. L'autre difficulté pour arriver à un timing qui ne lèserait aucune structure réside à la fois dans les délais de paiement, la gouvernance et la bonne gestion des entreprises. Sans un contrôle de gestion et une visibilité, l'entreprise ne peut avoir en aucun cas la capacité d'échelonner ses dettes. Du côté des EEP, les délais de paiement ne sont pas respectés généralement à cause des démarches administratives. Ce qui explique sans doute que ces délais soient défavorables aux petites entreprises. A votre avis, s'agit-il d'une situation conjoncturelle liée à Covid-19 ou simplement structurelle ? C'est une situation qui perdure déjà. Le Covid-19 n'a fait qu'aggraver car les délais de paiement ont toujours été défavorables à la TPE à cause de l'insuffisance de trésorerie et la difficulté d'accès à des financements bancaires, le marché et la concurrence qui imposent à la petite société de supporter un client mauvais payeur. Or tout retard de paiement cause des dégâts financiers aux sociétés privées, lesquelles voient leurs trésoreries tendre vers le bas tandis que leurs dettes vis-à-vis de leurs fournisseurs s'accroissent. C'est l'équation la plus difficile à résoudre pour une entreprise. Ce sera aussi la question cruciale de l'après Codiv-19. Au niveau de SINMARCO, vous qui représentez beaucoup d'entreprises italiennes, comment vous vivez ces délais de paiement en cette période de Coronavirus ? Le Cabinet SINMARCO conseille toujours à ces partenaires italiens de régler leurs dettes soit privées soit fiscales à temps afin de garder le critère d'entreprise fiable et sérieuse. Par contre on a des difficultés pour le recouvrement des créances qui sont toutes publiques. Le Covid-19 nous a obligés à reporter le règlement de diverses dettes car les sociétés italiennes ont été très fragilisées par cette pandémie. Et l'on sait tous comment l'Italie a été mise à genou par cette crise sanitaire liée à Coronavirus. Qu'en est-il de vos opérations actuelles ? C'est vrai, il faut admettre que la situation s'est beaucoup améliorée même si l'on n'a pas encore atteint le rythme de 2019, donc avant Covid-19. Nous progressons aujourd'hui grâce aux divers financements que l'UE a injecté dans l'économie italienne d'une part, d'autre part la reprise des activités au Maroc. Un bilan pour l'année 2020 ? L'année 2020 est une année exceptionnelle, le monde entier s'est trouvé à l'arrêt complet pendant des mois, chose que les opérateurs économiques n'ont jamais vu venir ni même pensé. Notre chiffre d'affaires et nos opérations n'ont pas échappé aux conséquences Covid-19. Mais dans l'ensemble, le Fonds spécial Covid-19 pour soutenir les opérateurs économiques et les couches sociales ainsi que la création d'un Comité de veille, qui suivait de près l'évolution de la situation économique et sociale, ont permis au Maroc d'amortir l'impact de cette crise sans précèdent.
Des chiffre de l'observatoire Selon le rapport de l'Observatoire, les TPE ont enregistré en 2018 les niveaux les plus élevés en termes de délais de paiement clients, autour de 157 jours de chiffre d'affaires (JCA), suivis de ceux des PME avec 107 JCA. Pour les GE, leur moyenne de délais clients s'est établie à 92 JCA, mettant en évidence le pouvoir de négociation et le rapport de force qu'elles appliqueraient à leurs partenaires commerciaux. Concernant le règlement des dettes fournisseurs, les GE mettent en moyenne 118 jours d'achat (JA), contre 111 JA pour les PME et 104 JA pour les TPE. Pour ce qui est du solde commercial, et bien que l'ensemble des catégories d'entreprises soient dans une situation nette prêteuse, les niveaux les plus élevés en 2018 sont enregistrés chez les TPE, avec une moyenne de 78 JCA. En revanche, la situation est moins contraignante pour les GE et les PME, pour lesquelles les niveaux de solde commercial se situeraient en 2018 respectivement à 9 JCA et à 26 JCA.