Le mariage des mineures, un phénomène social des plus inquiétants, trouve encore une faille dans la législation marocaine. En effet, il est possible au Maroc de demander une autorisation auprès des juges pour permettre le mariage de mineures. C'est lors de son intervention à l'occasion de la cérémonie d'ouverture d'un atelier de coordination, organisé lundi 12 avril autour du mariage des mineures, qu'El Hassan Daki, Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, Président du Ministère Public, a souligné que ce genre de mariage représente un phénomène d'une grande actualité dans la société marocaine, vu son impact direct sur les droits de l'enfant, tels qu'énoncés dans les conventions internationales y afférentes. Signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) et de la Convention sur le consentement au mariage, le Royaume a adapté sa législation nationale et fixé l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages à 18 ans comme étant une règle générale, a indiqué Daki, et ce, en parfaite harmonie avec ses engagements internationaux. Toutefois, il convient de noter que la législation marocaine permet une exception à la règle des 18 ans ! A cet effet, Daki a expliqué que dans la législation marocaine, le mariage des mineures est soumis à une autorisation préalable entre les mains des juges. Après avoir auditionné les parents et recouru à une expertise médicale ou une enquête sociale pour trancher en faveur de l'intérêt de l'enfant, les juges ont le pouvoir d'accorder ou de refuser cette autorisation « exceptionnelle » et doivent justifier leur décisions et les motifs autorisant ou non ce mariage. Plus de 27.000 demandes d'autorisation en 2019 Une « exception » qui se voit trop exploitée par la population marocaine et qui révèle des chiffres du moins alarmants. Les statistiques et rapports officiels indiquent en effet que les tribunaux enregistrent une augmentation de demandes des autorisations pour le mariage des mineures. Selon le rapport de la Présidence du Ministère Public, réalisé au titre de cette année, rien qu'en 2019, les tribunaux ont reçu quelque 27.623 demandes d'autorisations de mariages de mineures, a précisé Daki. Commentant ces statistiques, El Hassan Daki a souligné que « si, en tant que magistrats, nous ne sommes pas responsables des chiffres alarmants de demandes d'autorisations de mariage des mineures, un phénomène lié à plusieurs causes socioculturelles et économiques, nous sommes en revanche responsables du nombre d'autorisations octroyées... ce qui nous impose de ne pas vider cette autorisation législative exceptionnelle de son contenu ». « Il appartient aussi aux magistrats de prendre en considération l'intérêt suprême de l'enfant, d'autant plus que la situation interpelle tous les intervenants œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l'enfant à intensifier leurs efforts pour mettre fin à ce phénomène social », a-t-il poursuivi.