Condamnée à la paralysie, la renaissance de l'Union maghrébine est loin d'être plus qu'une réminiscence, au moment où le Maroc cherche à compter sur lui-même, dans une région de plus en plus hostile. Détails Créée pour fédérer les peuples du Maghreb, l'Union du Maghreb Arabe a fini par devenir un malheureux souvenir, pour tous ceux qui s'attendaient à autre chose qu'une union chimérique, victime d'un projet avorté par les hostilités qui minent la région. En plus de la rivalité coûteuse entre le Maroc et l'Algérie, et l'hostilité aveugle du régime militaire envers le Royaume, d'autres tentatives sont venues démolir le dernier espoir d'un « concordat maghrébin », et cette fois-ci de la classe politique des pays de la région. Dans une sortie médiatique très critiquée, le leader du Parti tunisien d'Ennahda et président de l'Assemblée des représentants du peuple, Rached El Ghannouchi, a fait part de son vœu de voir une union maghrébine sans le Royaume, pourtant son principal pays fondateur. Un voeu partagé par l'Algérien Abderrazak Makri, leader islamiste à la solde des généraux algériens, sous le prétexte facile de la reprise des relations entre le Maroc et Israël. En effet, on ne peut s'étonner de ces nouvelles déclarations rancunières, quand on se rend compte de l'amitié ostensible de Rached Ghannouchi avec le président algérien, qu'il a loué à maintes reprises, et surtout avec l'ex président Abdelaziz Bouteflika, avec qui il entretenait des liens très intimes. Ces déclarations s'ajoutent aux nombreuses tentatives superflues d'un certain colonel Kadhafi qui avait essayé, tout au long de sa présidence, d'établir des unions parallèles, sans succès. En témoigne l'échec du projet d'union entre la Tunisie et la Lybie, qui devait déboucher sur la « république arabe islamique », une dénomination insolite, vu que les dirigeants des deux pays de l'époque étaient laïques. UMA, sauver un corps moribond Face à un environnement de plus en plus hostile, le Maroc est conscient de l'échec de cette organisation tant désirée. SM le Roi Mohammed VI avait reconnu dans son discours au Sommet arabo-européen en 2019, les différends bilatéraux qui entravent le processus de décollage et de développement du projet maghrébin. Le constat est le même dans les cercles diplomatiques marocains, dont quelques diplomates nous ont confié que personne aujourd'hui ne croit dans cette organisation multilatérale, en mort clinique. Toutefois, cette entité existe juridiquement, et reconnue dans les instances internationales comme les Nations Unies. Les déclarations ne suffisent pas pour signer son arrêt de mort. Le démantèlement de cette structure reste une hypothèse écartée pour le moment. Bien que la dissolution ne soit pas prévue par le traité de Marrakech, l'article 18 accorde la possibilité d'un changement de structure pourvu qu'il fasse objet d'un amendement sur proposition d'un Etat membre. Dans le cas d'une volonté de retrait, l'Etat membre concerné se contenterait d'une déclaration unilatérale. Le Maroc voit plus grand Pour compenser le désœuvrement maghrébin, le Royaume voit plus grand. En sus d'avoir construit des alliances solides avec l'Union européenne et les Etats Unis, le Royaume a fait dès 2014, le choix de diversifier ses partenaires, en établissant de nouveaux partenariats stratégiques avec la Russie, la Chine et l'Inde, tout en renforçant son ancrage africain. La politique d'expansion économique en Afrique subsaharienne a permis au Maroc de devenir le deuxième investisseur africain dans le continent noir, poussant plusieurs spécialistes à dire que l'Afrique subsaharienne est le futur du Maroc. Concernant le dossier du Sahara, les récentes victoires de la diplomatie marocaine à l'échelle internationale, ont permis d'arracher plusieurs reconnaissances de la marocanité du Sahara, en dépit des turbulences des pays du Maghreb, comme la Tunisie, l'Algérie et la Mauritanie, très englués dans leurs crises internes. La reconnaissance américaine et les séries d'ouverture des consulats de pays arabes et africains dans les provinces du Sud, semblent précipiter la résolution de ce conflit artificiel. Une aubaine pour le Maghreb. Anass MACHLOUKH 3 questions à Mohammed Maelainin « Le Maroc est et restera toujours le pilier principal de l'Union du Maghreb Arabe dont le siège est d'ailleurs à Rabat » Mohammed Maelainin, diplomate, ex ambassadeur du Maroc en Australie, a répondu à nos questions sur l'état actuel de l'Union du Maghreb Arabe et son futur. - Le président du Parlement tunisien ainsi que d'autres politiques tunisiens et algériens veulent exclure le Maroc de l'Union maghrébine, que vous inspire ce genre de déclarations ? - D'abord, j'estime que la question du Grand Maghreb ne peut être une question de surenchères. Faire une déclaration par le MSP et Nahda dans le sens de raccourcir la composante de cette honorable institution dénote de la simple soumission de ces partis aux directives du gouvernement algérien, qui crée ici et là des sujets de tension contre le Maroc. Pour sa part, le MSP est connu pour être un parti valet du palais El Mouradia. C'est la voix de son maître. Il a été autorisé pour canaliser certaines voix islamistes vers les choix imposés par le contesté gouvernement algérien par son propre peuple qui a repris son « Hirak ». - Que représente l'UMA à vos yeux, vous qui êtes diplomate ? - Il est évident que l'UMA est une union des peuples, elle a été bâtie par le sang des martyrs de l'indépendance des nations du Maghreb et je ne vois pas qu'elle puisse s'écrabouiller par des chasseurs d'opportunités politiques, avides de postes et de titres éphémères. Personne ne peut en nier les bénéfices, qui équivalent à plus de 2 points de PIB par pays, et ça tout le monde en est conscient dont l'Algérie bien qu'elle feigne le contraire. - Compte tenu de l'état actuel des choses, le Maroc peut-il se passer de cette union ? - Je ne pense pas que le Maroc veuille abandonner de son plein gré l'idéal maghrébin, et ne le troque contre quoi que ce soit. Il en est un pays constructeur par sa nature. Or, comme vous le constatez, à côté de l'intégration maghrébine, il s'enrichit par d'autres partenariats avec d'autres pays et d'autres blocs régionaux tels que l'Union européenne, pour promouvoir son développement. Je rappelle que le 1er congrès des partis du Maghreb arabe a été organisé à l'invitation de Allal El Fassi à Tanger en Avril 1958, 4 années avant la naissance de l'Algérie indépendante. Pour notre part, nous restons, au Parti de l'Istiqlal, de fervents défenseurs de la construction du Grand Maghreb. Recueillis par A. M.