La recherche scientifique demeure le facteur clé du développement dune nation pour son accession au rang de société du savoir. Elle est à même daméliorer le cadre de vie des citoyens et le développement économique dun pays. Au Maroc, et malgré un potentiel humain important, les moyens financiers et les efforts de coordination sont encore en-deçà des attentes. Les chercheurs sont dès lors face à un choix douloureux : rester dans lombre ou «chercher» sous dautres cieux. Lexpérience internationale montre que limpact de la recherche- développement sur léconomie augmente de manière significative lorsque les ressources consacrées à ces activités dépassent le seuil de 1% du PIB (2 à 3 % pour la Corée de Sud à titre dexemple). Dans notre pays, malgré les engagements passés de lEtat, linvestissement dans les sciences et la technologie, qui est considéré comme un investissement productif à moyen et long termes, reste très insuffisant et très en-dessous de 1 % du PIB. La part du PIB consacrée à la recherche scientifique au Maroc est passée de 0,3 % (1998) à 0,7 % (2002), soit une augmentation de 146,66 %. L'effort financier consenti en faveur de la recherche scientifique a connu une «augmentation substantielle». Ce financement était assuré dans les établissements universitaires, avant 1998, par le budget de fonctionnement, les contrats de recherche et les programmes de coopération internationale. Le nombre de thèses soutenues par des chercheurs attachés à des unités scientifiques a augmenté de 32,25 % dans cette période, passant de 589 à 779 études répondant aux critères de la recherche scientifique, précise le bilan du secrétariat dEtat à la Recherche Scientifique. Les brevets d'invention déposés à lOffice Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale sont passés de 468 (1992) à 547 (2002), soit une progression de 16,88 %. Le personnel scientifique et technique effectuant des activités de recherche au sein des universités (facultés, instituts et écoles), des établissements de formation des cadres (publics et privés) et des établissements de recherche (publics et privés) renseigne sur cette évolution pour la même période. La plus grande part de l'effort de recherche revient aux universités qui accueillent pas moins d'une dizaine de milliers de chercheurs, avec une hausse de 4,83%. Cette progression est plus nette dans les établissements de formation des cadres où le nombre de personnes impliquées dans des projets de recherche a augmenté de 58,45 %, et dans une moindre mesure dans les établissements de recherche publics et privés (24,17 %). Les branches scientifiques des études supérieures accusent, par contre, une régression de 2,44 % de leur effectif de chercheurs (14.488 chercheurs). Les universitaires prédominent Le nombre de spécialistes travaillant dans le domaine de la recherchedéveloppement est de 300 à 400 par million dhabitants dans notre pays. Il dépasserait les 2000 dans les pays industrialisés, comme le souligne Khadija Baddouri, professeur à la Faculté des Sciences de Rabat. Malgré ce nombre réduit, il faut noter quaujourdhui, la recherche scientifique et technique au Maroc est marquée par labsence dorganisation, le manque de coordination, le déficit dans les orientations et dans la planification, ainsi que le manque dévaluation et de valorisation des résultats de la recherche. Jusquà maintenant, aucune politique de suivi ni de coordination na été institutionnalisée entre les différents opérateurs de recherche que sont les universités, certains établissements de formation des cadres et les établissements publics de recherche. Le déficit en synergie entre tous ces opérateurs est une donnée essentielle pour caractériser létat des lieux qui a prévalu jusquà maintenant. Or, lexamen dun simple échantillon des domaines de recherche prioritaires montre clairement linterdépendance et lintervention de plusieurs départements et opérateurs de recherche. Les activités de recherche dans les domaines prioritaires tels lalimentation, la nutrition et la santé sont présentes dans les universités et dans au moins quatre instituts de recherche (lINRA, lINRH, lInstitut Pasteur, lInstitut dHygiène) qui sont sous tutelle de différents départements ministériels comme lEnseignement supérieur, lAgriculture, la Pêche et la Santé. Un autre exemple est celui des secteurs de lénergie et de leau: les activités de recherche dans ces domaines se trouvent dans les universités et dans au moins deux établissements de recherche (CDER, LPEE, ONEP) sous tutelle des départements ministériels comme lEnseignement supérieur, lEnergie et lEquipement. Ces exemples montrent nettement que lévaluation des résultats de la recherche, la coordination entre les centres de recherche et la rationalisation des moyens humains et financiers disponibles nécessitent une véritable coordination institutionnelle capable de réaliser la synergie nécessaire entre les différents opérateurs, autour des programmes de recherche ciblant des objectifs socio-économiques prioritaires. Un secteur désorganisé Dun autre côté, le manque de suivi et de coordination est à lorigine de la multiplication des unités de recherche travaillant sur les mêmes thèmes scientifiques et parfois dans un même établissement. Labsence de coordination des activités de recherche a entraîné souvent lisolement des chercheurs et la non-diffusion de leur production scientifique Le développement de la recherche souffre non seulement de linsuffisance des moyens financiers mais aussi de lexode des compétences. Il est de lintérêt de notre pays quune politique claire en matière de recherche soit élaborée. Cette politique viserait à améliorer la condition économique et sociale des chercheurs en leur accordant la liberté et les moyens de mouvements à lintérieur et à lextérieur du pays. Il sagit, à cet effet, de faire en sorte quils ne soient pas coupés de la communauté scientifique mondiale, en revalorisant les travaux par une évolution de carrière basée sur la productivité et par loctroi de prix pour récompenser les chercheurs émérites; en dautres termes en instaurant un véritable statut de chercheur. Et comme laffirme le Pr. Abdus Salam, prix Nobel de Physique, «( ) pour insister sur les rôles importants que la science et la technologie doivent jouer pour améliorer rapidement le niveau de vie, nous devons tous être conscients que ce nest pas une science de prestige. Elle consiste, en grande partie, à prospecter et à recenser les ressources naturelles d'un pays. Elle consiste en ce long processus dacquisition de certaines aptitudes techniques connues et à faire une évaluation intelligente des ressources qui peuvent être rapidement exploitées techniquement, avec les moyens humains et matériels dont nous disposons ». Une réflexion qui résume tout lintérêt de la recherche scientifique, surtout pour un pays émergent comme le Maroc.