Depuis quelques mois, la généralisation de la couverture sociale fait parler d'elle plusieurs observateurs et hommes politiques du Royaume. Qualifié de « révolution » et de « progrès » social, ce projet suscite quand même certaines protestations. Très peu de jours après l'adoption du projet de loi relatif à la protection sociale à la Chambre des Conseillers en Commission des Finances, des échos de protestation commencent déjà à se faire entendre, manifestant le refus des conditions du décret dans certains secteurs. C'est le cas des kinésithérapeutes du Maroc. Ces derniers ont révélé l'état déplorable dans le secteur, soulignant que leurs inquiétudes « se sont accrues après la publication du décret sur la couverture sociale des kinésithérapeutes non salariés ». Un décret établi suite à « des consultations incomplètes », dénoncent-ils, basé sur « un revenu moyen qui dépasse celui des professionnels du secteur ». De ce fait, la Coordination des kinésithérapeutes au Maroc a également dénoncé l'inscription obligatoire en échange d'un panier de services défavorisant, « dépourvu d'indemnités d'invalidité, de maternité, d'arrêt de travail, ainsi que de l'indemnisation familiale », soulignent-ils, accusant le ministère de la Santé d'imposer une politique injuste et de maintenir «l'absence de dialogue », et ce, malgré de nombreuses correspondances au Chef du gouvernement, au ministère de la Santé et au ministère de l'Emploi. Face à la négligence du gouvernement, une réaction s'impose Encore une fois, la négligence du gouvernement et son omission d'ouvrir le dialogue social sont pointées du doigt. A cet égard, les kinésithérapeutes ont fait remarquer la situation difficile que vit le secteur, qu'ils considèrent comme une « pierre angulaire du système de santé », et qui a été gravement touché par l'absence d'approche participative et de dialogue avec le ministère de tutelle, censé protéger ces professionnels. Conséquemment, ladite Coordination a annoncé son intention d'organiser une manifestation, lundi 15 mars, devant le siège du ministère de la Santé, pour protester contre le « mépris » des responsables pour leurs revendications et la négligence de la situation précaire et critique que vivent les professionnels du secteur. 51 milliards de dirhams, mal répartis ? La Coordination a également condamné « la mauvaise gestion de la Caisse nationale de sécurité sociale pour mettre en œuvre la loi sur la couverture sociale des non-travailleurs », ainsi que « l'absence et l'incohérence de plusieurs données relatives à ce dossier, et l'imposition d'un engagement rétroactif sans notification préalable ». Estimée à 51 milliards de dirhams, dont 14 milliards pour la généralisation de l'AMO, la généralisation de la couverture sociale sera financée en partie par le budget de l'Etat au titre des prochaines lois de Finances, en plus des fonds qui proviendront de la Caisse de compensation, comme l'indique l'article 13 du projet de loi. Parallèlement, le gouvernement a eu recours à des financements extérieurs pour soutenir ce projet, dont un prêt de 400 millions de dollars accordé par la Banque Mondiale. Le directeur de la région Maghreb, Jeshko Hentschel, nous avait indiqué, dans une précédente interview, que cet appui est destiné à la mise en place du registre social unifié, lequel servira comme plateforme d'identification des nouveaux bénéficiaires du nouveau régime social. En outre, l'instance de Bretton Wood compte assister techniquement le gouvernement pour réussir ce dispositif. Nabil Laaroussi
Vers un régime social universel Né d'une ambition royale, le projet de généralisation de la couverture sociale vise à doter l'ensemble des citoyens d'une protection contre les risques sociaux (maladie, vieillesse, chômage, dangers liés à l'enfance, etc.). Quatre principes président à cette réforme, dont la solidarité, la non-discrimination à l'accès aux services sociaux et la participation de tous les acteurs étatiques concernés dans les politiques sociales. Ce projet devrait être opérationnel au bout de cinq ans, de manière progressive.
CNSS et CNOPS, vers une fusion ? La réforme sociale proposée par le gouvernement prévoit également une réforme de la gouvernance des organismes gestionnaires, à savoir la CNSS et la CNOPS. Bien que le projet de loi se contente pour l'heure d'annoncer une convergence des différents régimes existants, le sort des deux établissements reste inconnu. Des sources parlementaires, bien informées, nous ont certifié que l'hypothèse d'une fusion de la CNSS et la CNOPS en un pôle unique reste le scénario privilégié. Or, rien n'est encore entrepris dans ce sens, à en croire des sources au sein de la CNSS, qui nous ont indiqué qu'aucune démarche n'a été entamée jusqu'à présent.