L'état de l'enseignement supérieur au Maroc était au centre de la séance plénière du lundi 8 février 2021 à la Chambre des représentants. L'occasion de revenir sur les multiples carences de ce secteur stratégique, dont la réforme tarde à venir ! Des universités surchargées, un décrochage qui bat son plein, un encadrement en deçà des besoins des étudiants, une explosion du chômage des diplômés...le moins que l'on puisse dire est que malgré les multiples réformes et les «plans d'urgence» qui se sont succédé durant les trois dernières décennies, le Maroc n'a pas pu réformer ce secteur stratégique pour le développement des Etats. Un état des lieux alarmant, qui inquiète tant les professionnels que les étudiants, et qui affirme de plus en plus que l'incapacité de la politique gouvernementale à répondre à une demande sociale de plus en plus pressante d'un côté, et les politiques de développement lancées par le pays d'un autre. Le remaniement du système éducatif actuel se profile donc comme un passage obligé, de sorte à réaliser un saut qualitatif qui installe une compétition, entre les universités, autour de l'excellence pour rehausser leur statut et leur image dans la société. Un système basé sur la formation de lauréats compétents et qualifiés, la contribution au renforcement du capital humain, le développement de la recherche scientifique et l'innovation pour contribuer au savoir, et être à l'écoute des besoins de la société en vue de répondre à sa demande et enfin lui rendre service. Pour ce faire, une réelle volonté politique est de mise, or les mesures gouvernementales en la matière (jugées timides par bonne partie des élus de la Nation), témoigne de sa faible détermination à prendre ce secteur en main. «Malheureusement, le gouvernement n'est pas sérieusement investi dans la réforme de l'enseignement supérieur. En témoigne la maigre enveloppe consacrée à la recherche scientifique au Maroc et les faibles budgets accordés aux universités et à l'enseignement universitaire de façon générale », nous confie Mohammed Ater, Enseignant-chercheur à l'Université Abdelmalek Essaadi, vice-secrétaire régional et membre comité administratif du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP). Recherche : parent pauvre de la stratégie gouvernementale En effet, depuis près de deux décennies, le Maroc consacre moins de 1% de son PIB (0,8% en 2017) à la recherche scientifique. Ce qui le classe à la 6ème place au niveau continental, après l'Afrique du Sud, l'Egypte, la Tunisie, l'Algérie et le Kenya. Néanmoins, l'Etat n'est pas l'unique responsable de ces carences puisque le privé, lui aussi, semble retenir son élan en contribuant chichement à la recherche et développement (R&D). Les budgets alloués à celle-ci étant à 70% publics. Le Maroc s'est fixé pour objectif d'atteindre progressivement la barre des 2% du PIB à l'horizon 2025. Toutefois, en analysant les budgets alloués à l'investissement dans le chantier de la recherche et en passant au crible les cinq dernières lois de finances, on s'aperçoit rapidement que cet objectif ne sera pas atteint de sitôt. Si l'initiative paraît prometteuse, elle n'en demeure pas moins en deçà des attentes et des besoins réels. Sans se comparer à des systèmes très au point, le Japon ou encore la Corée du Sud consacrent près de 4% de leurs PIB à la recherche. Outre le financement, Mohammed Ater souligne également la nécessité de renforcer le corps professoral et faire en sorte de créer un environnement propice à l'innovation, la créativité et la recherche. Le Maroc dispose à peine de 63 centres d'études doctorales, quelque 1.400 structures dédiées à la recherche et le nombre de chercheurs est dans les environs de 14.000. Des chiffres relativement passables, qui affectent significativement la quantité de la production scientifique (voir encadré). Quelles voies à prendre ? «Aujourd'hui l'objectif assigné aux universités, se résume dans l'absorption du flux de diplômés n'ayant pas pu accéder aux grandes écoles. Il faut donc déjà commencer par rendre à l'Université sa dignité en lui assignant le rôle qu'elle mérite, à l'instar des autres pays du monde», déplore le vice-président régional du SNESUP. A la veille du nouveau modèle de développement, l'universitaire affirme l'importance de sortir de la logique du «bricolage», soulignant qu'il faut de la cohérence entre les différentes politiques entreprises par le gouvernement, et ce, en vue de réduire le fossé abyssal entre les besoins du marché du travail et la formation universitaire. Il a également noté que l'Exécutif devrait impliquer toutes les parties concernées dans le processus de prise de décision. Cela dit, la consolidation des partenariats public-privé sont également une condition sine qua non pour booster le développement de la recherche. Par ailleurs, l'absence d'une loi sur la recherche scientifique, la faible coordination et implication des départements concernés par cette dernière, l'absence de statut spécifique pour le chercheur, sont également des lacunes qui doivent être comblées en urgence. Saâd JAFRI Des résultats timides pour le Maroc En 2018, près de 4 millions de publications sont parues à travers le monde, dont environ 7.000 publications seulement sont Marocaines (soit 0,2%), l'équivalent de 0,5 article par an et par chercheur. Des réalisations très faibles par rapport à la moyenne internationale qui est de 2 publications par an et par chercheur. En outre, en matière de R&D, les dépenses mondiales ont atteint en 2018, 1.000 milliards de dollars, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec des prévisions haussières pour les années à venir. L'Organisation souligne également la forte implication du secteur privé, qui contribue à hauteur de 69% de ces dépenses dans les pays de l'OCDE. Ce ratio culmine jusqu'à 78% dans des pays comme la Chine ou encore la Corée du Sud. Le Maroc a donc beaucoup de chemin à parcourir pour se faire une place dans la scène internationale.