La douche froide qu'a représenté pour le PJD l'arrêt de la Cour Constitutionnelle du vendredi 9 avril sur la question du nouveau quotient électoral, dont les douze juges estiment « qu'il ne contrevient aucunement aux dispositions de la Constitution », n'a pas empêché le parti de la lampe de se fendre d'un communiqué où il réitère son opposition à cette loi. Un arrêt approuvé et critiqué en même temps ! Bien que le secrétariat général du PJD s'est abstenu dans sa sortie de contester ouvertement la décision de la Cour, dont les arrêts « ne sont susceptibles d'aucun recours », il a toutefois maintenu ses positions sur la question. « L'adoption du quotient électoral sur la base des inscrits sur la liste électorale est un choix anti-démocratique qui menace la légitimité du processus électoral », soutient le secrétariat général du PJD dans son communiqué. Ce nouveau mode de calcul est dépeint, par le parti de Saâd Eddine El Othmani, comme un facteur de balkanisation de la vie politique, qui menace de « diluer » les capacités des institutions et les empêcher à terme de remplir leurs devoirs constitutionnels et légaux. Le communiqué du parti a rappelé, par ailleurs, « la loyauté du parti à sa ligne politique et militante » et a, au passage, appelé ses militants à se mobiliser pour les élections à venir. Cette sortie semble avant tout dirigée vers la base et les sympathisants du parti plus qu'au reste du paysage politique. « C'est une politique de fuite en avant que mène actuellement le PJD. En choisissant de cristalliser le débat sur cette question, le parti à la tête du gouvernement démontre l'échec de son action après 10 ans au pouvoir », explique Omar Hjira, député de l'Istiqlal pour l'Oriental, avant d'ajouter : « Une formation politique forte et confiante dans son action gouvernementale, n'aurait jamais recours à ce genre de procédé, c'est avant tout un aveu d'échec ». Le retour des « tamassih » ? Pour ce parlementaire istiqlalien, le PJD ne fait que reprendre, en d'autres termes, une stratégie de communication politique basée sur la victimisation et la théorie du complot qui a été largement utilisée lors des dernières élections législatives. L'instrumentalisation de la question du quotient électoral s'apparenterait ainsi aux fameux « crocodiles et diables », qui œuvraient, selon Abdelilah Benkirane, ex-Chef du gouvernement et ex-patron du PJD, contre sa formation. Un leitmotiv qui visait à ôter toute responsabilité du parti de la lampe quant aux décisions prises par l'équipe gouvernementale qu'il dirigeait et donner à l'opinion publique l'illusion d'un parti victime de manœuvres et manigances. « Le PJD tente aujourd'hui de faire table rase de 10 ans aux affaires et de résumer la crise politique et économique qui secoue le pays à la question du quotient électoral. Pour moi, cette position est avant tout une déclaration de défaite du PJD et un mouvement pour attirer la sympathie de l'opinion publique en se faisant passer à nouveau pour victime », souligne Hjira. La fermeté affichée du PJD sur cette question vient, rappelons-le, alors que ce parti vient de traverser des turbulences internes rythmées par des annonces et contre-annonces de démissions au sein de son état-major. 3 questions à Omar Hjira, député de l'Istiqlal pour la région de l'Oriental - Le PJD a bataillé jusqu'au bout pour éviter l'application du nouveau quotient électoral, allant jusqu'à déplorer la décision de la Cour Constitutionnelle dans une récente sortie. Comment expliquez-vous cet acharnement ? - Cette sortie du PJD est un exemple éloquent des contradictions que connaît le parti de la lampe au sein de sa formation comme dans le gouvernement. Preuve en est, d'un côté, ils reconnaissent le rôle essentiel de la Cour Constitutionnelle dans le bon fonctionnement des institutions et son apport bénéfique à la stabilité parlementaire et juridique. D'un autre côté, ils critiquent la décision et l'estiment biaisée. Ce jeu d'équilibriste n'est pas une première, le PJD a recours à ce genre de procédés à l'approche de chaque scrutin et tente de se faire passer pour victime. Cette loi du quotient électoral a fait l'objet de débats et discussions au sein du Parlement et a été votée à la majorité dans les deux Chambres. Le PJD dont le président est, accessoirement, le Chef du gouvernement, a décidé de recourir à la Cour Constitutionnelle pour tenter de bloquer cette loi, alors que le bon sens aurait voulu qu'il présente sa démission vu le camouflet qu'a représenté l'adoption du quotient électoral pour le parti. - Vous avez évoqué une tendance du PJD à se victimiser, quel intérêt pour un parti qui dirige le gouvernement depuis 10 ans de jouer cette carte ? - Le recours à la victimisation par le PJD s'inscrit dans sa communication politique. Elle vise à susciter la sympathie de l'opinion publique en utilisant la carte de la théorie du complot. Une technique qui leur a déjà servi par le passé et leur a permis d'acquérir la majorité après le printemps arabe et lors des dernières élections. Aujourd'hui, au lieu de débattre et tenter de trouver des solutions aux problèmes suscités par la pandémie du Covid ou de faire le bilan d'une décennie au pouvoir, le PJD préfère porter l'attention sur la question du quotient électoral qui fait l'unanimité au sein de l'ensemble des autres formations politiques représentées au Parlement. Au lieu de s'attarder sur une question qui a été doublement tranchée par le Parlement et la Cour Constitutionnelle, le PJD devrait aborder l'après-Covid et les actions à mener pour relancer l'économie. Ce parti évite ainsi de rendre des comptes sur 10 ans de gestion du pays où le taux de chômage a explosé, rien qu'au niveau de ma circonscription, il a atteint 20% de la population, un taux qui n'avait jamais été atteint auparavant. Ce sont là les vraies questions à aborder et non celle du quotient électoral. - En agitant la question du quotient électoral, le PJD ne cherche-t-il pas déjà une justification à un possible vote-sanction à son encontre ? - Je pense qu'il y a deux hypothèses qui expliquent ce choix. La première est qu'ils tablent sur une victoire dans les élections à venir et qu'ils essayent de se donner une image de parti assailli de toutes parts et qui a réussi à maintenir le cap malgré les coups bas qui lui sont assénés. La deuxième hypothèse qui reste la plus plausible est qu'ils ne décrochent pas la première place. Dans ce cas, ils expliqueront leur défaite par le quotient électoral en évitant de parler de vote-sanction. Ce brouhaha sur le quotient électoral reste avant tout une sortie prématurée du PJD pour justifier avant l'heure une défaite dans les urnes. Un scénario qui est conforté par le ras-le-bol de l'opinion publique par rapport à 10 ans de gestion de la chose publique par le PJD.