Bête noire des entreprises, surtout en ces temps de crise, la problématique des délais de paiement constitue une préoccupation à l'échelle nationale compte tenu de son impact sur les trésoreries de celles-ci. L'Observatoire des Délais de Paiement dresse son premier bilan en la matière. Nul besoin d'argumenter que la question de la réduction des délais de paiement constitue un axe central pour l'amélioration de l'environnement des affaires et la promotion des investissements. Depuis les Hautes Orientations Royales contenues dans le discours du 20 Août 2018 et celles prodiguées lors du Conseil des ministres du 10 octobre 2018, les mauvais payeurs qui ne respectent pas les délais de paiement, sont de plus en plus sous pression. A cet égard, le premier rapport de l'Observatoire présente un diagnostic de la situation des délais de paiement, les actions entreprises, les insuffisances qui persistent ainsi que les perspectives d'évolution. Le rapport, qui est le fruit d'une collaboration entre les partenaires concernés (BAM, CGEM, Trésorerie Générale du Royaume et Direction des Entreprises Publiques et de la Privatisation), précise d'emblée que si des progrès ont été enregistrés au niveau du processus d'attribution et d'exécution des marchés publics, il n'en demeure pas moins que la gestion desdits marchés connaissait et connait toujours des difficultés en raison des retards en matière de délais de paiement des dépenses les concernant, sans oublier les «difficultés causées par les créances inter-entreprises ». La même source, ajoute que ces retards se sont accentués d'année en année impactant lourdement la trésorerie des entreprises et altérant le système économique du pays. Un chantier en progrès toutefois ... Tout en louant les efforts consentis pour contrecarrer les effets des retards de paiement sur l'économie nationale (voir repères), l'Observatoire n'a pas manqué de noter les mille et une lacunes qu'accuse le Maroc en la matière. Il explique que la réforme des délais de paiement nécessite l'implication et l'adhésion de l'ensemble des parties prenantes, d'où l'importance de la communication et de la sensibilisation. La dématérialisation constitue tout aussi un grand changement qui doit être géré minutieusement afin de produire les résultats attendus. Dans ce sillage, le rapport précise que « La publication des données sur les délais de paiement des EEP vise à renforcer la transparence au niveau du suivi desdits délais, à sensibiliser et à responsabiliser davantage toutes les parties prenantes concernées (organes de gouvernance et managers des EEP, autorités budgétaires, agents chargés du contrôle financier...) pour la prise de mesures et d'actions en vue de l'amélioration des délais de paiement des EEP. Il importe de préciser que les délais déclarés par les EEP et publiés mensuellement font de plus en plus l'objet d'audit aussi bien de la part des organes de gouvernance des EEP (Conseils, comités...) que des Commissaires aux Comptes, auditeurs externes et Agents du contrôle financier. L'Observatoire précise également que l'aspect culturel revêt une grande importance et ne doit pas être ignoré dans la mesure où le retard de paiement n'est pas uniquement un phénomène administratif ou financier. Ces délais qui nuisent aux petites structures Dans le cadre des effets ravageurs des délais de paiement sur le climat des affaires, le rapport de l'Observatoire note que ceux-ci sont particulièrement défavorables aux petites structures. « Une lecture par taille montre que les grandes et moyennes entreprises semblent maîtriser davantage leurs délais de paiement, au moment où les très petites rencontrent de nombreuses difficultés », selon une analyse de Bank Al-Maghrib (BAM) sur l'évolution des délais de paiement du secteur privé mise en exergue dans le rapport. En effet, cette dernière catégorie d'entreprises souffre, d'un côté, de délais longs avant de pouvoir récupérer ses créances, et, de l'autre, de l'obligation de payer ses fournisseurs dans des délais plus courts, dans l'objectif de préserver leurs relations commerciales, indique la même source. Pour ce qui est des Grandes Entreprises (GE), elles jouissent, selon l'Observatoire, de délais clients relativement bas et bénéficient parallèlement des délais fournisseurs largement au-dessus des moyennes observées chez les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et les Très Petites Entreprises (TPE). Ces dernières ont enregistré en 2018 les niveaux les plus élevés en termes de délais de paiement clients, autour de 157 jours de chiffre d'affaires (JCA), suivis de ceux des PME avec 107 JCA. Le rapport note que la moyenne de délais clients pour les GE s'est établie à 92 JCA, mettant en évidence le pouvoir de négociation et le rapport de force qu'elles appliqueraient à leurs partenaires commerciaux. S'agissant du règlement des dettes fournisseurs, les GE mettent en moyenne 118 jours d'achat (JA), contre 111 JA pour les PME et 104 JA pour les TPE. Du côté du solde commercial, et bien que l'ensemble des catégories d'entreprises soient dans une situation nette prêteuse, les niveaux les plus élevés en 2018 sont enregistrés chez les TPE, avec une moyenne de 78 JCA, précise-t-on de même source. Toutefois, la situation est moins contraignante pour les GE et les PME, pour lesquelles les niveaux de solde commercial se situeraient en 2018 respectivement à 9 JCA et à 26 JCA. Cela dit, le rapport indique noir sur blanc que le traitement de la problématique du retard de paiement, est non seulement une condition sine qua non pour consolider le climat des affaires, mais constitue également et surtout une composante fondamentale du plan de relance de l'économie nationale en ces temps de crise. De ce fait, des mesures sont en cours de préparation pour consolider les acquis et développer de nouvelles marges de progrès en matière de délais de paiement, précise l'Observatoire présidé par l'argentier du Royaume. Mais, une fois de plus, gare au piège de l'attentisme !